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Élection à l'Académie française : cinq choses à savoir sur une institution quatre fois centenaire

Alors que l'éminente assemblée s'apprête à désigner jeudi son 33e secrétaire perpétuel, voici quelques informations à connaître sur cette exception française.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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L'Académie française, avec sa célèbre coupole, et le Pont des Arts, à Paris (15 avril 2023) (BENJAMIN POLGE / HANS LUCAS / AFP)

Qui succédera le 28 septembre à Hélène Carrère d'Encausse, qui a assuré les fonctions de secrétaire perpétuel de l'Académie française entre 1999 et sa disparition le 5 août dernier ? En attendant le résultat du vote qui opposera Amin Maalouf à Jean-Christophe Rufin, voici cinq choses à savoir sur l'institution.

Défendre un français entre "l'usage et la norme"

L'Académie française est fondée en 1635 par Richelieu, son "chef et protecteur". Aujourd'hui, cette fonction est assurée par le chef de l'État. Sa mission : travailler "à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences". L'Académie rédige un dictionnaire et se prononce sur des règles orthographiques. La langue qu'elle défend se situe entre "l'usage et la norme". Au XVIIIe siècle, elle joue un rôle important avec trois dictionnaires : 30% des mots changent d'orthographe, les accents apparaissent. En 1835, le "françois" devient le "français". En 1990, elle consent au moindre usage du tiret dans les mots composés, aux accents circonflexes facultatifs sur les u et les i (sauf exception) ou à la francisation de certains mots étrangers. Pas question cependant de bouger sur les anglicismes ou l'écriture inclusive, un "péril mortel".

35 "immortels"

 Aujourd'hui, 35 "immortels" siègent sur les 40 membres statutaires, une référence à la devise "À l'immortalité", qui renvoie à leur mission de préserver la langue française. Élus à la majorité absolue, les académiciens sont des scientifiques, prêtres, écrivains, historiens ou politiques. Parmi les plus illustres : Montesquieu (1727), Marivaux (1742), Voltaire (1746), Chateaubriand (1811), Hugo (1841, après quatre candidatures) ou encore Pasteur (1881)... Zola essuie 25 refus, quand Clemenceau, pas même candidat, est élu à l'unanimité en 1918. Tout comme le maréchal Pétain (1929), exclu en 1945.

Seule règle, depuis 2010 : avoir moins de 75 ans pour se présenter. Pourtant Mario Vargas Llosa est élu en 2021 à... 85 ans. Espagnol d'origine péruvienne, il est le seul à n'avoir jamais écrit en français. En 1995, la candidature de Jorge Semprun, écrivain et ancien ministre espagnol de la Culture, est rejetée. Malgré son œuvre en français. Plusieurs étrangers ont siégé, comme l'Américain Julien Green (1972), le Canadien d'origine haïtienne Dany Laferrière (2015), ou actuellement le romancier d'origine russe Andreï Makine (2016) et l'écrivain d'origine chinoise François Cheng (2002).

Le dictionnaire : 9e édition en cours

En quatre siècles, l'institution a produit huit dictionnaires. Le premier date de 1694, le dernier de 1930. Depuis 1986, l'Académie publie progressivement sa 9e édition. En mars 2023, elle intégrait le mot "spermatophytes". "Autoradio", "marketing", "mascara", "euro" ou encore "hypermarché" sont parmi les 28.000 mots ajoutés. L'émergence de la linguistique, l'apparition des dictionnaires et la création de commissions chargées de la défense du français, ont entamé sa prééminence. Après des siècles d'opposition, l'institution a accepté en 2019 de féminiser certains métiers (cheminote, contrôleuse, députée, docteure...).

L'apparat de l'épée et de l'habit vert

Tout nouvel académicien reçoit une épée et un habit de drap bleu foncé ou noir, brodé de rameaux d'olivier vert et or, confectionné par un grand couturier ou le tailleur de l'armée. Le moins cher du marché est à 50.000 euros l'habit. Autrefois marque d'appartenance à la Maison du roi, l'épée est désormais personnalisée. Simone Veil y fit graver son numéro de matricule au camp de Birkenau. Chantal Thomas lui préféra un éventail. Jacqueline de Romilly, un sac brodé.

Onze femmes "immortels"

En 1760, un académicien, D'Alembert, propose en vain de réserver quatre fauteuils aux femmes. La première candidate est la journaliste Pauline Savari, en 1893. "Les femmes ne sont pas éligibles puisqu'on n'est citoyen français que lorsqu'on a satisfait à la conscription" (le service militaire obligatoire, ndlr), lui rétorque-t-on. En 1910, la candidature de Marie Curie est aussi rejetée... pour ne pas créer de précédent. En 1980, Marguerite Yourcenar est la première femme élue. Non sans mal. L'historien d'extrême droite Pierre Gaxotte ose alors une comparaison raciste. C'était trois ans avant que Léopold Sédar Senghor n'entre sous la Coupole. Au total, onze femmes ont été élues. Six siègent actuellement. Mais l'Académie considère que les termes "immortel" et "académicien" ne doivent pas être féminisés. Élue en 1999, Hélène Carrère d'Encausse, première à diriger l'Académie, tenait à ce qu'on l'appelle Madame "le" secrétaire perpétuel.

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