Journées nationales de l'archéologie : à Aléria, les Etrusques se rappellent à la mémoire des archéologues
Peuplé depuis l'Antiquité, Aléria (Haute-Corse) a notamment été occupé par les Etrusques, venus de Toscane (nord de l'Italie).
Le site d’Aléria, capitale de la Corse antique, sera ouvert pendant les Journées nationales de l’archéologie (JNA), qui ont lieu du 14 au 16 juin 2019. Alors que vient d'y être découvert une tombe étrusque exceptionnelle. Entretien avec l'archéologue Laurent Vidal.
Franceinfo Culture: Qu’avez-vous découvert lors de vos fouilles, entreprises dans le cadre d’une opération d’archéologie préventive ?
Laurent Vidal: Nous avons mis au jour une partie de la nécropole romaine d’Aléria et un bout de voie de la même période. Cette nécropole a existé tout au long de l’occupation romaine de la Corse, de 259 avant notre ère jusqu’à 300 après. C’est à cette occasion que nous avons découvert une chambre funéraire souterraine étrusque sur un terrain individuel.
Dans les années 1960-1970, 179 tombes étrusques en sous-sol avaient déjà été découvertes à Aléria…
Elles l’avaient été à Casabianda, à 800 m de l’actuel chantier de fouilles, lors d’opérations menées par les archéologues Laurence et Jean Jehasse dans le cadre des de travaux agricoles. Les tombes étaient regroupées. D’autres étaient isolées et réparties dans le terroir en fonction des propriétés foncières.
Qu’apporte cette nouvelle découverte ?
Elle va permettre de mieux caractériser les tombes mises au jour il y a une quarantaine d’années, de mieux étudier leur répartition spatiale et la place de certaines d’entre elles. Cela va nous permettre aussi de relire les découvertes des Jehasse. On sort ainsi de l’image de ces nécropoles étrusques italiennes où sont regroupées des dizaines de tombes le long d’une voie. De ce point de vue, à Aléria, nous n’avons pas retrouvé la voie étrusque.
En quoi s’agit-il d’un évènement international ?
Je m’en rends compte avec le nombre de mails que je reçois ! En premier lieu, nous avons la chance que les ossements soient très bien conservés (ce qui n’est pas le cas d’habitude en Corse, NDLR).
Dans le même temps, nous disposons de moyens financiers importants dans la mesure où l’opération a été qualifiée par l’Etat de "découverte d’importance exceptionnelle". Nous pouvons mener des études approfondies et prolonger les travaux de Laurence et Jean Jehasse. Ceux-ci avaient découvert une importante collection de vases aujourd’hui conservés au musée d’Aléria. Mais l’on ne sait rien de précis sur la répartition et l’organisation de ces vases dans une tombe. En clair, cela avait-il un rapport avec la pratique du banquet funéraire ?
Là, nous avons pu fouiller de manière très complète. Et tous les éléments découverts vont être traités en laboratoire. Nous allons ainsi pouvoir déterminer si nous sommes bien en possession d’un service de boisson pour le vin, analyser les dépôts alimentaires… Nous allons étudier le contexte, chercher à savoir comment les objets étaient disposés dans la tombe, déterminer ceux propres au défunt.
Cela va permettre de faire des comparaisons intéressantes avec l’Italie où il y a eu finalement peu de fouilles dans les nécropoles étrusques. Car celles-ci étaient souvent creusées dans le rocher et ont été pillées. Ce qui a engendré des trafics d’objets.
Que sait-on sur la présence étrusque en Corse ?
On ne sait pas grand-chose ! Sur l’habitat, on ne connaît pratiquement rien car on n'a pas trouvé de vestiges. Les tombes appartenaient sans doute à une élite sociale. Des sépultures plus simples n’ont pas forcément été identifiées. La fouille actuelle nous donne l’occasion d’amasser des données auxquelles nous n’avions pas accès auparavant. La nouvelle découverte est l’un des éléments qui vont permettre de mieux connaître l’histoire de la Corse au lieu de se baser sur quelques textes antiques (comme ceux évoquant la bataille navale d’Alalia, NDLR).
Nous sommes au début du renouvellement de données pour mieux appréhender l’histoire antique de l’île, l’aborder autrement qu’avec des dates précises. L’archéologie préventive s’intéresse au "temps long", pour reprendre une expression de l’historien Fernand Braudel. Elle permet par exemple de mieux connaître l’histoire agraire, les terroirs de plaine et de montagne, les plantations de vignes. Elle redonne à l’histoire un peu plus d’épaisseur que celle des textes.
Laurent Vidal, archéologue à l'Inrap, est responsable scientifique des fouilles d'Aléria
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