"Il y a une indifférence absolument totale" : 100 ans après, retour sur le naufrage du "Titanic français" tombé dans l'oubli
Il y a cent ans, le paquebot "Afrique" sombrait au large de l'Ile de Ré, emportant 568 victimes dans le pire naufrage maritime civil en France. Une catastrophe étrangement oubliée.
C'est la plus grande catastrophe maritime française et son histoire est complétement tombée dans l'oubli. Il y a 100 ans, jour pour jour, dans la nuit du 11 au 12 janvier 1920, le paquebot "Afrique" sombrait au large des côtes françaises. Au total, 568 personnes sont mortes noyées et seules 34 ont survécu au naufrage de ce navire qui assurait la liaison entre Bordeaux et Dakar au Sénégal. Parmi les victimes, il y avait près de 200 tirailleurs sénégalais. Ce drame, dont le bilan humain est très lourd, est pourtant passé quasiment inaperçu.
Des naufragés restés dans l'anonymat
Le 12 janvier 1920, le paquebot entreprend son 58e voyage à destination des comptoirs coloniaux français en Afrique. Mais alors que les lumières des côtes françaises sont encore visibles, le navire est pris dans une tempête et submergé par les vagues. Privé d'électricité et ses moteurs à l'arrêt, le bateau qui transporte 602 passagers et 500 tonnes de marchandise sombre au large de la Vendée.
Dans les jours qui suivent, le naufrage n'est évoqué que brièvement dans les journaux et passe relativement inaperçu, malgré le lourd bilan humain. "On nous parle toujours du Titanic mais pour ce bateau-là qui est un bateau français c’est le black-out, regrette Francine Sautet, l'arrière-petite nièce de l'un des passagers disparus. Il y a une indifférence absolument totale et on ne sait toujours pas le pourquoi du comment."
Quand j’en parle, il y a plein de gens autour de moi qui n’en ont jamais entendu parler.
Francine Sautetà franceinfo
Pendant des semaines, les corps des victimes vont s'échouer sur les côtes françaises. Certains sont même repêchés dans les filets des chalutiers mais le drame ne suscite pas beaucoup d'émoi et les naufragés restent dans l'anonymat. La faute d'abord à la compagnie maritime qui multiplie les déclarations mensongères à la presse et qui minore le nombre de victimes.
La faute revient en partie au contexte de l'époque explique l'historien Daniel Duhand, auteur d'un film sur le sujet. "Là, on se trouve après la Première Guerre mondiale. Les gens en ont marre des catastrophes et puis ça tombe juste le week-end des élections présidentielles. Voilà pourquoi c’est tombé un petit peu dans l’oubli."
Mystère autour du naufrage
Une très longue procédure judiciaire va opposer les familles des victimes à la compagnie maritime des chargeurs réunis. Et finalement, après douze années de guérilla, les demandes d'indemnisation des familles sont refusées. La catastrophe et les disparus tombent définitivement dans l'oubli et aucune enquête ne fera la lumière sur les causes de l'accident.
Mais 100 ans plus tard, Luc Corlouër, dont le grand-cousin était maître d'équipage sur le navire, a son idée sur la question. "On sait qu’il y a un moteur qui a été noyé et donc le bateau s’est arrêté. On sait que la mer était démontée. On sait que le navire n’était pas dans un état formidable. Donc la conjonction de ces évènements à conduit à la catastrophe, à la tragédie."
Cent ans après le drame, l'épave du paquebot gît toujours par 40 mètres de fond. La plupart des victimes reposent dans les cimetières de l'île de Ré, la terre la plus proche des lieux du naufrage.
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