Bordeaux va lancer des initiatives pour la reconnaissance de son passé négrier
Baptiser "un équipement culturel d'importance" du nom d'Edouard Glissant (romancier et essayiste martiniquais), nommer des rues d'après des "abolitionnistes ou esclaves ayant vécu à Bordeaux", créer un "Prix de la ville" récompensant des travaux scientifiques sur l'esclavage, édifier une "oeuvre mémorielle" à l'effigie d'une esclave : voici quelques-unes des dix propositions que le maire Alain Juppé a officiellement validées à quelques jours de la commémoration nationale de la traite et de l'esclavage le 10 mai.
Port historique de la façade atlantique, la capitale girondine a prospéré entre les XVIIe et XVIIIe siècles sur la traite négrière et l'esclavage, avec 508 expéditions négrières mais aussi le négoce lucratif de denrées coloniales produites par les esclaves. Entre 1672 et 1837, 120.000 à 150.000 esclaves africains ont été déportés vers les Amériques par des armateurs bordelais.
Une commission de réflexion sur la mémoire de l'esclavage
Pour rappeler cette histoire, dix préconisations ont été faites par une "commission de réflexion sur la mémoire de l'esclavage et de la traite négrière" lancée en 2016 à l'initiative de l'adjoint au maire à la diversité, Marik Fetouh, et composée d'universitaires, de professionnels de la culture et de représentants associatifs. Après une enquête et l'audition d'une quarantaine d'acteurs engagés dans ces questions, "la conclusion était que le travail de mémoire avait été entrepris mais qu'il n'était pas assez visible", résume Marik Fetouh.Sur la question "ancienne et récurrente" à Bordeaux des noms de rues reprenant ceux d'anciens négriers, des recherches ont été menées aux archives, mettant en évidence "six noms attestés de négriers", selon M. Fetouh. Les plaques de ces rues seront "complétées" et accompagnées de "QR codes renvoyant à un site internet pédagogique" et des biographies détaillées.
"C'est un aboutissement de notre travail depuis dix ans sur cette question", salue Karfa Diallo, fondateur de Mémoires et Partages qui pousse depuis une vingtaine d'années les politiques locaux à affronter cette part d'ombre de l'histoire de la ville. Il regrette néanmoins que ne soient concernées par les panneaux explicatifs, visibles dans l'espace public, que "les rues qui honorent des armateurs, et non les rues renvoyant à ceux, plus nombreux, qui possédaient des plantations et exploitaient les esclaves".
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