Belgique : quand des camps militaires des XVII et XVIIIe siècles reprennent vie...
La Belgique participe, elle aussi, aux Journées nationales de l’archéologie (JNA), qui ont lieu du 14 au 16 juin 2019. A Ninove (Flandre-Orientale), le grand public pourra découvrir les restes de camps militaires des XVII et XVIIIèmes siècles au milieu… de reconstitutions de bataille.
L’aménagement d’une zone industrielle de 28 ha à Ninove (ouest de la Belgique) sur un plateau qui domine la vallée de la Dendre, affluent de l’Escaut, a permis le lancement, en septembre 2018, d’une fouille préventive sur une surface de 8 ha. Fouilles menées par la SOLVA, structure archéologique intercommunale. Une occasion exceptionnelle de fouiller un site occupé depuis la nuit des temps et auquel les visiteurs auront accès à l'occasion des Journées nationales de l'archéologie (14-16 juin 2019).
"Nous avons découvert trois périodes d’occupation : au Néolithique, à l’époque romaine et aux XVII-XVIIIe siècles", résume Arne Verbrugge, archéologue à la Solva. Les découvertes concernant l’époque néolithique sont étonnantes. "Nous avons ainsi mis au jour deux tombelles (buttes funéraires) entourées de fossés de 37 m de diamètre pour l’un, 35 m pour l’autre. Ces tumulus, qui remontent à 2500-2000 avant J.-C., sont plus anciens que ceux retrouvés d’habitude dans la région. Ils rappellent plutôt ceux mis au jour dans la région de Stonehenge (Grande-Bretagne) et qui sont un peu antérieurs".
Apparemment, à cette époque, la zone n’était pas habitée. Les populations vivaient plutôt dans la vallée de la Dendre, donc près des ressources en eau. Pour des raisons sans doute symboliques, les tumulus étaient installés sur les hauteurs du plateau. Pour les périodes ultérieures, les fouilleurs ont retrouvé des trous de poteaux datant d’environ 1000 avant notre ère. Pour l’instant, ils ignorent à quoi servaient ces trous. Et c’est sans doute seulement à la période romaine que les hommes s’installent sur le site pour y vivre. "Nous avons ainsi découvert un petit habitat rural complet, avec maisons, chemins, tombes, ainsi que de grandes fosses d’où l’on extrayait le limon pour la construction des maisons", raconte Arne Verbrugge.
Concernant la période médiévale, les archéologues ont retrouvé quelques fossés, datant du Xe ou XIIe siècle, avec une ferme. Conclusion : les lieux devaient alors être occupés par l’agriculture.
Infanterie hollandaise
Des restes plus significatifs réapparaissent seulement pour la période moderne. En l’occurrence des vestiges militaires remontant à des temps troublés où l’Europe était le terrain de jeu des grandes puissances. Les archives ont ainsi permis d’identifier ceux d’un camp militaire remontant à la guerre de la ligue d’Augsbourg (qu’on appelle guerre de Neuf ans en Belgique). Un conflit qui a opposé, de 1688 à 1697, la France à une coalition européenne (Hollande, Angleterre, Suède, Danemark, Etats allemands…).
"La zone fouillée correspondait à celle où stationnait l’infanterie hollandaise vers 1692-1693. Celle-ci ne serait restée que 10 jours. Nous avons repéré des foyers. Et trouvé des pipes en terre cuite, des morceaux de bouteille à vin et quatre monnaies de Charles II, roi d’Espagne et souverain des Pays-Bas espagnols", raconte l’archéologue flamande. On a aussi trouvé une monnaie d'origine écossaise, preuve que des Ecossais ont participé aux combats.
Au XVIIIe, la situation est restée conflictuelle. La guerre de succession d’Espagne (1740-1748) a, elle aussi, laissé des traces dans la région de Ninove. Lors des fouilles, on a ainsi mis au jour sur le site de Doorn Nord les restes d’un autre camp militaire, vraisemblablement celui où a stationné la brigade d’Auvergne, appartenant à l’armée du maréchal de Saxe. Les 3000 militaires français (identifiables grâce à des débris d’assiettes fabriquées à Lille ?) seraient restés un mois, voire plus, sur les lieux. "Là, les vestiges sont importants et très bien conservés: en l’occurrence des fosses avec des escaliers et des fours souterrains. On y trouve des cendres contenant des ossements, preuve que l’on devait manger de la viande", raconte Arne Verbrugge.
Reconstitutions d’époque
En Belgique, c’est la première fois que des campements militaires oubliés sont fouillés sur une telle échelle. "Ces découvertes attirent le grand public qui ignorait que la guerre avait frappé ici il y a quelques siècles. Elles soulèvent aussi un grand intérêt chez les spécialistes étrangers. Elles apportent en effet de nouvelles connaissances sur la vie quotidienne des militaires de nations très différentes : Hollandais, Suédois, Danois, Français... Nous avons retrouvé des boutons qui, examinés par un spécialiste, pourraient nous apporter des éléments notamment sur l’origine des soldats !", poursuit l’archéologue en riant.
Le site sera ouvert à l’occasion des JNA. Le public pourra visiter une partie des fouilles. Il y découvrira une reconstitution d’un camp militaire du XVIIe qui "reprendra vie à cette occasion", explique la page internet de l’évènement. Petits et grands pourront assister à des scènes de batailles, à des exercices militaires avec chevaux, canons et mousquets. Ils pourront aussi ramper dans les abris des soldats… Un beau voyage dans le temps en perspective.
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