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Hommage national à Daniel Cordier : "Il était le patron de mémoire de l’Ordre de la Libération"

Comment faire perdurer la mémoire de la Résistance ? C’est le travail de Lionel Boucher, secrétaire de la Commission nationale de la médaille de la Résistance française, qui recueille au quotidien les témoignages des anciens résistants encore en vie.

Article rédigé par franceinfo - Florence Morel
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La médaille de la Résistance française, au centre, sur le veston de Paul Burlet, le 14 juin 2019, à Paris. (LILIAN CAZABET / HANS LUCAS / AFP)

Recueillir et transmettre. Telles sont les missions de Lionel Boucher, secrétaire de la Commission nationale de la médaille de la Résistance française, décernée à plus de 65 000 résistants, après-guerre. Moins connue que sa grande sœur, la Croix de la Libération, cette décoration est toujours décernée à titre posthume.

Daniel Cordier, mort à 100 ans vendredi 20 novembre et dont l'hommage national a lieu jeudi 26 novembre, était l'un des deux derniers Compagnons de la Libération encore en vie et chancelier d'honneur de l'Ordre de la Libération. Au fil des ans, il est parfois difficile de recueillir le témoignage et entretenir la mémoire de ceux qui ont vécu ces heures cruciales pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est précisément le travail de Lionel Boucher, qui détaille auprès de franceinfo ses méthodes pour connaître chaque jour un peu plus ces résistants qui ont façonné l'histoire du pays.

Franceinfo : Daniel Cordier s'est éteint vendredi dernier. Il était l'un des deux derniers Compagnons de la Libération encore en vie. Que représentait-il pour vous ?

Lionel Boucher : J’ai eu la chance de le côtoyer, car il était le chancelier d’honneur de l’Ordre de la Libération depuis octobre 2017 et la mort de son prédécesseur, le chancelier Fred Moore. Daniel Cordier était notre représentant officiel, l’emblème des Compagnons et de la Résistance encore en vie. Notre patron de mémoire, en quelque sorte. Depuis sa création, l’Ordre de la Libération a toujours eu un Compagnon de la Libération à sa tête. Le prochain sera très certainement Hubert Germain, le dernier Compagnon encore en vie.

Nous sommes à la fin de l’année 2020, il ne reste plus qu’une centaine de médaillés de la Résistance encore en vie. Comment entretenez-vous leur mémoire ?

Pour l'entretenir, nous avons beaucoup travaillé avec les Compagnons de la Libération française par le passé. Le travail est désormais en cours avec les médaillés de la Résistance. Mon rôle est de faire connaître au monde entier les parcours de ces héros de la Résistance. Cela consiste à étoffer leurs dossiers et lancer des études scientifiques pour les faire connaître au plus grand nombre au sein du musée de l’Ordre de la Libération.

Pour cela, je vois régulièrement les membres de la Commission nationale de la médaille de la Résistance française, parce qu’on attribue encore ces médailles à titre posthume. C’est dans ce cadre que nous nous devons d’avoir un suivi de ces membres. Le ministère des Armées nous consulte pour avoir leur avis concernant l'attribution de la médaille de la Résistance. Je les appelle au moins une fois par semaine. Je pense en particulier à Pierre Morel, qui vit en Ehpad et à qui je rends visite une fois par semaine.

Vous entretenez parfois des liens étroits avec certains médaillés, à quoi cela sert-il ?

Cela sert à leur dire que l’Ordre de la résistance est toujours là. Arrivés à un certain âge, beaucoup sont isolés ou bien leur famille ne vient plus forcément les voir quotidiennement. Ça me permet en même temps d’apprendre sur leur parcours, parce qu’ils gardent toujours une mémoire formidable, même 75 ans après les faits. A chaque rendez-vous, je prends des notes. On ne peut pas rester quatre heures d’affilée avec des médaillés de 95 ans. Physiquement, ils ne tiendraient pas, cela les fatiguerait beaucoup. Notre but, c’est de les préserver le plus longtemps possible.

Après toutes ces années, que cherchez-vous encore à apprendre d'eux ?

Par exemple, dans le cas de Pierre Morel, qui a été un grand résistant, je connais son parcours, mais très peu sa famille. Il n’en parle quasiment jamais. Je n’ai appris que très récemment que son père était également médaillé de la Résistance française, ainsi que son frère.

Ce n’est qu’au fil du temps, parfois, qu’on arrive à recueillir ce genre d’informations. A force d’échanger avec eux, on apprend à élargir nos questions. On s’aperçoit que parfois, on s’attache à eux, à leur parcours, mais pas assez à leur famille ou à leurs amis. Pour mieux les connaître, on doit aller chercher dans leurs souvenirs, par le bouche-à-oreille, on arrive à trouver des informations. Après des années, je connais parfois un nom de résistant, mais c’est en discutant avec des médaillés que je parviens à avoir leur numéro ou leur adresse.

Vous dîtes que vous voulez faire avancer des dossiers. Qu'entendez-vous par là ?

On connaît très peu les médaillés de la Résistance française. Dans le meilleur des cas, on dispose de leur état civil, d’un mémoire de proposition. Pour certains, on ne connaît rien de leur parcours, de ce qu’ils ont accompli. Notre but est de l’étudier, de le faire connaître et de lancer des recherches scientifiques. On cherche également à établir des contacts avec leurs familles, pour récupérer des photos, des souvenirs. Mon rêve serait de pouvoir écrire une biographie sur chacun des médaillés de la Résistance française. C’est déjà le cas pour les plus connus, mais sur les 65 000 décorés, il nous reste encore un gros travail à accomplir.

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