"D-Day Land" en Normandie : projet mémoriel ou mercantile ?
Léon Gautier, emblématique survivant du commando Kieffer, craint un "Disneyland sur la mort des gens". L'un des promoteurs, Régis Lefèvre répond sur franceinfo mercredi 16 septembre qu'il "n'y aura pas d'attractions, on ne jouera pas à la guerre".
On devrait connaître avant la fin du mois de septembre quel site normand sera retenu pour accueillir ce que tout le monde surnomme le "D-Day Land". C'est un projet de parc touristique consacré au Débarquement, soutenu par le conseil régional de Normandie. Des élus, riverains et anciens combattants s'y opposent.
Ce projet sans nom officiel est censé ouvrir en 2024, pour le 80e anniversaire du débarquement. Trois promoteurs privés cherchent actuellement un terrain de 25 hectares, dans la Manche ou dans le Calvados. Les deux idées maîtresses du projet sont une tribune glissant sur des rails pour voyager à travers différents tableaux évoquant le Débarquement et un village normand reconstitué vendant camemberts, cidres, gourmandises et souvenirs locaux. Le budget serait de 25 millions d'euros, avec l'objectif de 600 000 visiteurs par an, avec un parc qui serait ouvert de mars à octobre.
Risque de dérive mercantile ?
Il n'y a pas eu de débat public, dénonce Jean-Michel Jacques, député LREM et ancien commando marine qui redoute aussi un risque d'indécence, de dérive mercantile. "On parle de jeunes gens qui, pour la plupart, se sont fait tuer au combat, à peine sortis de leur péniche", rappelle le député. "Alors, on nous dit qu'il va y avoir une partie cinéma. D'accord, mais quel est le contenu ? De quoi sera entouré ce moment ?"
Est-ce qu'il y aura des vendeurs de glaces ? Est-ce qu'il y aura un Grand huit avec des péniches du débarquement ?
Jean-Michel Jacquesà franceinfo
Léon Gautier, emblématique survivant du commando Kieffer, premiers français à débarquer le 6 juin 1944, a évoqué sa crainte d'un "Disneyland sur la mort des gens" dans la Manche Libre. Ce ne sera pas un parc d'attraction, réfute l'un des promoteurs, Régis Lefèvre, mercredi 16 septembre sur franceinfo. Le cœur du projet, c'est une tribune qui glisse sur des rails pour voyager à travers différents tableaux du Débarquement. Ce sera un documentaire immersif, plaide-t-il, pas un "D-Day Land".
Ce n'est évidemment ni un D-Day Land, ni un Puy du Fou, ni un parc d'attraction.
Régis Lefèvreà franceinfo
"Nous, ce qui nous fait de la peine, c'est que ce n'est pas ce qu'on veut faire, martèle Régis Lefèvre. Jamais on a imaginé faire ça. Alors ce mot [D-Day Land] s'est imposé dans le débat public. C'est bien dommage, mais ce ne sera pas ça. Il n'y aura pas d'attractions, on ne jouera pas à la guerre, on ne jouera pas avec la guerre."
La crainte, localement, c'est aussi le tourisme, avec le risque que ce parc aspire le public des musées locaux et des commerces autour. Le directeur du Mémorial de Caen n'est pas opposé au principe du projet, à condition qu'il soit bien écrit et pertinent.
Les promoteurs, récusent l'idée d'un "D-Day Land" mercantile, et remarquent que jamais Spielberg, avec le film Il faut sauver le soldat Ryan et la série Band of Brothers, n'a été accusé de vouloir faire de l'argent avec le sang versé.
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