U-Roy, pionnier du toasting reggae et inspirateur du hip-hop, est mort à l'âge de 78 ans
Non content d'avoir révolutionné le reggae au tournant des années 60 et 70, U-Roy a aussi inspiré les débuts du hip-hop avec son art du phrasé en rythme, le toasting. Ce pionnier du reggae est mort la semaine passée à Kingston (Jamaïque).
Dans le milieu du dancehall on le surnommait The Originator (Le Créateur). Pionnier du reggae et de l’art du toasting, ainsi que selector (celui qui choisit les disques) dans les premiers sound-system jamaïcains, U-Roy est aussi connu pour avoir inspiré les débuts du hip-hop. Il est mort mercredi 17 février au soir à l’âge de 78 ans, à l’hopital de Kingston suite à une opération chirurgicale des reins, alors qu’il souffrait de diabète et d’hypertension depuis des années, rapporte la presse jamaïcaine.
"Sans lui, pas de dancehall, pas de rap"
Depuis l’annonce de la nouvelle jeudi 18 février, de nombreuses figures du dancehall lui ont rendu hommage sur les réseaux sociaux. "Aujourd'hui, nous avons perdu notre héros", s'est lamenté Shaggy sur Instagram. "Sans lui, il n’y aurait pas de Dancehall, pas de hip-hop, pas de rap, pas d’afrobeat", a résumé sur Facebook Mad Professor, producteur et patron du label Ariwa.
Premier deejay jamaïcain (chanteur de dancehall) à avoir enregistré sa voix parlée-chantée inventive sur des beats de reggae instrumentaux (les riddims), sur la durée et non plus seulement avec quelques interventions ici ou là proches du scat, U-Roy a été un pionnier de l'art du toasting et a ouvert la voie au rap.
Né Ewart Beckford à Kingston (Jamaïque) le 21 septembre 1942, U-Roy fait ses premiers pas de deejay dès l’âge de 14 ans et débute à l’aube des années 60 dans différents sound-systems, avant de se faire un nom en intégrant en 1969 le Home Town Hi-Fi sound system de King Tubby, par ailleurs inventeur du dub (mixage de différentes pistes en ajoutant des échos, réverbérations et autres effets).
DJ et toasteur star dans le sound system de King Tubby
Avec son sens du phrasé unique et sa voix singulière, U-Roy devient l’un des toasteurs les plus populaires de Jamaïque. Selon la légende, il aurait réussi à garder les danseurs actifs par sa seule voix, sous la pluie, un soir où les intempéries avaient fait sauter le matériel électrique du sound system de King Tubby.
"Ce n’est pas pour me jeter des fleurs mais je sais que j’étais la star du King Tubby’s sound system. A la fois selector et deejay, j’étais celui qui contrôlait les soirées. Celui que les gens attendaient. Mais c’est King Tubby qui a construit les amplis et les réparait, ce que je ne savais pas faire", racontait-il à Reggae.fr en 2015.
En 1970, il enregistre ses premiers hits, sur les instrumentaux d’anciens tubes jamaïcains, Wake The Town, Rule The Nation et Wear You To The Ball. Il sort ensuite des dizaines de singles puis l’album légendaire Version Galore en 1970. Après avoir signé chez Virgin en 1975 pour son album Dread in a Babylon, et son hit- single Runaway Girl, sa notoriété décolle au Royaume Uni, en particulier auprès des acteurs du mouvement punk – Joe Strummer de Clash en était fan.
Inspirateur du pionnier du hip-hop DJ Kool Herc
A peu près au même moment, à New York, Dj Kool Herc, né à Kingston en Jamaïque et arrivé aux Etats-Unis à l’âge de 12 ans, s'inspire avec Coke La Rock de l’approche vocale de U-Roy et des soundsystems de Kingston pour les fêtes qu’ils animent dans le Bronx aux premières heures de ce qui deviendra le hip-hop, né officiellement en 1973 à l’une de leurs parties sur Sedgwick avenue. Puis c’est Blondie qui reprendra en 1980 The Tide is High des Paragons popularisée par U-Roy, et en fera un hit.
En dépit de ses succès discographiques (Natty Rebel en 1976, Rasta Ambassador en 1977 et Jah Son of Africa en 1978), U-Roy décide de fonder son propre soundsystem en 1978, Stur Gav, qui contribuera à faire découvrir une nouvelle génération d’artistes comme Charlie Chaplin et Josey Wales.
"Je n'ai jamais perdu un clash. C'est très important pour moi. Quand on se retrouve face à face avec un autre sound system dans une soirée ça devient sérieux pour moi, très serieux", racontait-il encore il y a six ans à Reggae.fr, en septuagénaire toujours aussi passionné. "Pas question que tu viennes de moquer le lendemain parce que tu m’as battu. Je suis toujours prêt avec mon matériel, quoi qu’il arrive."
U-Roy en avril 1978 au One Love Peace Concert à Kingston (Jamaïque)
Dans les années 80, U-Roy se produit beaucoup mais enregistre moins et s’installe à Los Angeles. Là il rencontre le producteur britannique Mad Professor, qui l’invite sur l’album True Born African et entame avec lui une fructueuse collaboration. Bien que souffrant de problèmes de santé depuis des années, U-Roy continuait à se produire partout dans le monde, où il était très demandé. Son dernier album, Talking Roots, produit par Mad Professor, est sorti en 2018.
Selon le Guardian, il a ensuite enregistré en 2019 un album dont la sortie est prévue cet été, Gold : The Man Who Invented Rap, avec pléthore d’invités comme Sly and Robbie, Mick Jones de Clash, Ziggy Marley, Shaggy, Santigold et Zak Starkey.
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