Le temps d’une nuit, la cité médiévale de Provins invite à un voyage temporel éclairé à la bougie
Deux soirées par an pendant l’été, la ville éteint tous ses éclairages publics pour s'illuminer de bougies et de flambeaux. Un évènement, "Les Lueurs du Temps", accompagné de spectacles célèbrant le riche héritage historique de la ville. Reportage à la chandelle dans ses ruelles moyenâgeuses.
Le soleil n’est pas encore couché que Provins, cité médiévale de Seine-et-Marne, prépare déjà ses habits nocturnes de lumière. Le long des trottoirs ou sur le bord des fenêtres, de jeunes habitants posent méticuleusement de grands bougeoirs en terre cuite. D’ici quelques heures, à la nuit tombée, la ville n’allumera pas ses éclairages publics. Des centaines de bougies guideront les habitants et les visiteurs venus spécialement pour l'occasion. C'est la deuxième fois cet été que les Provinois organisent Les Lueurs du Temps. Tous les ans, pendant deux nuits estivales, de 20h30 à minuit, les ruelles pavées et les maisons à colombages replongent à l'ère médiévale. Une tradition qui rend hommage au riche passé moyenâgeux de la ville.
Une ville chargée d’histoire
Cette 16e édition des Lueurs du Temps est particulière : la cité historique célèbre sa vingtième année au patrimoine mondial de l’Unesco. Une fierté pour les 500 habitants de la ville-haute (la partie la plus ancienne et la mieux conservée de Provins). "Nous avons eu beaucoup de chance parce que Provins a été complètement épargné pendant les deux guerres mondiales", nous raconte Julien, guide conférencier officiant à l’occasion de l’évènement. "Être recensé à l’Unesco est un honneur, mais c’est aussi un travail de longue haleine car il y a beaucoup de consignes à respecter".
Chaque année, en plus des Lueurs du Temps, la ville organise des fêtes médiévales costumées qui rencontrent beaucoup de succès. Le week-end du 25 juin, plus de 110 000 visiteurs sont venus fouler les rues pavées de la ville. "On a battu le record de 2019, qui était une très belle année. C’est une vraie évolution positive", confiait le maire Olivier Lavenka au Parisien en juillet. Loin d’être achevée, la saison réserve encore des célébrations à venir : la fête de la Moisson avec sa parade et ses danses folkloriques sera de retour le 28 août après deux ans d’absence. Aussi, le 10 septembre aura lieu la mise en lumières des remparts afin d’inaugurer la fin de leur restauration qui aura pris près de 40 ans…
Mais pour l’heure, ce samedi 6 août, la petite cité médiévale, dépourvue d’électricité pendant plusieurs siècles, célèbre le feu. "Nous avons installé plusieurs milliers de bougies en une heure", nous confie l’une des employées municipales en charge de cette mission. Gardienne des lumières, elle tournera dans les rues de la ville toute la soirée pour rallumer chaque flamme à peine éteinte.
Acrobaties et jonglages
Au cours de la soirée, plusieurs animations embrasent les quatre coins de la ville. Dans les rues, des numéros de jonglages et d’acrobaties, à l’aide de balles et de bâtons enflammés, s’enchaînent au rythme des cors de chasse. La place du Châtel, située au cœur de la ville, s’est laissé envahir par les terrasses des restaurants dont les tables sont couronnées de discrètes chandelles. "On était déjà venues le 2 juillet pour la précédente édition", nous avoue une jeune mère de famille, résidant à Meaux, accompagnée de ses deux enfants. "L’ambiance est super avec la musique, les bougies… Mes filles ont l’impression d’être de vraies princesses !".
Les monuments historiques de la ville se sont également pris au jeu. La Tour César, donjon du XIIe siècle et emblème de la cité, s’est habillée de plus de 700 luminaires. "C’est difficile parce que les marches des escaliers sont très irrégulières", nous chuchote l’une des guides conférencières présente sur place, en surveillant les visiteurs du coin de l'œil. "Il faut quand même qu’elles soient suffisamment éclairées sinon la chute est inévitable…". Marie est venue avec ses deux petits-enfants, plus passionnés de dinosaures que de chevaliers. "J’ai dû réserver nos activités plus d’un mois à l’avance pour être sûr d’avoir des tickets. Les places partent très vite", nous souffle-t-elle, émerveillée par la vue imprenable sur les plaines environnantes qu’offre le sommet de la grande tour illuminée.
Balades historiques aux flambeaux
A l'abris des remparts, dans les fossés près de la Porte St-Jean, la compagnie Equestrio présente sa nouvelle création, Crins de feu. Les cavaliers, sous les traits d'un elfe ou d'un ange, enchaînent les figures de hautes voltiges. Les chevaux, décorés de guirlandes lumineuses et de voiles blancs, sautent au-dessus des flammes face à un public qui retient son souffle, hypnotisé face à ce spectacle féerique. À quelques pas de là, la ferme du Chatel ouvre son portail en bois et invite les visiteurs à prendre part à un bal à la bougie.
La magie atteint son comble lors des balades aux flambeaux, animées tout au long de la soirée par des guides conférenciers. L’un d’eux dans une tunique en lin, une corde nouée autour de la taille, Julien, fait découvrir Provins aux visiteurs à la lueur des flammes. "J’aurai pu mettre des sandales médiévales, pour plus de réalisme, mais mes chaussures de rando seront plus efficaces pour éteindre vos torches", s’amuse-t-il avec les membres de son groupe, équipés de flambeaux incandescents.
Pendant 1h30, le jeune guide déambule dans les ruelles sombres de la cité, distillant ses anecdotes au fil de la marche et des bâtiments croisés. Pourquoi la rue du Four Gaillard se nomme-t-elle ainsi ? Combien de fois l’église Saint-Quiriace a-t-elle brûlé ? Pourquoi avoir un grand conduit de cheminée était-il un signe de richesse au Moyen Âge ? Les références au feu sont nombreuses et permettent de présenter, par la même occasion, l'histoire dense de cette ancienne ville marchande. Mais attention, au cours de ces flâneries nocturnes, à bien surveiller votre torche. Un accident est vite arrivé, vous risqueriez à tout moment de vous brûler les doigts…
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.