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Avoir 20 ans en Mai 68 : les souvenirs de ceux qui ont vécu l'événement

Il y a 50 ans, le quartier Latin, Paris et toute la France s'embrase. Etudiants, ouvriers, agriculteurs, la fronde gronde dans les rues, les pavés volent. Mai 68 a fait éclore un printemps au parfum singulier de poudre et de liberté. Images d'archives et bande-son à l'appui, retour sur Mai 68 avec ceux qui ont vécu la jeunesse bouillonnant d'idées et d'envies.
Article rédigé par Odile Morain
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La dernière barricade de Mai 68 rue des Saint-Pères à Paris 
 (SIPAHIOGLU/SIPA)

Ils étaient étudiants, ouvriers, flics ou artistes, ils avaient 20 ans en Mai 68. Animés par un profond espoir de changer la société, une envie urgente de faire régner la justice et des idées baignées d'utopie, ils ont vécu la révolution de part et d'autre des barricades. Aujourd'hui, chacun a tracé sa route et les souvenirs resurgissent sur des images en noir et blanc et une bande-son qui annonce le frémissement yéyé.

Une série signée : G. Grizbec / M. second / S. Giaume / I. Tartakovsky

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D'hier à aujourd'hui, avoir 20 ans en Mai 68
Mai 68, histoire du siècle dernier n'est pas encore inscrite aux programmes des manuels scolaires. Et pourtant quand on demande aux lycéens leur connaissance du sujet, ils ne sont pas si éloignés que ça de la vérité. En recollant un peu les souvenirs, on arrive à un puzzle plutôt réaliste. "Une révolte contre l'Etat qui débute à Paris puis s'étend à tout le territoire. Les jeunes de l'époque réclament plus de liberté, entre autres de liberté sexuelle. Il y avait les étudiants mais aussi les ouvriers". Petit regard dans le rétroviseur et nous voilà dans les rues du Quartier Latin. Le pays, dirigé par De Gaulle explose et les idées d'hier (aussitôt jugées rétrogrades) volent en éclat. Sophie Bouchet-Petersen était étudiante en sociologie à Nanterre avec Daniel Cohn-Bendit. 50 ans après, cette chercheuse se souvient. 

Avoir 20 ans en 68 c'était un cadeau
Sophie, l'étudiante de Nanterre


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Les souvenirs des soixante-huitards
La fac de Nanterre devient le centre de la contestation où les étudiants se retrouvaient en AG pour décider de la suite à mener. La fronde montait depuis 1967, les jeunes de l'époque, éduqués selon le modèle patriarcal, se soulèvent contre l'ordre social avec leurs règles habituelles : d'un côté les garçons qui décident et de l'autre les filles qui acquiescent. "On était militantes mais c'est les garçons qui étaient les leaders mais ça a été la dernière fois", assure Sophie Bouchet-Petersen. Le vent tourne et la jeunesse étudiante occupe l'espace public, rapidement rejointe par les jeunes ouvriers. La différence de milieu social est effacée par la volonté de changer à tout prix. A Lyon, la ville se soulève aussi. Jean, Véronique et Jean-Paul s'unissent au mouvement.

C'était une bouffée de liberté. J'ai découvert un monde que j'ignorais, ça m'a porté, on dévorait les choses
Jean, l'ouvrier

Aujourd'hui encore, ces trois amis créent dans le collectif. Ils ont fait bâtir un habitat écolo à Vaulx-en-Velin : une maison de retraite collective. Un vieux rêve de soixante-huitard devenu réalité. 

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De part et d'autre des barricades
On se souvient des événements et du mouvement populaire, des slogans scandés en choeur, des fumigènes qui s'élèvent dans le ciel et de chaque côté des barricades, des hommes et des femmes qui défendent chacun un point de vue. Roland et Norbert étaient étudiants aux Beaux-Arts. Juste après les événements, ils sont partis dans les Cévennes pour installer leur atelier de sculpture et inventer les Beaux-Arts à leur façon. 

Aux Beaux-Arts c'était "ferme ta gueule, je suis le patron, j'ai raison et tu copies ce que je fais"
Roland, l'artiste

De l'autre côté des barricades, il y a ceux qui garantissent l'ordre. Le Préfet de Police de Paris envoie ses troupes. Dans les rangs, il y a Pierre, jeune CRS de 29 ans. Un baptême du feu inoubliable et quelque peu traumatisant.

Pour moi le slogan "CRS : SS !" me fait mal car j'ai un oncle qui a été fusillé par les Allemands, il n'avait que 14 ans. Je ne me considère pas comme un SS

Pierre, le gendarme

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Des vies révolutionnaires
Après un mois d'émeutes, le calme revient à Paris et des mesures sociales sont mises en place. En 68, le ministre de l'Éducation instaure les représentants d'élèves et de parents dans les Conseils de classe, mais surtout quelque chose a changé dans les relations professeur-élève. Après les accords de Grenelle, plusieurs mesures sont prises dans l'industrie : augmentations de salaire et reconnaissance de la section syndicale de l'entreprise. La société corsetée se relâche, un vent de libeté souffle sur le pays.

Enfin je pouvais vivre comme je l'entendais avec les filles, avec mes cheveux, mes vêtements, c'était un rêve qui se réalise

Bernard, l'activiste
Pour les manifestants les chemins sont tous différents. Il y a ceux qui rentrent dans le rang et profitent du système, il y a ceux qui poursuivent la réflexion et puis il y a ceux qui s'évadent loin de la capitale pour vivre des vies révolutionnaires. Véronique milite au MLF dès sa création en 1970 et Frédéric s'installe dans le sud pour élever 150 chèvres. 

Les femmes avaient intériorisé des décennies de retrait, si Mai 68 a existé c'est qu'il fallait faire sauter énormément de verrous

Véronique, la militanteUn an après le Général de Gaulle démissionne suite au référendum sur la régionalisation et le rôle du Sénat.

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