Le corps du poète Joachim du Bellay, mort en 1560, a-t-il été identifié dans un cercueil de la cathédrale Notre-Dame de Paris ?

Les fouilles archéologiques conduites à Notre-Dame ont permis de découvrir une sépulture qui pourrait être celle du poète Joachim du Bellay, dont on sait qu'il a été inhumé dans la cathédrale sans connaître l'emplacement exact, ont indiqué des chercheurs de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) lors d'une conférence de presse, mardi 17 septembre 2024.

Lors des fouilles menées à l'occasion du chantier de reconstruction de Notre-Dame, les archéologues de l'Inrap ont notamment trouvé début 2022, deux sarcophages en plomb anthropomorphes. Ils se trouvaient à seulement quelques mètres de distance l'un de l'autre, à la croisée du transept, au cœur de la cathédrale.

Le sarcophage en plomb de l'inconnu

L'un de ces deux sarcophages, qui portait une épitaphe, a été rapidement identifié comme étant celui d'Antoine de La Porte (1627-1710). Il fut chanoine de Notre-Dame pendant cinquante ans. Mais l'identité du second individu, un homme âgé d'une trentaine d'années, restait mystérieuse.

Les analyses effectuées à l'institut médico-légal du CHU de Toulouse ont permis d'en savoir plus sur cet inconnu : la déformation de son os coxal [os qui forme le bassin avec le sacrum et le coccyx] indique qu'il montait à cheval, son crâne scié et son sternum fracturé montrent qu'il a été autopsié avant d'être embaumé...

Un cavalier émérite atteint de tuberculose

Surtout, ses ossements portent les traces d'une pathologie extrêmement rare : une tuberculose osseuse cervicale ayant entraîné une méningite chronique. Un "portrait-robot" qui correspond à certains traits du célèbre poète de la Renaissance Joachim du Bellay.

"C'était un cavalier émérite, il est allé de Paris à Rome à cheval, ce qui n'est pas rien quand on a une tuberculose comme lui. Il a d'ailleurs failli en mourir", a détaillé Éric Crubézy, médecin et archéologue. Ce professeur d'anthropobiologie à l'université Paul Sabatier de Toulouse III résout des "cold cases" vieux parfois de plusieurs siècles. Lui et son équipe ont mené une véritable enquête pour identifier cet inconnu surnommé "Le Cavalier".

Né à Liré, en Anjou, vers 1522, Joachim du Bellay est le cofondateur de la Pléiade, un groupe de poètes, mais aussi un mouvement littéraire. Il est mort à Paris au tout début de l'année 1560 à un âge estimé approximativement de 37 ans.

Le doute persiste

La famille de l'auteur du recueil de sonnets Les Regrets et du manifeste Défense et illustration de la langue française, dont un oncle était cardinal, avait demandé qu'il y soit inhumé dans la chapelle Saint-Crépin, à l'intérieur de la cathédrale Notre-Dame. Mais en 1758, lors de travaux, sa tombe n'y avait pas été retrouvée. Cité par le journal "Le Monde" le 17 septembre, Eric Crubézy envisage deux solutions :  "Soit une sépulture transitoire devenue permanente, soit un transfert de son cercueil lors d'une autre inhumation, en 1569, après la publication de ses œuvres complètes."

Plusieurs indices concordent : l'âge approximatif, la pratique intensive du cheval, l'état de santé. L'autopsie pratiquée sur le poète par les médecins du roi avait relevé des signes de ces deux pathologies. Cependant, "Il reste des doutes", a tempéré Christophe Besnier, l'un des responsables des fouilles à Notre-Dame. Plus prudent, il a notamment expliqué que des analyses de composition isotopiques des dents retrouvées sur le crâne montreraient "qu'on est face à une personne qui a vécu en région parisienne ou dans la région Rhône-Alpes jusqu'à ses 10 ans". Autrement dit, loin de l'Anjou cher au poète. 

Les équipes de l'Inrap travaillent depuis cinq ans à ce programme de fouilles archéologiques. Une cinquantaine de spécialistes ont œuvré lors de 14 opérations conduites à l'intérieur et à l'extérieur de la cathédrale. Les découvertes qui en découlent renouvellent considérablement les connaissances sur Notre-Dame et sur l'histoire de la cité. Des milliers de personnes, essentiellement des hommes d'Église ont été inhumées entre le XIVe et le XVIIIe siècle dans la cathédrale qui constituait alors une nécropole.