De la tour de Babel aux jardins de Babylone, la Mésopotamie au Louvre-Lens
La Mésopotamie, qui signifie "le pays entre les fleuves", le Tigre et l'Euphrate, "a pu inspirer l'imaginaire moderne, comme la Grèce ou l'Egypte", explique Ariane Thomas, commissaire de cette exposition intitulée "L'Histoire commence en Mésopotamie". "Mais, avec elle, on retrouve une forme de fantasme, ou de réputation légendaire, tout à fait exceptionnelle", ajoute-t-elle.
Ainsi, le visiteur est accueilli par le tube reggae des Melodians "Rivers of Babylon" (1969), bande-son du film "The Harder They Come", et par les ténébreux choeurs de Nabucco, de Giuseppe Verdi. Un film montre tous les emprunts à cette civilisation : du terrifiant Pazuzu dans "L'exorciste" à la tombe d'Oscar Wilde au Père-Lachaise avec des motifs assyriens, en passant par les publicités pour une marque de bière, les jeux vidéos (Civilization et Final Fantasy) ainsi que les bandes dessinées (Astérix et Adèle Blanc-Sec).
Reportage : Alain Méry, Bertrand Théry et Benoît Bugnicourt
Le monde des premières fois qui a inventé l'écriture et la ville
Car ce "monde des premières fois" - selon le mot de la directrice du musée Marie Lavandier - qui inventa notamment l'écriture et la ville, n'a cessé de nourrir l'imaginaire et l'art en Occident, comme le montrent les huit sections de l'exposition donnant à voir plus de 400 oeuvres de la fin du 4e millénaire à 331 avant JC, date de sa conquête par Alexandre le Grand.La Mésopotamie, plaine alluviale située pour l'essentiel en Irak actuel et dans une moindre proportion en Syrie, en Turquie et au Koweït, a été l'un des premiers territoires à adopter une économie fondée sur l'agriculture et l'élevage, avec des innovations majeures comme l'irrigation ou la charrue. Ses habitants ont ainsi pu développer une économie prospère, développant la production de textile, mais aussi tournée vers l'extérieur, notamment pour l'acheminement de pierres et de minerais.
La religion omniprésente
Au quotidien, la religion est omniprésente, tout étant décidé et inspiré par les dieux. Les hommes leur doivent une dévotion constante, à l'image de cette statuette en albâtre représentant un dignitaire priant, avec des iris en lapis-lazuli, chef-d'oeuvre de l'art statuaire mésopotamien.L'exposition se penche ensuite sur la création des villes, qui apparaissent en Mésopotamie du sud au 4e millénaire avant JC, bâties en argile, protégées par des remparts et parfois pourvues de ponts ou de canaux. De nombreuses maquettes et des reconstitutions virtuelles de ces cités monumentales permettent d'en saisir le degré de perfectionnement, avec un impressionnant décorum des rues, comme ce panneau de briques avec un lion ornant la voie processionnelle de Babylone.
Mais de tous les legs de cette civilisation, le plus connu reste sans aucun doute l'écriture, inventée vers 3.200 avant J.-C. Cette écriture est appelée cunéiforme en raison de sa forme en clou, de "cuneus" -le clou en latin-, que l'on retrouve sur des inscriptions royales, des textes religieux ou littéraires.
Aujourd'hui, une partie de la région sous le joug de l'organisation Etat islamique
Selon la directrice Marie Lavandier, ces oeuvres, qui proviennent essentiellement des collections du Louvre complétées de prêts du Vorderasiatisches Museum à Berlin et du British Museum de Londres, permettent de mieux cerner "un monde somptueux, oublié, redécouvert notamment sous l'égide des campagnes archéologiques du musée du Louvre au XIXe". Et cette exposition, inaugurée mardi par le président de la République François Hollande, prend un écho tout particulier alors qu'une partie de l'ancienne Mésopotamie a été envahie par l'organisation Etat islamique."On espère que cette exposition permettra de sensibiliser le visiteur à l'importance de protéger le patrimoine", espère Ariane Thomas.
Pour la directrice du musée, le Louvre-Lens est "en train de réussir"
Marie Lavandier, nouvelle directrice du Louvre -Lens (Pas-de-Calais), inauguré en 2012 sur un ancien carreau de mine, estime que le musée est en train de gagner son pari en accueillant des visiteurs peu habitués à fréquenter les établissements culturels. Quand des voix s'inquiètent d'une baisse de la fréquentation du musée, elle répond :
"Ca me met assez en colère, car ce n'est pas vrai. Ce qui est fait ici n'est pas quelque chose d'évident et c'est en passe d'être réussi. Si certaines expos ne trouvent pas leur public, je dois y être attentive mais la fréquentation globale est énorme ! Il y a déjà eu deux millions de visiteurs et 60% de visiteurs viennent de la région : c'était le jeu et on est en train de réussir. Et 60% des visiteurs ne sont peu ou pas familiers des musées ! On le fait à partir d'une politique très volontariste auprès des publics, on fait le boulot, on est inventif. Et le Louvre-Lens , ce sont 84 millions de retombées économiques les trois premières années. Ce chiffre s'est stabilisé autour de 20 millions par an".
Propos recueillis par Benjamin MASSOT (AFP)
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