À Lyon, l'incroyable collection de tatouages de bagnards du 19ème siècle du Professeur Lacassagne refait surface
Les historiens les pensaient disparus à jamais, les voici émergés du passé. À Lyon, sept carnets de tatouages d’Alexandre Lacassagne, médecin légiste et père de l'anthropologie criminelle, ont refait surface Ils étaient précieusement préservés dans les locaux de la Faculté de médecine de la ville.
Cœurs percés, zouaves, ancres marines, danseuses... le professeur Lacassagne, lisait sur la peau des bagnards comme dans un livre ouvert. Des tatouages, des "biographies encrées" qu'il a précieusement reproduites dans des carnets. Ces pages manuscrites renferment des détails surprenant et méticuleux sur des proscrits, expédiés au bagne à la fin du 19ᵉ siècle. À cette époque, la France est en pleine campagne de colonisation. Alexandre Lacassagne est alors envoyé en Algérie comme médecin militaire. C'est là qu'il commence cette surprenante collecte de tatouages : "Il les décalquait d'abord sur la peau des militaires, au Bat. d'AF. où certains étaient aussi des délinquants. Puis, il a commencé à les reproduire : il les mettait sur du papier à dessin rigide. Avec minutie, il inscrivait l'identité du tatoué, sa date de naissance, l'endroit où il était né, dans quelles conditions était fait le tatouage, ce que ça représentait" explique Liliane Daligand, Professeure de médecine légale.
Une technique rudimentaire
Métaphores, femmes, emblèmes militaires, des symboles qui sont autant des preuves de virilité. Tous les dessins sont classés par thèmes. La technique, elle, est rudimentaire, comme l'explique l'historienne Muriel Salle, maîtresse de conférences à l’Université Lyon 1 : "On incise la peau à la pointe du couteau ou avec une aiguille de cactus. Ensuite, on applique les pigments qui peuvent être de l'encre de Chine, du noir de charbon ou du rouge vermillon obtenu en broyant des insectes. Puis il faut désinfecter le tout avec les moyens du bord : généralement, on urinait sur les plaies".
Raconter des réprouvés, comprendre la marginalité, ou son langage, Alexandre Lacassagne y a voué son œuvre : "On sait peu de choses des classes populaires en général, et de la marge de ces classes populaires encore moins. Quand on sait quelque chose, ce sont des regards extérieurs qui sont portés sur ces populations-là. Ce ne sont pas ces populations qui s'expriment elles-mêmes", assure Muriel Salle. "Avec ces carnets, si on sait bien interpréter les symboles, ce sont les tatoués eux-mêmes qu'on peut entendre. C'est très précieux".
Aujourd'hui, quatre des sept volumes sont exposés à la bibliothèque universitaire Rockfeller. Un hommage au pionnier de l’anthropologie criminelle, mort il y a 100 ans.
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