A Orléans, le festival de Cannes 1939 ravive le souvenir encombrant du film colonial
A Orléans, sont projetés les films qui devaient composer le premier festival de Cannes en 1939. Parmi ces oeuvres privées de Croisette pour cause de conflit mondial, un film colonial, "La France est un empire", concentré de propagande paternaliste.
L'oeuvre bienfaitrice de la France auprès des peuples inférieurs des colonies ! Voilà en résumé l'esprit qui règnait dans les films coloniaux très en vogue jusqu'à la seconde guerre mondiale. Une propagande raciste qui se voulait bien pensante et généreuse alimentait la pensée très répandue que les Blancs composaient une race supérieure à celles des autres continents, les peuples d'Afrique et d'Asie principalement.
Le premier festival de Cannes avorté en septembre 1939
A Orléans, bien loin de la Croisette, sont projetés les films qui devaient être présentés au festival de Cannes en septembre 1939. Ce devait en être la première édition, elle n'eut jamais lieu pour cause de déclaration de guerre le 3 de ce même mois. L'intitiateur du festival de Cannes était Jean Zay, le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts du Front Populaire. Sur l'idée de quelques artistes, il voulait en faire la réponse démocratique à la Mostra de Venise, créée en 1932 et qui était alors la vitrine du fascisme.
Jean Zay avait insisté pour que soit projeté dans la première sélection cannoise un de ces documentaires coloniaux, La France est un empire. La fille du ministre, Hélène Mouchard-Zay explique pourquoi son père, homme de gauche, a pu défendre cette justification du colonialisme difficile à supporter.
Le titre est explicite : la France est un empire. Elle a des armées, elle a des troupes. C'est un message subliminal envoyé à l'Allemagne en particulier : s'il vous avise de faire la guerre, il n'y a pas que les troupes de la métropole mais aussi toutes les forces de l'empire. Et donc ça représente une force militaire considérable.
Hélène Mouchard-ZayFille de Jean Zay
Propagande raciste et exotisme
Afrique du Nord, Afrique noire, Indochine... L'empire français faisait la fierté de la France en cette période de l'avant-guerre. Foisonnaient alors les romans et films dont l'action, forcément pleine d'aventures, se déroulait dans des décors exotiques propices à la démonstration de force de l'homme blanc faisant face à la barbarie des "tribus", au danger des fièvres, à la férocité des animaux de la jungle et au charme vénéneux des belles indigènes. Toute cette imagerie trompeuse avait trouvé un de ses aboutissements dans les expositions coloniales. A Paris en 1931 et 1937, elles offraient les tropiques au petit peuple. Le Parisien moyen pouvait alors se rêver au Dahomey, au Tonkin, à Madagascar ou au coeur de la Casbah pour le prix d'un ticket de métro.
Tout cela devait changer après la Seconde Guerre mondiale, le réveil des indépendantismes et les guerres de décolonisation. Mais la persistance dans certains esprits de la certitude d'une hiérachie "des races" montre que la propagande en cours il y a un siècle avait profondément marqué les Occidentaux.
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