Journées de l'archéologie : visite d'un village éphémère au cœur de Paris
«Quelqu’un a-t-il embarqué un os ?» Une voix d’adulte indignée s’élève du brouhaha qui entoure l’atelier «Les squelettes nous parlent» installé dans la cour des Archives nationales, majestueux bâtiment du XVIIIe, au cœur du quartier du Marais à Paris. Un atelier où des collégiens s’initient à l’étude des restes humains. «J’ai rien pris !», répondent d’autres voix juvéniles, un tantinet surprises.
Ces villageois d’un jour n’ont pas l’air de s’ennuyer. Il n’y a qu’à voir des ados, filles comme garçons, s’initier, en tenue d’époque, aux techniques de combat des légions romaines dans le stand intitulé «Au temps de Lutèce». «Lors d’une bataille, 75 % des soldats de première ligne étaient tués», explique l’un des animateurs du stand, lui-même équipé d’un casque à faire pâlir d’envie un centurion des albums d’Astérix.
Les activités proposées au public sont particulièrement variées. On peut aussi bien s’initier à l’archéodendrométrie, l’étude du bois découvert lors de fouilles. Ou «peindre à la romaine» pour découvrir la technique de la fresque antique. A l’atelier «De l’écriture cunéiforme à l’écriture médiévale», des collégiens s’intéressent «à l’écriture caroline, de l’époque de Charlemagne, en traçant des caractères avec un calame», explique l’une des animatrices. Au fait, c’est quoi un calame ? «C’était un roseau taillé. Mais avec nos visiteurs, nous utilisons du bambou», répond-elle. Un peu plus loin, des enfants de 7-8 ans s’adonnent à la technique de fabrication de sceaux avec de la pâte à modeler.
«Les pieds dans la glaise, la tête dans les études»
D’autres, les genoux dans du sable, apprennent les techniques de fouilles. Ou assistent à la taille d’outils préhistoriques en silex. «Attention ! Il est interdit de prendre un bout de silex. Il ne faut pas oublier que c’est une arme : à la Préhistoire, on s’en servait pour tuer des mammouths !», explique un animateur. Il évoque le cas d’un gamin qui en avait volé un petit morceau, l’avait caché dans sa poche et avait été trahi… par des gouttes de sang sur son pantalon.
Un peu plus tard, des jeunes aveugles viennent, eux aussi, s’initier à la technique de taille en touchant les objets. «Nous avons fait en sorte que les activités proposées soient le plus tactile possible», observe Mahaut Tyrell, chargée de communication médias à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).
Ces «villages de l’archéologie» permettent ainsi de côtoyer la discipline archéologique de manière concrète et ludique. En s’intéressant aux méthodes et aux métiers traditionnels. Comme aux techniques scientifiques et aux technologies les plus innovantes, notamment numériques. On peut, par exemple, se plonger dans une restitution sonore de Paris au XVIIIe siècle. Ou «retrouver, par des calculs, l’apparence visuelle d’un objet antique en le recoupant avec des éléments d’autres disciplines», explique un animateur en montrant une statuette de cheval qui semble gauloise.
Pour l’archéologie, l’interdisciplinarité est essentielle. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce «village» parisien est installé dans la cour des Archives nationales, haut lieu (magnifique) de la mémoire française. Cette institution abrite, en autres trésors, la très fameuse «Armoire de fer», «dans laquelle se trouvent les originaux des constitutions de 1791 à 1958, le serment du Jeu de paume»…
«L’archéologie est bien une discipline à part entière. Ce n’est plus une simple auxiliaire de l’histoire. Les textes de nos archives sont parfois figés en exprimant des visions de clercs subjectives. Des fouilles peuvent ainsi permettre de rectifier leurs propos», explique Annick Pégeon, responsable du service éducatif des Archives nationales.
«Les Journées sont un élément essentiel pour assurer le lien entre l’archéologie, les archéologues et la population», constate Benoît Kaplan, sous-directeur de l’archéologie au ministère de la Culture. Et de conclure : «Ces villages de l’archéologie sont un rendez-vous extrêmement important pour les archéologues qui ont les pieds dans la glaise et la tête dans les études. Mais qui savent en même temps restituer leur savoir auprès du grand public». Un grand public qui, visiblement, en redemande.
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