Emmanuel Le Roy Ladurie, le célèbre historien du monde rural et du climat, est mort à 94 ans
Chercheur fécond et assez éclectique, pionnier de l'histoire du climat, Emmanuel Le Roy Ladurie est mort mercredi à 94 ans, a appris l'AFP de la famille jeudi 23 novembre, confirmant une information du Figaro. Il "est sans doute l'historien français vivant le plus connu à l'étranger (en Europe comme en Amérique), et l'un des plus traduits", assurait son éditeur Fayard en 2018. Ancien professeur au Collège de France, il a été pendant un demi-siècle une figure majeure du paysage intellectuel français qui a écrit aussi bien sur le monde rural, que les inégalités.
Disciple du grand historien de l'École des Annales, Fernand Braudel, il a joué un rôle actif au sein de ce mouvement, qui va s'intéresser au quotidien, à la vie des individus "lorsqu'il ne se passe rien", devenant dans les années 1970 une figure du courant de la nouvelle histoire. Emmanuel Le Roy Ladurie s'est imposé comme un spécialiste de l'anthropologie historique, qui permet de saisir les vies du passé dans l'ensemble de leur environnement.
Ainsi, pour ses travaux sur le climat, qui l'ont rendu célèbre, il a utilisé, à des fins descriptives, les observations thermométriques et pluviométriques, mais aussi toutes les informations relatives aux moissons et aux vendanges, à l'élevage et au tourisme, qui donnent la mesure et le rythme du changement climatique en cours.
"Ma raison d'exister, c'est écrire"
En 1975, il a atteint la renommée internationale avec Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, best-seller encensé, ce qui est rare, par le public et la communauté des historiens. À partir des notes de l'inquisiteur Jacques Fournier, évêque de Pamiers (1318-1325), il a reconstitué la vie de ce petit village du Languedoc à l'époque du catharisme, racontant avec rigueur et fraîcheur les frasques du berger, les amours du curé et les passions romantiques de la châtelaine.
Soucieux d'être lu au-delà des cercles de spécialistes, il ne craignait pas dans ses livres de rapprocher tel aspect du passé avec la réalité contemporaine. "Ce que j'ai compris (...), c'est que ma vie prend sens par l'écriture. Ma raison d'exister, c'est écrire", disait-il au journal Le Monde en 2018, à l'occasion de la parution d'une biographie qui lui était consacrée. Parmi ses œuvres figurent plusieurs ouvrages sur le climat, ainsi que des livres comme Les paysans de Languedoc, Histoire économique et sociale de la France, L'argent, l'amour, la mort en pays d'Oc, L'Ancien Régime, Histoire des paysans français, Le carnaval de Romans, Le Siècle des Platter (trois tomes), Les Grands Procès politiques,...
Né le 19 juillet 1929 aux Moutiers-en-Cinglais (Calvados), Emmanuel Le Roy Ladurie est le fils de Jacques Le Roy Ladurie, député catholique social qui fut ministre de l'Agriculture du régime de Vichy avant de rejoindre la Résistance. Militant au Parti communiste, il rompt avec le PCF en 1956 après l'insurrection hongroise, comme ses collègues Annie Kriegel et François Furet. Il rejoint le Parti socialiste unifié (PSU) de Michel Rocard.
Professeur au Collège de France, administrateur de la BNF
Après l'ENS et une agrégation d'histoire, Emmanuel Le Roy Ladurie enseigne dès 1955 dans un lycée de Montpellier, période clé dans l'évolution d'un historien qui deviendra un expert du monde occitan. Il est ensuite assistant à la faculté de la ville puis directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il devient enfin professeur au Collège de France à partir de 1973 (jusqu'en 1999), titulaire de la chaire d'histoire de la civilisation moderne.
En plus d'être un grand historien et un amoureux de la langue, Emmanuel Le Roy Ladurie était aussi un organisateur hors pair : il a ainsi occupé les fonctions d'administrateur général de la Bibliothèque nationale de 1987 à 1994. C'est lui qui a conduit la mutation de cette institution vers l'actuelle BNF. Père de deux enfants, il était également membre de l'Académie des sciences morales et politiques.
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