"D-Day Land" : un projet contesté de spectacle immersif sur le débarquement en Normandie, sera soumis à une concertation publique
"Hommage" ou "injure" aux "héros" ? Surnommé "D-Day Land" par ses détracteurs, un projet de spectacle immersif sur le débarquement allié de 1944 doit être soumis à concertation publique à partir du 16 août 2022, sur fond de vive contestation.
"Vous allez vivre l'épopée du débarquement allié du 6 juin 1944", avec "le travelling le plus fascinant du monde jamais réalisé, un spectacle immersif hors du commun", promettent sur internet les initiateurs du projet Hommage aux Héros prévu à Carentan-les-Marais (Manche), entre Utah Beach et Omaha Beach. La concertation publique qui se tiendra du 16 août au 7 octobre 2022, selon son garant nommé par la commission nationale du débat public (CNDP), promet d'être animée.
Une injure envers les anciens combattants
Ses détracteurs, parmi lesquels des historiens et des proches de vétérans, y dénoncent depuis bientôt deux ans ce qu'ils considèrent comme un "D-Day Land" qui fait au contraire "injure" à ceux qui sont morts pour la liberté.
Concrètement, il s'agirait d'un "théâtre de 1 000 places en mouvement qui avance sur plus de 400 mètres" avec "à l'intérieur une scène tapissée d'écrans", des images d'archives et des tableaux vivants avec des figurants, selon les initiateurs.
Le vétéran américain, qui vit en France, Charles Norman Shay, 98 ans, estime, dans une vidéo sur le site internet du projet, que celui-ci "est très approprié" pour rendre "hommage aux héros". En mai, des proches et descendants de vétérans anglo-saxons avaient au contraire qualifié d'"injure" ce "prétendu 'Hommage aux héros'". Leur communiqué était signé par une centaine de personnes.
Le vétéran français Léon Gautier, alors âgé de 97 ans, avait aussi indiqué à l'AFP être "contre le projet" en 2020. L'année suivante, il avait signé avec 600 autres personnalités, dont l'historien Jean-Pierre Azéma, une tribune dénonçant l'intention "mercantile" d'un projet "intolérable eu égard aux drames qui se sont déroulés pendant le débarquement".
Le 6 juin 1944 a fait près de 10.000 victimes (blessés inclus). En septembre 2020, dans Le Monde, les descendants du commando Kieffer avaient également vivement critiqué le projet. "A l'heure où s'achève le procès des attentats du 13 novembre, imaginerait-on faire un spectacle immersif autour du massacre qui s'est produit au Bataclan en 2015?", a renchéri l'historien à l'université de Caen Jean-Luc Leleu, début juillet dans Ouest-France.
6 000 personnes pas jour
Le parc d'attraction, ouvert six mois par an, pourrait accueillir 6.000 personnes par jour, 600.000 par an, a précisé à l'AFP le communiquant Régis Lefèbvre, un des porteurs de ce projet à 90 millions d'euros, avec le producteur de comédies musicales Roberto Ciurleo et le producteur de télévision Stéphane Gateau.
Le spectacle serait signé Serge Denoncourt et Stéphane Roy, qui ont créé Je vais t'aimer basé sur des chansons de Michel Sardou en 2021. L'entrée serait tarifée 28,50 euros par personne. "Avec Hommage aux héros, la Normandie continuera de porter les valeurs (...) de paix (...) Cet ambitieux projet favorisera également l'attractivité de notre Région", se félicite le président de la région Normandie Hervé Morin. La centaine de sites liés au Débarquement, dont quelques lieux immersifs de petite taille, attirent presque cinq millions de visiteurs par an en Normandie.
200 à 250 emplois créés
Hommage aux héros a en effet pour "ambition de dynamiser l'intérêt pour le tourisme de mémoire en Normandie", selon son site internet. La demande de permis de construire devrait être déposée fin octobre, pour une ouverture en 2025, selon Régis Lefèbvre. Le maire de Carentan est très favorable au projet. De 200 à 250 emplois pourraient être créés, selon Régis Lefèbvre. Face aux détracteurs, Hommage aux héros promet "une grande rigueur historique". "Nous travaillons à l'élaboration d'un partenariat avec le Mémorial de Caen", précise encore Marc Lefèbvre.
Interrogé par l'AFP, Stéphane Grimaldi, le directeur du Mémorial a réfuté travailler à l'élaboration d'un partenariat. "Je l'envisagerais à plusieurs conditions, dont la plus importante est évidemment le sérieux historique et pédagogique du récit", a-t-il expliqué.
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