Royaume-Uni : la Crooked House, un pub rayé de la carte en Angleterre, devient le symbole d'un patrimoine en péril
C'est une institution qui vient de disparaître. La Crooked House, un pub incliné du XVIIIe siècle, devenu une attraction en Angleterre a été vendu. Puis détruit par les flammes une semaine plus tard. Face à cet enchaînement suspect, la police – et les tabloïds – enquêtent. Mais en attendant, des bulldozers ont rasé ce qui restait du pub. Face au tollé, les autorités locales répètent qu'elles n'avaient donné leur autorisation que pour sécuriser le bâtiment.
Le mal est fait et l'affaire ne suscite pas seulement l'indignation des habitués. Elle met en lumière la menace qui pèse sur les débits de boissons du Royaume-Uni, malmenés par les crises successives, au grand dam des communautés locales. Des dizaines de pubs mettent la clé sous la porte tous les mois dans le pays, selon le groupe Campaign for Real Ale (Camra), qui promeut la culture des pubs outre-Manche. Pour Paul Ainsworth, du groupe Camra, interrogé par l'AFP, la perte de la Crooked House, un lieu "unique" et "étonnant", est une "tragédie absolue".
Patrimoine en danger
Ce pub du centre de l'Angleterre, incliné à 15 degrés, avec une extrémité enfoncée de plus d'un mètre dans le sol par rapport à l'autre, semblait pouvoir s'effondrer d'une minute à l'autre, même pour un visiteur sobre. Mais malgré son apparence précaire, la Crooked House était restée pendant 260 ans un lieu important pour la communauté de Himley, petit village à l'ouest de Birmingham.
Même si les appels à la reconstruction aboutissent, le lieu ne sera "plus jamais le même, car son atmosphère unique provient de son âge et de son histoire", insiste Paul Ainsworth auprès de l'AFP. Selon le groupe Camra, une trentaine de pubs ont été détruits ou transformés sans autorisation entre janvier et juin cette année, malgré une loi de 2017 en vertu de laquelle après une vente, les nouveaux propriétaires doivent demander un permis pour réaffecter les sites.
Dans une lettre adressée au Premier ministre britannique, Rishi Sunak, le groupe a dénoncé la semaine dernière "l'achat prédateur et le démembrement des pubs historiques" et a appelé le gouvernement à agir pour faire respecter la loi. Les pubs, qui sont au cœur de la vie britannique depuis des siècles, sont en difficulté depuis de nombreuses années en raison de l'évolution des habitudes de consommation. Et la pandémie, puis la très forte inflation, ont eu ces dernières années un effet dévastateur sur ce secteur.
Des riverains prêts à sauver leur pub
Selon six des plus grandes sociétés de débits de boissons et de brassage du pays, certains pubs ont vu leurs factures quadrupler, le tout dans un contexte général de crise du coût de la vie pénalisant les clients. Selon Paul Ainsworth, certains pubs ont été délibérément laissés à l'abandon, une stratégie de certains propriétaires pour convertir les lieux en bâtiment résidentiel.
Après la vente de la Crooked House, des milliers de personnes ont signé une pétition en ligne appelant à sa sauvegarde. Certains ont même placé des fleurs et des pancartes dans les décombres du pub. "More Than a Pub" (Plus qu'un pub), pouvait-on lire dans les hommages. Paul Turner, à l'origine de la pétition, a fait valoir auprès de l'AFP qu'un tel pub, bien géré, pourrait "attirer des visiteurs du monde entier". A 58 ans, il s'est dit "dévasté" par l'incendie, ajoutant que le lieu avait fait "partie de (son) enfance".
Paul Ainsworth espère que les autorités ordonnent la reconstruction du pub, ouvrant ainsi la voie à une sorte de reprise en main par la communauté locale. Depuis 2017, les habitants ont de plus en plus tendance à se regrouper et à prendre possession de leurs pubs. Sur les 47 000 établissement que compte le pays, 205 pubs sont désormais entre les mains de groupes de riverains. C'est le cas du Old Forge, en Ecosse, qui vient de rouvrir dans le fin fond des Highlands. Les habitants ont collecté un million de livres pour acheter à son propriétaire belge cet établissement réputé comme le plus isolé du Royaume-Uni, accessible après un voyage en bateau, puis deux jours de marche.
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