En Bretagne, des gravures vieilles de 14.000 ans éclairent la Préhistoire
Parmi ces pièces, l'une comporte une gravure représentant la tête d'un aurochs - une espèce de bovins aujourd'hui disparue - entourée de rayons. "Il s'agit d'une figuration unique", assure à l'AFP Nicolas Naudinot, responsable du programme de recherches menées sur le site. "On ne connait pas dans la Préhistoire européenne d'autre association entre des rayons et une tête d'animal", précise cet enseignant-chercheur à l'Université de Nice Sophia-Antipolis. Sur l'autre face de la plaquette, d'une trentaine de centimètres, une tête du même animal mais sans rayons.
Les traces les plus anciennes d'art de Bretagne
Deux chevaux imbriqués en miroir l'un face à l'autre sont représentés sur une autre tablette plus grande. Entre les pattes de l'un des chevaux, un poulain. D'autres fragments plus petits comportent des lignes géométriques, traits, triangles et hachures, signe d'un art abstrait. "Ces plaquettes sont absolument magnifiques, elles sont vraiment réalistes et témoignent d'un savoir-faire très particulier", souligne le chercheur.Elles représentent les plus anciennes traces d'art de Bretagne. A l'échelle de l'Europe, moins d'une dizaine de sites bien conservés peuvent être attribués à cette période et seulement deux ou trois, dont l'abri Murat dans le Lot, livrent des témoignages artistiques. Selon des datations au carbone14, l'occupation du site remonterait à l'Azilien ancien, il y a plus de 14.500 ans, une période charnière mais mal connue de la Préhistoire qui marque le passage entre deux cultures, celle du Magdalénien, période encore glaciaire, et celle de l'Azilien, signant le début d'un certain réchauffement climatique.
Un camp de chasse
Une soixantaine de fragments et plaquettes de schiste ainsi que des outils en silex ont été déterrés depuis 2013 sur le site, situé au coeur de la forêt de Plougastel-Daoulas. Mais ces découvertes n'ont été rendues publiques qu'en 2017, une fois sécurisé le site, jusque-là régulièrement détruit et pillé.Situé sous une barre rocheuse d'une quarantaine de mètres de haut - appelée Rocher de l'Impératrice du fait que l'épouse de Napoléon III s'y serait rendue pour y admirer la vue - le site, un temps voué à l'escalade, est entouré de hautes barrières en empêchant l'accès. Depuis le haut du rocher, la vue est vaste sur la rade de Brest, à l'époque une steppe avec des genévriers drainée par des cours d'eau. Des hommes du Paléolithique ont dû vivre à plusieurs reprises, pendant quelques jours tout au plus, dans cet abri.
"A priori, c'était un petit camp de chasse", explique Nicolas Naudinot. "On a retrouvé des pointes de flèche, on sait qu'ils les ont fabriquées sur place mais aussi qu'ils les ont utilisées en raison des impacts qu'elles présentent", note-t-il, ajoutant avoir trouvé aussi des couteaux. Ces outils permettent d'en savoir davantage sur les activités et les techniques de ces hommes ainsi que sur leur système économique et culturel. A cela s'ajoute une dimension graphique et potentiellement symbolique intéressante avec la découverte des plaquettes gravées.
"L'association de ces différents témoignages à la fois outils en pierre et art mobilier, suggère que les changements ne surviennent pas toujours en même temps, certaines évolutions techniques ont ainsi pu précéder les changements artistiques et symboliques", avance Nicolas Naudinot.
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