En Isère, un nouveau musée raconte la naissance de l’égyptologie à travers le destin des frères Champollion
Le musée Champollion a ouvert ses portes au public samedi 5 juin à Vif, en Isère. L’occasion de redécouvrir le parcours du père de l’égyptologie moderne, Jean-François Champollion, mais aussi celui de son frère Jacques-Joseph, archéologue et journaliste féru d’antiquité.
Après cinq ans de travaux et une ouverture retardée d’une année pour cause de crise sanitaire, le musée Champollion peut enfin accueillir le grand public à compter du samedi 5 juin 2021. Installé à Vif en Isère dans l’ancienne maison de la famille Champollion, ce musée départemental propose une immersion dans l’univers des frères Champollion. Objets personnels, mobilier, œuvres d’art… Tout est restitué dans l'esprit du XIXe siècle. Le musée s’articule autour de trois axes principaux : la complémentarité des deux frères Champollion, leur travail de recherche et leur apport à la naissance de l’égyptologie.
Les frères Champollion ne sont pas nés en Isère mais à Figeac dans le Lot où leur père, colporteur du Dauphiné, s’installe et se marie. Sept enfants naissent de cette union. Parmi eux, l’aîné Jacques-Joseph Champollion-Figeac, un érudit, passionné d’antiquité, journaliste et professeur d’université.
C’est lui qui est chargé de veiller à l’éducation de son frère Jean-François (appelé aussi Champollion le Jeune), de douze ans son cadet et dernier de la fratrie.
Élève dissipé, il se montre malgré tout passionné et doué pour les langues orientales. Si les deux hommes résident souvent à Paris, ils gardent des attaches dans le Dauphiné. En 1807, Jacques-Joseph épouse Zoé Berriat, dont la famille possède une maison à Vif, à 18 km au sud de Grenoble.
Composé d’une maison bourgeoise, de dépendances et d’un vaste parc de 2,5 hectares, le domaine (aussi baptisé "La maison des champs" ) est conservé par les descendants de Jacques-Joseph Champollion-Figeac jusqu’en 2001, date à laquelle le département de l’Isère acquiert la propriété et s’engage à perpétuer l’œuvre de mémoire initiée par la famille, en préservant le domaine et en l’ouvrant à terme au public.
Des pièces de collection
On sait que Champollion le Jeune fera de nombreux séjours à la maison de Vif jusqu’en 1824. Est-ce là qu’il a fini par déchiffrer, après des années de recherches, le mystère des hiéroglyphes ? Non (il était à Paris à ce moment-là), mais les visiteurs pourront contempler le bureau en acajou où il a passé des heures à tenter de percer le secret de ces écritures avant d’y parvenir le 14 septembre 1822.
Ce jour-là, Champollion trouve enfin le moyen de comprendre les hiéroglyphes de la pierre de Rosette. Sur cette stèle à moitié cassée découverte en 1799 par un officier de l’armée française d’Orient à Rachid (une ville connue en Occident sous le nom de Rosette), on peut lire (ou tenter de lire) trois versions d'un même décret pris en 196 av. J.-C., en faveur de Ptolémée V Épiphane, par l'assemblée des prêtres égyptiens réunie à Memphis.
Champollion le Jeune finit par comprendre que les hiéroglyphes sont des dessins qui véhiculent parfois une idée mais aussi parfois juste un son et que c’est une écriture parmi d’autres, réservée aux pharaons, aux dieux. En faisant cette découverte, il apporte des réponses à une grande enquête qui a mobilisé des chercheurs et des érudits du monde entier pendant plus de vingt ans.
Cette découverte va permettre l'avènement de l’égyptologie et la lecture des textes anciens.
Un aîné protecteur
Quel fut alors le rôle de l'aîné des frères Champollion ? Jacques-Joseph a beaucoup veillé sur son frère cadet, et c'est chez lui que le jeune archéologue fera irruption en septembre 1822 en criant "Je tiens mon affaire !", avant de s’effondrer pendant deux jours. C'est Jacques-Joseph qui rédigera l’essentiel de la Lettre à M. Dacier relative à l'alphabet des hiéroglyphes phonétiques que Jean-François lira quelques jours plus tard devant l’Académie pour exposer le déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens.
Après la mort prématurée de Jean-François en 1832 (il avait 41 ans), Jacques-Joseph Champollion continue son œuvre en publiant ses manuscrits inédits et en défendant ses découvertes. En parallèle, il poursuit sa carrière comme conservateur de la Bibliothèque royale à Paris ainsi que comme professeur de paléographie à l’école des Chartes. Carrière qui s’achèvera à la bibliothèque du Palais impérial de Fontainebleau où il s’éteint en 1867.
Preuve de la complicité unique qui unissait les deux hommes, cette parole de Jean-François, prononcée en 1818.
Il y a longtemps que tu me prouves que moi, c'est toi. Mon cœur m’assure que nous ne ferons jamais deux personnes.
Jean-François Champollionà son frère Jacques-Joseph
Du milieu familial aux rives du Nil
Onzième musée départemental de l'Isère, le musée Champollion propose aux visiteurs une première salle au rez-de-chaussée, avec la reconstitution du salon de la maison Champollion, orné de nombreux portraits de famille ; au premier étage une salle qui permet de comprendre la fascination exercée sur le grand public par l'Égypte au début du XIXe siècle (fascination largement alimentée par la campagne d’Égypte de Napoléon Bonaparte où près de 200 savants furent mobilisés).
Enfin au 2e étage, on retrouve 85 antiquités égyptiennes prêtées par le musée du Louvre, dans une salle dédiée au musée Charles X (il s'agit des salles aménagées en 1827 dans l’aile sud de la cour carrée du Louvre, consacrées aux antiquités égyptiennes et gréco-romaines), un musée ouvert en 1927 et dont Jean-François Champollion fut le premier conservateur.
Cette partie rappelle le rôle de "vulgarisateur" de Champollion le Jeune. Comme le rappelle Vincent Rondot, directeur des antiquités égyptiennes du Musée du Louvre, "tout le monde savait que les dieux égyptiens avaient des têtes d'animaux. Tout le monde connaissait la momification. Mais on connaissait moins les gens, la population égyptienne. Tout le rôle de Champollion, ça a été d'expliquer ce qu'était les vrais Égyptiens."
Musée Champollion à Vif (Isère)
45, rue Champollion
38450 VIF
Visites uniquement sur réservation par mail musee-champollion@isere.fr ou par téléphone 04 57 58 88 50.
Il reste des places pour visiter le musée le dimanche 6 juin à 10h, 10h20, 10h40, 14h20, 14h40, 16h et 16h40 (durée de la visite : 1h30). Encore des créneaux, également, sur le week-end du 12 et 13 juin.
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