"Chacun de nous doit tirer la leçon d'Auschwitz" : quand Robert Badinter se souvenait de sa première visite dans le camp nazi
À l'occasion de la commémoration du 75e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, Robert Badinter racontait à franceinfo sa première visite du camp nazi où une partie de sa famille a été décimée.
Cet article, initialement publié le 22 janvier 2020, a été republié vendredi 9 février 2024, à l'occasion de la mort de l'ancien ministre de la Justice.
"Personne n'y allait, c'était désert", se souvient Robert Badinter. En 1956, seuls les fantômes des juifs exterminés hantent encore le camp d'Auschwitz. Ce camp d'extermination où sont mortes plus d'1,1 million de personnes sous le régime d'Adolf Hitler.
Robert Badinter y a perdu son oncle. Sa grand-mère paternelle, elle, s'éteint dans le wagon de déportation qui l'emmenait vers le camp de la mort. Onze ans après la libération du camp par les Soviétiques, il décide alors de se rendre là où une partie de sa famille a été décimée. Un souvenir indélébile encore aujourd'hui à 91 ans.
Première visite du camp d'Auschwitz à 28 ans
C’est un conservateur, professeur d'histoire polonaise, qui accueille un jour de printemps celui qui n’a pas encore été ministre de la Justice. Il a 28 ans et visite le camp de la mort pour la première fois. "Curieusement, il y avait entre les marches qui descendaient vers la chambre à gaz, trois petites fleurs, racontait Robert Badinter. J'ai regardé ça, j'ai cueilli une des fleurs et je l'ai envoyé à ma mère et j'y ai ajouté : 'Pour moi, c'est le symbole que la vie l'emporte toujours sur la mort'".
Il ne faut pas oublier les morts et ne pas vivre leurs morts dont vous devenez captif. La vie est plus forte que la mort.
Robert Badinter, ancien ministre de la Justiceà franceinfo
La "douleur de l'absent"
La vie ne peut cependant anesthésier la douleur. "Ça met très, très longtemps, le processus de cicatrisation, expliquait Robert Badinter. Il y a toujours des moments où ça revient, comme certains membres dont on est amputés. Bizarrement, certains jours, vous avez mal là où il n'y a plus rien. C'est exactement ça : la disparition, vous la refusez." L'ancien ministre de la Justice continue : "Souvent, cette époque revient avec la folle espérance qu’ils sont revenus. Vous vous réveillez à ce moment-là, mais ils ne sont pas revenus. C'est pour ça que la douleur spécifique de l'absent est enracinée, elle fait partie de votre être."
Et son être, Robert Badinter l'a voué tout entier avec passion à combattre l'injustice. "La lutte contre le fanatisme, les préjugés et l'ignorance crasseuse, énumère l’ancien ministre de la Justice. Il faut combattre et affronter, ne pas fuir. Chacun de nous doit tirer la leçon d'Auschwitz".
Le mépris de la vie humaine ça c'est un combat que chacun doit mener constamment et fermement
Robert Badinter, ancien ministre de la Justiceà franceinfo
Combattre ce qui est le fanatisme et le racisme car on a beau montrer le crime, ajoutait-il, cela ne suffit pas. L'ancien ministre de la Justice est mort à l'âge de 95 ans, le 9 février 2024.
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