Dans le Yémen en guerre, l'espoir de sauver ce qui reste du patrimoine
La guerre met gravement en péril le patrimoine yéménite que les habitants espèrent malgré tout voir en partie préservé ou restauré.
Les deux façades du musée national de Taëz, au Yémen, montrent sans détours les effets de la guerre: l'une, restaurée, rappelle la grandeur de ce foyer de la civilisation arabe, l'autre, en lambeau, témoigne des ravages d'un conflit dévastateur. Son mur en pisé, agrémenté de fines briques ocres, de petites fenêtres rectangulaires et de moucharabieh blancs aux formes variées, évoque le style du vieux Sanaa, l'un des quatre sites yéménites inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco.
Palais royal ottoman, puis résidence du roi Ahmed, avant de devenir un musée en 1967, l'établissement a été "bombardé" et "pillé", affirme son directeur Ramzi al-Damini à Taëz (sud-ouest), troisième ville du pays, sous contrôle du gouvernement mais encerclée par les rebelles Houthis. La guerre oppose le pouvoir, appuyé par une coalition dirigée par l'Arabie saoudite, aux rebelles qui contrôlent toujours une bonne partie du nord du pays, dont la capitale Sanaa, depuis leur offensive en 2014.
Un lien “très fort“ entre les Yéménites et leur patrimoine
Milliers de morts, millions de déplacés, épidémies et risques de famine. Pire crise humanitaire au monde selon l'ONU. Le riche patrimoine archéologique n'a pas été épargné. La guerre a "grandement affecté" les sites archéologiques, expose à l'AFP l'archéologue yéménite Mounir Talal, en rappelant les bombardements du vieux Sanaa, du musée de Dhamar ou de la citadelle Al-Qahira de Taëz, qui se confond littéralement avec la montagne au sommet de laquelle elle trône.
"Les sites archéologiques ont été négligés", regrette Hicham Ali Ahmed, un habitant de Taëz, qui espère un "retour à une vie normale et un Etat qui prend soin des antiquités".
"Le lien est très fort entre les Yéménites et leur patrimoine, y compris le patrimoine préislamique", fait remarquer Jérémie Schiettecatte, spécialiste français de l'archéologie de la péninsule arabique au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Pour lui, la destruction du patrimoine yéménite a suscité moins d'émoi international que celle des trésors en Syrie ou en Irak, car elle a été causée essentiellement par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite, un allié et grand acheteur d'armement des Occidentaux.
Des antiquités yéménites volées vendues aux enchères
Fin juin, un expert en archéologie français réputé et son mari ont été inculpés à Paris dans une vaste enquête sur un trafic d'antiquités pillées dans des pays du Proche et Moyen-Orient, dont le Yémen. Certains trésors yéménites ont refait surface dans des collections privées de certains pays du Golfe, comme le Qatar ou le Koweït, assure Jérémie Schiettecatte.
"Sur internet ou dans des enchères publiques, on trouve des antiquités yéménites volées en vente", ajoute Mounir Talal, citant par exemple le grand trône en pierre du fameux royaume de Saba. "Comment il est sorti ? Nous ne le savons pas, mais il était en vente aux enchères en Europe ou peut-être a-t-il déjà été vendu."
S'il n'existe pas de chiffres sur le nombre d'antiquités volées, les autorités et l'Unesco ont effectué des inventaires dans plusieurs musées du pays et des projets de restauration de sites historiques à Sanaa, Zabid, Chibam et Aden sont en cours, selon Mohanad Al-Sayani, directeur de l'Organisation générale des antiquités et des musées au Yémen (GOAM). En 2023, le musée de Taëz doit en principe rouvrir ses portes. En espérant que le conflit aura alors cessé.
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