Nouveaux mots, francisation, usage… Comment les dictionnaires font le tri dans leurs nouvelles éditions

Article rédigé par franceinfo
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Chaque année, près de 150 nouveaux mots font leur entrée dans le dictionnaire. (VALERIE VREL / MAXPPP)
Chaque année, les dictionnaires présentent leur nouvelle version avec leur lot de nouveaux mots. Un choix qui incombe aux linguistes et conseillers scientifiques des différentes éditions.

Le Petit Larousse illustré a dévoilé lundi 29 avril sa version 2025 avec 150 nouveaux mots. Une édition à paraître le 22 mai prochain. Le Petit Robert, dans sa nouvelle mouture, paraîtra le 16 mai. Chaque année, les dictionnaires se mettent à jour, introduisant de nouveaux mots, choisissant d'en exclure d'autres… Bernard Cerquilini, professeur de linguistique et conseiller scientifique du Petit Larousse a répondu aux questions de franceinfo.

Franceinfo : Chaque année, des milliers de mots apparaissent dans la langue française et pourtant Le Petit Larousse n'en a gardé que 150. Ce choix est-il neutre ?

Bernard Cerquilini : Il est en partie objectif car nous vérifions que le mot que nous retenons est bien attesté à l'oral, à l'écrit, par les jeunes, par les moins jeunes. Mais en partie, nous le choisissons aussi parce que nous pensons qu'il a de l'avenir et qu'il est représentatif d'un mouvement, d'une innovation, d'une inquiétude… Il y a un côté savoureux des mots qui nous séduit. Le Petit Larousse est un dictionnaire de la langue courante et c'est celle-ci que nous décrivons. Donc nous vérifions que le mot vient d'entrer dans l'usage. Et ce qui nous intéresse, c'est ce qu'il signifie, à quoi il renvoie.

Il y a des mots qu'on n'entend pas forcément au quotidien - comme empouvoirement, traduction littérale d'empowerment - pourquoi les introduire ?

Nous notons les statistiques, les fréquences, etc. Mais nous avons aussi une fonction de conseil. Nous n'aimons pas trop "empowerment". Nous l'avons retenu, ça veut dire qu'il est attesté. Mais nous donnons un petit coup de pouce, en faveur de la version française d'un anglicisme. Nous aimons mieux empouvoirement. Nous aimons bien, aussi, autonomisation qui est la recommandation officielle. Et donc nous disons à celles et ceux qui ouvrent le dictionnaire : "Si vous le souhaitez, vous pouvez parler français." En ce qui concerne les anglicismes, la statistique est régulière depuis une vingtaine d'années, c'est 8% à peu près. Quand nous faisons entrer un anglicisme et qu'il est courant, nous ne manquons jamais de recommander un terme français. Pour skatepark, nous recommandons - et c'est d'ailleurs le mot officiel - "planchodrome". Pour fast-fashion, nous n'avons pas encore de recommandation. Le mot est courant, la chose est courante malheureusement, donc nous avons fait rentrer le terme dans le dictionnaire.

Il y avait eu débat en 2021 quand le pronom "iel" contraction de "il" et de "elle" avait fait son entrée dans Le Robert. Le ministre de l'Éducation, Jean-Michel Blanquer, l'avait critiqué. Tenez-vous compte de ces éventuelles réactions politiques ?

Non. Nous allons regarder les attestations. Le pronom "iel" est très peu attesté. Il n'apparaît que dans des textes militants. Ce qui est tout à fait légitime mais il n'est pas dans la presse, on ne l'entend pas à la radio, il n'est pas partagé : il ne répond pas aux critères que nous retenons. Donc pour l'instant le pronom "iel", pour nous, n'est pas dans la langue courante donc il n'est pas dans Le Petit Larousse. Chaque maison d'édition fait ses propres choix. Littré, Larousse, l'Académie française et Le Robert donnent chacun une image de la langue, un choix, une option. Le dictionnaire est un objet politique parce que la langue est politique, donc le Larousse entend les inquiétudes, les angoisses de la population. Et aussi parce que nous participons à une politique en faveur de la langue donc nous signalons qu'on peut tout dire en français, qu'il y a les mots pour cela. "Zéro déchet" que nous avons fait rentrer est une belle formation française. "Mégabassine" aussi.

De nouveaux mots entrent dans le dictionnaire, certains en sortent-ils aussi parce que désuets ou que vous faites le constat qu'ils ne sont plus utilisés ?

Nous faisons une réfection totale du dictionnaire tous les vingt ans. Tous les vingt ans nous proposons de faire disparaître des mots qui sont un peu moins dans l'usage mais c'est toujours avec chagrin. Nous avons gardé "minitel" mais nous avons fait disparaître "minitéliste" et "minitélé". La langue est une mémoire donc nous faisons en sorte, en jouant sur les caractères, les espaces, de faire entrer 150 mots tous les ans et de n'en faire sortir aucun.

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