Au musée de Cluny, des fragments du jubé de Notre-Dame exposés pour la première fois

Erigé vers 1230, le jubé, une tribune en pierre ornée de statues, formait une clôture entre le chœur et la nef où se trouvaient les fidèles.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
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Statues de la cathédrale Notre-Dame de Paris à l'exposition "Faire parler les pierres", au Musée de Cluny, Musée national du Moyen Âge, à Paris, le 18 novembre 2024. (DIMITAR DILKOFF / AFP)

Tête ocre à la barbe finement sculptée, décor peint d'un bleu profond... des fragments du jubé de Notre-Dame, découverte archéologique majeure faite lors de la reconstruction de la cathédrale, sont exposées pour la première fois, à compter de mardi 19 novembre, au musée de Cluny à Paris. La trentaine de fragments constitue le clou de l'exposition Faire parler les pierres. Sculptures médiévales de Notre-Dame, ouverte jusqu'au 16 mars 2025 au Musée national du Moyen Age.

Erigé vers 1230, le jubé, une tribune en pierre ornée de statues, formait une clôture entre le choeur et la nef où se trouvaient les fidèles. Il a été détruit au XVIIIe siècle et seuls une quinzaine de fragments de sculptures avaient été mis au jour lors des travaux de restauration dirigés par Eugène Viollet-le-Duc au XIXe siècle.

Fragments de sculptures restaurés

Les fouilles préventives menées sur le chantier de reconstruction après l'incendie de la cathédrale en 2019 ont permis d'en retrouver un millier, dont 700 polychromes, sur seulement quinze mètres carrés. D'autres, qui n'étaient pas dans le périmètre du chantier, continueront de dormir sous Notre-Dame, dont la réouverture au public est prévue le 8 décembre.

Dans les vitrines du musée de Cluny, le visiteur peut admirer la finesse de ces fragments de sculptures du XIIIe siècle : l'expression grave d'un visage, la délicatesse d'une main, le détail d'un rongeur s'abritant sous la feuille d'une frise...

Rouge vif, bleu profond, dorure : l'éclat des couleurs est exceptionnel. Et fragile. "Quand on les a découverts, la peinture n'était plus du tout adhérente. Dès qu'on touchait la pierre du doigt, elle partait", raconte l'archéologue de l'Inrap Christophe Besnier, responsable d'opérations sur le chantier de Notre-Dame.

Travail scientifique préalable à la restauration

Un travail de stabilisation de l'ensemble des fragments est en cours depuis "mai-juin" dernier et doit durer un an. En parallèle, les archéologues ont "commencé le travail de recherche qui va durer deux-trois ans", et au cours duquel ils vont notamment tenter une reconstitution en 3D du jubé, explique Christophe Besnier.

"L'étude du jubé ne fait que commencer et nous présentons dans le reste de l'exposition la boîte à outils dont on va peut-être se servir", souligne son commissaire, Damien Berné, qui veut "montrer ce qu'en général on ne montre pas : les étapes préalables à la restauration, l'ingénierie et l'imagerie scientifique au service de la connaissance".

En 2022, le musée a lancé un programme d'étude et de restauration d'une sélection de ses propres pièces provenant de Notre-Dame, dont certaines n'avaient pas été réexaminées depuis 40 ans. Ces sculptures, provenant pour la plupart du décor extérieur de la cathédrale, ont connu des parcours rocambolesques.

Parcours rocambolesques

A la Révolution française, la plupart des statues de Notre-Dame ont été arrachées, débitées en tronçons et éparpillées au quatre coins de Paris. Des fragments des statues du portail de Saint-Anne ont par exemple été retrouvés en 1977, à l'occasion de travaux dans le 9e arrondissement. Partiellement reconstituées par le remontage de divers morceaux, leur présentation au Musée de Cluny n'avait plus évolué depuis 1981.

Elles ont depuis été nettoyées, étudiées puis remontées et une campagne d'imagerie scientifique a permis de déceler sur un buste une très fine inscription, "PAULLUS", permettant d'identifier Saint-Paul. "Là où nous pensions avoir affaire de manière définitive à des anonymes perdus pour la science, en réalité, il y a moyen de pousser un peu les modes d'investigation", s'enthousiasme Damien Berné. De même, l'étude des reliefs du linteau donne une idée de ses couleurs originelles. Les visages présentaient un effet de dégradé, tantôt livide, tantôt incarnat, pour évoquer le passage de la mort à la vie éternelle.

"Notre ambition, au moment où le chantier de restauration de Notre-Dame s'achève, c'est de proposer un panorama de ce que la recherche propose, sur la connaissance des ensembles sculptés de la cathédrale, en espérant que, d'ici quelques années, d'autres points d'étape viennent rendre compte" de nouveaux progrès, dit le commissaire.

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