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L’histoire de l’esclavage dans les DOM-TOM vue par l’archéologie

Depuis quelques années, l’archéologie s’intéresse à l’esclavage et les fouilles se multiplient Outre-Mer dans des cimetières et d’anciennes sucreries. Ce qui permet de confirmer l’ampleur du phénomène de la traite. Interview de Thomas Romon, archéologue à l’Inrap, qui travaille en Guadeloupe et en Martinique.
Article rédigé par franceinfo
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Convoi d'esclaves en Afrique. Peinture apportée par l'association internationale africaine pour l'exposition de 1878 à Paris. Musée du quai Branly, Paris.
 ( Josse / Leemage)
-Quand l’archéologie a-t-elle commencé à s’intéresser au phénomène de l’esclavage ?
-Avant les années 1990, les archéologues s’intéressaient surtout aux sites précolombiens dans les DOM-TOM. Les vestiges coloniaux passaient après. Ce qui a notamment fait changer les choses, ce sont les opérations d’archéologie préventive en amont des projets d’aménagement. Ces opérations ont permis de multiplier les découvertes.

Certains évènements ont entraîné un déclic. Comme en 1995, lorsque deux cyclones ont notamment frappé la plage de l’anse Sainte-Marguerite en Guadeloupe révélant de nombreux ossements humains. Ce qui a entraîné l’organisation de fouilles en 2014 dans un cimetière utilisé du XVIIe au XIXe siècle. Outre des lieux d’inhumation, des lieux de production du sucre ont également été fouillés, comme le site de la sucrerie Saint Jacques à l’Anse-Bertrand, toujours en Guadeloupe.

Dans le même temps, on a constaté une évolution des mentalités. Pour la première fois, on comprenait que l’on avait accès à l’esclave lui-même. Des citoyens, des associations se sont approprié les résultats des recherches. C’est devenu un enjeu de mémoire. C’est ce qu’ont montré la tenue de colloques à la Rochelle en 2011, et au musée du quai Branly à Paris l’année suivante. 

Sépultures du cimetière colonial de la plage des Raisins Clairs à Saint-François (Guadeloupe). Les défunts sont déposés sur le dos selon un axe est-ouest parallèle au rivage, la tête le plus souvent à l'ouest.
 (Jérôme Rouquet, Inrap)

-Qu’ont mis à jour les fouilles des cimetières comme celui de l’anse Sainte-Marguerite?
-A l’anse Sainte-Marguerite, on a fouillé les restes de 400 individus sur un cimetière qui en regroupait peut-être un millier. Il s’agissait à part égale d’hommes, de femmes et d’enfants.

-Que révèlent ces découvertes?
-Il s’agissait d’individus en moyenne âgés de 30 ans. Ils portaient des marqueurs de dégénérescence, notamment d’arthrose, prouvant un usage intensif de toutes les articulations. Un phénomène que l’on constate habituellement chez des sujets âgés. C’est là un argument pour dire que ces individus devaient être surexploités. Leurs corps étaient également marqués par des maladies infectieuses comme la tuberculose, par la malnutrition...

Autre constatation : ils étaient souvent édentés, ou souffraient de pathologies dentaires (caries, abcès…), liées à la consommation de la canne. Celle-ci venait ainsi renforcer un maigre régime alimentaire.  

-Peut-on déterminer l’origine géographique de ces restes humains ?
-Dans l’avenir, les recherches sur les isotopes et l’ADN permettront peut-être d’en savoir un peu plus. Mais pour l’instant, c’est encore un peu tôt. On a cependant repéré certains marqueurs culturels comme des dents taillées en pointe. On sait qu’il s’agissait de rites initiatiques en Afrique, qui ont été peu à peu abandonnés aux Caraïbes.

-Qu’en est-il des rites d’inhumation ?
-En général, les enterrements avaient lieu selon le rite catholique. On constate qu’au fur et à mesure, les esclaves étaient de plus en plus souvent inhumés dans des cercueils placés dans une position est-ouest. Les corps étaient parfois habillés, comme le montre la présence de boutons en os, et l’on retrouve aussi de temps à autre des crucifix, des chapelets… Des traces d’humanité qui semblent prouver que les esclaves s’arrangeaient entre eux pour enterrer leurs morts de manière décente.

Fouilles sur le site de la sucrerie Saint-Jacques à Anse-Bertrand (Guadeloupe). Sur la droite, mur d'un bâtiment du XIXe siècle. En arrière-plan, les restes du quartier des esclaves.
 (Inrap - Thomas Romon)
-Et qu’ont permis de découvrir les fouilles de sucreries ?
-A Anse-Bertrand, plus vaste opération d’archéologie préventive dans les départements d’Outre-Mer, nous avons notamment fouillé, sur un site de 3,3 ha, l’envers du décor de la sucrerie Saint-Jacques. En l’occurrence les quartiers d’esclaves entourés de murs pour les retenir captifs.

Nous avons retrouvé les poubelles avec des os de poulets, de cochons, mais aussi des coquillages, ce qui permet de déterminer certains éléments de leur alimentation. On retrouve aussi des outils : couteaux, fourchettes, instruments pour travailler la canne, fers à repasser…

Le site devait regrouper quelque 400 esclaves. D’une manière générale, la Guadeloupe comptait des milliers d’esclaves regroupés dans un système concentrationnaire : il s’agissait de les concentrer dans un lieu précis pour les faire travailler pour la production du sucre.

Chaînes d'esclave, Mémorial de l'aboiition de l'esclavage, Nantes.
 (FRANK PERRY / AFP)


Outre les fouilles qu’il mène dans les DOM, Thomas Romon a également travaillé sur l’île Tromelin, dans l’océan Indien, théâtre d’une extraordinaire affaire d’esclavage, racontée dans le livre «Tromelin, l’île aux esclaves oubliés» (Inrap-CNRS Editions).

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