Égyptobus : quand le Louvre-Lens et ses spécialistes de hiéroglyphes voyagent en quête de nouveaux publics
À l’occasion de ses dix ans, le Louvre-Lens embarque sur son "Égyptobus", espace itinérant qui sillonne le département du Pas-de-Calais. Jusqu’au 15 janvier 2023, le musée propose des activités culturelles autour de l’Égypte, gratuites et ouvertes à tous. Reportage.
Bien qu'accroupi, le Scribe se déplace. Et en bus : à Boulogne-sur-mer, Saint-Omer, Liévin. Depuis le 15 octobre et jusqu'au 15 janvier 2023, le Louvre-Lens sort de ses murs à bord de son Égyptobus, à l’occasion de l’exposition Champollion : La voie des hiéroglyphes. Pour ceux qui n'ont pas l'opportunité de se rendre au musée, le musée vient à eux. Dans cet espace itinérant, mis en place avec l'aide du département du Pas-de-Calais, pour tout public mais avec une attention particulière pour les enfants, sont exposés des moulages d'œuvres ainsi que des panneaux explicatifs sur l’Égypte antique et le déchiffrement des hiéroglyphes. Une équipe de médiation anime aussi des ateliers et un dispositif de réalité virtuelle. Mais reprenons au commencement.
À Liévin, sur le parking de la place Gambetta, peu après le marché, s’est installé cet étrange bus bleu. À son bord, une vingtaine d’enfants de CP et CE1 de l’École Jean Macé s’appliquent à dessiner des pyramides. À l’image de Nolan, sept ans, pour qui "dessiner est une passion". Certains sont plus distraits. Paul Lotz, médiateur, les prévient : "Si on n'écoute pas, on risque de détruire son joli paysage." Les enfants sursautent et écoutent. Ici, l’équipe de médiation fait rimer émotions avec transmission. La culture se veut vivante. Et d’ailleurs, personne ne semble s’ennuyer. Après une heure d’atelier, élèves et professeurs repartent ravis. "Ils ont découvert les momies, les hiéroglyphes. Et c’est autant une découverte pour eux que pour nous", explique Ludivine, enseignante d'une classe de CE1.
Sans attendre, place ensuite à une classe de 4e du Collège Pierre et Marie Curie, plutôt experte en archéologie. Cecile Mohr, leur professeur de latin, confie avoir fait un cours en amont de l’atelier. Mais qu’ils aient tout retenu, la prof en est "la première surprise", lance-t-elle en plaisantant. Ici, l’objectif est de déchiffrer les hiéroglyphes sur un cartouche. "C’est un peu compliqué, mais ça va", explique Sarah, 13 ans. Justine Canu, médiatrice, est là pour les rassurer. "On fait une enquête, un peu comme Champollion qui a travaillé avec des documents de seconde main." Ils ont d’abord réalisé un frottis épigraphique pour copier l’inscription avant de chercher sa signification dans divers documents. Certains trouvent "Noutish", d’autres "Inont", le nom "Toutânkhamon" ressort finalement. "Ce n’est pas une malédiction ?", demande l’un d’eux en rigolant.
Le Louvre à la portée de tous
Parmi les jeunes interrogés, notamment les enfants, rares sont ceux à être déjà allés au Louvre-Lens, pourtant gratuit et à deux pas de chez eux. "On a encore du travail, reconnaît Gauthier Verbeke, directeur de la médiation du musée. Un des problèmes aujourd'hui pour le public scolaire, c'est le bus. Ça coûte extrêmement cher et ça c'était avant même la crise de l'énergie qu'on connaît aujourd'hui. D’où l’intérêt de ce genre d'opérations afin que le musée aille jusqu’à eux. Pour nous, la mission éducative est primordiale." Chaque année, le Louvre-Lens accueille environ 100 000 élèves par an, plus que le Centre Pompidou à Paris.
Partir à la recherche de nouveaux publics est aussi un moyen de déconstruire certaines idées reçues. "Quand on fait du porte-à-porte à Lens, explique Gauthier Verbeke, il y a parfois des gens qui nous demandent comment il faut s’habiller pour venir. Tout notre travail est donc de déconstruire cette espèce de sacralisation du musée qui peut faire dire à certains que ce n’est pas fait pour eux." Pendant les dernières vacances scolaires, son équipe de médiation a eu pour mission d’aller au centre commercial de Noyelles-Godault afin d’organiser des ateliers créatifs pour les enfants. "Nous sommes sur un territoire qui a pas mal de problématiques, à la fois sociales, économiques, sanitaires. Les moyens qui ont été donnés à ce musée nous obligent donc à cette pluralité d’efforts", poursuit-il.
Une opération menée avec succès
L’Égyptobus rencontre par ailleurs un joli succès. "Il y a vraiment une fascination pour l’Égypte. À Boulogne-sur-Mer, une personne nous a apporté une réplique miniature de la pierre de Rosette. Une dame est aussi venue avec son fils qui voulait devenir égyptologue ou archéologue. L’Égyptobus était une façon pour lui de commencer à se préparer, à imaginer la suite." Avec mille visiteurs par étape, chaque date affiche complet. "Ça s’est très vite rempli. Finalement on accepte même les gens sans réservation", rassure Gauthier Verbeke.
Cet intérêt pour l’Égypte se mesure aussi à l’affluence de l’exposition Champollion, célébrant le 200e anniversaire du déchiffrement des hiéroglyphes au Louvre-Lens. Une occasion exceptionnelle de découvrir le travail de Jean-François Champollion, nom connu de tous et pourtant bien mystérieux. Le parcours muséographique y retrace l’origine de sa passion pour l’Égypte, l’imaginaire de l’époque rempli de références approximatives et sa quête d’authenticité afin de redécouvrir cette civilisation plurimillénaire.
Prochaines dates de l’Égyptobus :
- Liévin du 24 novembre au 29 novembre 2022 Place Gambetta
- Calais du 03 décembre au 08 décembre 2022 au Channel
- Saint-Pol-sur-Ternoise du 14 décembre au 19 décembre 2022 Place de la Mairie
- Arras du 10 janvier au 15 janvier 2023 au Collège Charles Peguy
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