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Après la mort d'Hubert Germain, dernier Compagnon de la Libération, comment transmettre la mémoire de la Seconde Guerre mondiale ?

Le dernier Compagnon de la Libération est mort à l'âge de 101 ans. Il sera inhumé vendredi au Mont-Valérien. Les nouvelles générations, désormais, ne pourront plus compter sur des témoins vivants de la Résistance.

Article rédigé par franceinfo
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Hubert Germain à Paris, le 26 novembre 2020. (MICHEL EULER / POOL / AFP)

"Ne pas apprendre l'histoire par cœur, mais avec le cœur." Le général Christian Baptiste, délégué national de l'Ordre de la Libération, le répète à chacune de ses interventions scolaires. Pendant de longues années, il a pu compter sur les Compagnons de la Libération pour transmettre la mémoire de la Résistance. Mais la mort d'Hubert Germain, le 12 octobre, a mis un point final à cette génération des témoins vivants décorés par le général de Gaulle. "Ces témoignages sont irremplaçables et pourtant, il faut bien les remplacer un jour."

Lors de sa nomination, en 2017, quatorze Compagnons étaient encore en vie. Le général Christian Baptiste reçoit pour mission de réfléchir avec eux à l'avenir de cet Ordre. "Quand je suis arrivé, ils avaient déjà bien discuté entre eux et une idée assez précise de ce qu'il faudrait faire à l'avenir", raconte l'officier à franceinfo. "Hubert Germain me le rappelait souvent : 'Ce qu'on fait ne doit pas seulement être utile à l'histoire et à la mémoire. Il faut que ce soit utile à la jeunesse actuelle, car quand nous nous sommes levés, nous avions leur âge. Nous avons donc une responsabilité vis-à-vis de nos jeunes.'"

Les témoins vivants incarnent la mémoire

L'Ordre de la Libération réfléchit alors au meilleur moyen de transmettre cette mémoire aux enfants et adolescents. "J'ai proposé que cette transmission générationnelle soit une science appliquée au quotidien des jeunes, qu'elle ne soit pas uniquement un rétroviseur", explique Christian Baptiste. "L'idée, c'est que les jeunes s'emparent de l'histoire de résistants locaux, d'un parcours de vie qui les touche, pour qu'ils se l'approprient."

"On s'identifie plus facilement à quelqu'un qui a fréquenté la même école, le même lycée ou qui a côtoyé les mêmes lieux."

le général Christian Baptiste

à franceinfo

Les témoins vivants sont particulièrement difficiles à remplacer, car ils permettent d'incarner une mémoire, ajoute l'historien spécialiste de la Résistance Laurent Douzou. "La parole d'un enseignant, même s'il est très écouté, n'aura jamais la puissance d'un acteur qui vient témoigner, explique l'enseignant à franceinfo, parce qu'il y a une charge émotionnelle que l'enseignant ne peut pas porter." Il se remémore ainsi des échanges entre ses élèves et Lucie Aubrac, morte en 2007. "Ce que je fais en venant vous raconter mon témoignage, ce n'est pas seulement une leçon d'histoire, avait-elle déclaré. Je viens interroger vos propres comportements."

"La présence physique apporte un contact visuel. Voir en face de soi quelqu'un de plus âgé, qui porte une parole directe, très puissante, crée une tension. Cela ne peut pas être remplacé par les témoignages écrits et ou vidéo."

Laurent Douzou, historien

à franceinfo

Conscient de la difficulté à remplacer les grands témoins de l'histoire, l'Ordre de la Libération a investi dans des enregistrements audios, vidéos et des jeux interactifs. Avec toujours la même idée en tête : partir de l'histoire particulière des héros de la Résistance pour faire réfléchir les élèves. Des supports (audio, vidéo, écrit) étaient déjà produits en nombre depuis les années 1970. Mais ces documents ne peuvent être "diffusés sans contexte", analyse Laurent Douzou, qui insiste sur "un travail en amont" spécifique à fournir avec les élèves.

"Les enjeux de transmission ont évolué"

L'Ordre de la Libération noue également des partenariats avec différentes villes françaises et l'Education nationale. Dans ce cadre, des élèves sont régulièrement invités à Paris pour visiter le musée de l'Ordre, la tombe du Soldat inconnu et participer à divers événements. D'autres institutions multiplient les efforts pour passer le flambeau. Des "ambassadeurs de la mémoire de la Shoah" œuvrent également et un concours national de la Résistance et de la Déportation est organisé chaque année par le ministère de l'Education nationale et celui des Armées. L'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG), par ailleurs, gère dix hauts lieux de la mémoire nationale.

Ce "patrimoine de pierre ne remplace pas le témoignage vivant", explique Alexandre Couturas, directeur adjoint des hauts lieux de mémoire nationale en Ile-de-France. Mais ces lieux ont vocation à devenir "les dépositaires des mémoires de ces témoins". "Les enjeux de transmission ont évolué", insiste-t-il. "Les années 1970, par exemple, ont été marquées par l'arrivée d'une première génération qui n'avait pas connu la guerre. Or, la mémoire s'inscrit toujours dans un présent."

"Au fil du temps, il y a eu le passage d'une mémoire nationale vers des mémoires davantage intimes dans lesquelles la nation se retrouve."

Alexandre Couturas, directeur adjoint des hauts lieux de mémoire nationale en Ile-de-France

à franceinfo

L'objectif, selon lui, est donc de convertir cette mémoire en "enjeu social, voire sociétal, d'éducation à la citoyenneté", comme l'engagement pour des valeurs, comme la lutte contre l'antisémitisme et le racisme. "L'idée est de développer un sens critique sur le monde qui les entoure." Comme le résume l'historien Laurent Douzou après la disparition d'Hubert Germain, qui sera inhumé le 11 novembre dans la crypte du Mont-Valérien. "Ce n'est pas une parole qui s'est éteinte, mais une présence."

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