Mort de Robert Badinter : politiques et avocats rendent hommage à une "figure légendaire" et un homme "visionnaire et courageux"
"Avocat, garde des Sceaux, homme de l'abolition de la peine de mort." C'est en quelques mots, postés sur le réseau social X, qu'Emmanuel Macron a résumé qui était Robert Badinter. L'ancien ministre de la Justice est mort dans la nuit du jeudi 8 au vendredi 9 février, à l'âge de 95 ans. "Il était une figure du siècle, une conscience républicaine, l’esprit français", a complété le président de la République qui, lors d'un déplacement à Bordeaux, a annoncé qu'un hommage national lui serait rendu. D'innombrables personnalités politiques et figures du monde la justice ont réagi à l'annonce du décès du pénaliste.
Emmanuel Macron salue "une conscience républicaine"
"Avocat, garde des Sceaux, homme de l’abolition de la peine de mort. Robert Badinter ne cessa jamais de plaider pour les Lumières. Il était une figure du siècle, une conscience républicaine, l'esprit français", a réagi Emmanuel Macron sur X.
Gabriel Attal a aussi fait référence au siècle des Lumières dans son tweet. "Toute sa vie, il a fait tonner la voix de la Justice", écrit-il. "L'abolition de la peine de mort sera à jamais son legs pour la France. Nous lui devons tant. Nos droits et nos libertés lui doivent tant", souligne le Premier ministre, qui salue un "homme de droit et de valeurs".
Eric Dupond-Moretti, l'actuel ministre de la Justice, qui portait lui aussi la robe avant d'être nommé à ce poste, a salué en Robert Badinter un "immense avocat, garde des Sceaux visionnaire et courageux", qui laisse un vide "incommensurable". Il a célébré un "homme de droit et de passion", "profondément épris de justice, artisan de l'abolition" de la peine de mort, dans un message rédigé sur X.
Autre membre du gouvernement à réagir, la ministre de la Culture, Rachida Dati, a rappelé qu'"en accomplissant ce qu’Hugo et Camus avaient rêvé, Robert Badinter est entré dans l’histoire". "Abolir la peine de mort, comme garde des Sceaux, était le combat de sa vie. Ce sera à jamais l’un de nos plus grands héritages. Nous n'oublierons jamais Robert Badinter, son ardeur, la force de sa conviction, sa soif inébranlable de justice", conclut-elle.
Pour la gauche, "il incarnait l'idée même de justice"
Jean-Luc Mélenchon a rendu hommage à la "force de conviction sans pareille" de Robert Badinter. "En siégeant à ses côtés au Sénat, j'ai tellement admiré Robert Badinter ! C'était un orateur qui faisait vivre ses mots comme des poésies. Il raisonnait en parlant et sa force de conviction était alors sans pareille. Peu importent les désaccords. Je n'ai jamais croisé un autre être de cette nature. Il était tout simplement lumineux", a détaillé le chef de file de La France insoumise (LFI).
"Son combat nous a grandis", s'est émue, de son côté, Clémentine Autain, députée LFI de Seine-Saint-Denis, qui a salué un "orateur impressionnant". Elle a aussi rappelé que "Robert Badinter a réussi à convaincre d'inscrire dans nos principes le refus absolu de la mort comme violence légitime d'Etat", à savoir la peine de mort. "Ainsi naissent les idées majeures qui, hier inenvisageables, sont l'honneur de la démocratie", a souligné la parlementaire.
"Robert Badinter était plus que l’abolitionniste qui mit fin à la peine de mort. Il incarnait l'idée même de justice. Sa droiture morale et sa détermination donnaient toute sa force à l'idéal humaniste. Il fut la cause de mon engagement. Immense tristesse", a écrit, pour sa part, le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure.
"C'est un homme libre et un esprit tenace qui manquera à notre pays", a réagi la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier. D'autres, comme le communiste Ian Brossat ou encore Benoît Hamon, ont choisi de poster une photo de Robert Badinter avec une citation emblématique pour lui rendre hommage et rappeler ses propos qui ont marqué l'histoire, notamment en faveur de la dépénalisation de l'homosexualité.
"C'était une figure légendaire de la gauche, un avocat, un professeur de droit, mais d'abord un militant, un militant de la liberté. Le nom de Robert Badinter est une autre manière de dire le mot liberté", a déclaré Jack Lang, interrogé sur la chaîne franceinfo. Plusieurs fois membre de gouvernements de gauche, l'ancien ministre de la Culture et de l'Education a dit sa "fierté d'avoir siégé aux côtés de Robert Badinter". "Il était par ailleurs un remarquable écrivain", a-t-il ajouté. "J'ai toujours essayé de me hisser à la hauteur de Robert Badinter", a déclaré sur franceinfo Christiane Taubira, elle aussi ancienne garde des Sceaux.
L'ancien président de la République François Hollande a rendu hommage à "son engagement", qui "était le droit, la justice, la liberté". "Ses discours étaient extrêmement émouvants au sens où ils vous rendaient intelligent. C'était ça la force de Robert Badinter, le pari de l'intelligence", a déclaré le socialiste sur France 2. "Il représentait une conscience, une mémoire aussi", a-t-il ajouté.
Quant au président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, il a qualifié Robert Badinter de "juste entre les justes", qui a fait "progresser le droit et l'humanisme". Il était "un symbole de la politique quand les convictions et le courage l’emportent", a écrit de son côté la maire de Lille, Martine Aubry, sur X.
De sobres hommages pour les droites, qui honorent une "figure emblématique"
De son côté, Eric Ciotti a fait part de sa "profonde tristesse" à l'annonce du décès de Robert Badinter. Il était une "figure emblématique de la justice et défenseur infatigable des droits de l'homme", écrit le président des Républicains sur X. "Sa lutte pour l'abolition de la peine de mort restera gravée dans nos mémoires et nos institutions." Pour le maire LR de Cannes, David Lisnard, Robert Badinter fut "indéniablement un grand avocat". L'"homme d'Etat" était quant à lui "attaché à la République et aux institutions". Le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, a salué "un talent, une culture et une intelligence mises toutes entières au service de convictions inébranlables".
"Par les combats de sa vie, Robert Badinter aura montré que la politique trouve sa noblesse, non dans l'opportunisme qui suit les vents dominants de l'opinion – mais dans l'exigence de justice qui, souvent à contre-courant, s’efforce de convaincre un peuple", a tenu à rappeler le député européen et vice-président du parti LR François-Xavier Bellamy, en postant sur X une photo de Robert Badinter en noir et blanc, devant son bureau et sa bibliothèque.
A l'extrême droite de l'échiquier politique, Jordan Bardella, président du Rassemblement national, parti héritier du Front national (FN) contre lequel Robert Badinter était vivement opposé dans les années 1980 et 1990, a pesé chacun de ses mots, dans un message diffusé sur les réseaux sociaux : "Robert Badinter a défendu toute sa vie ses idéaux, avec constance et éloquence." En juin 1983, lorsque des centaines de policiers avaient manifesté sous les fenêtres de son bureau aux cris de "Badinter assassin !", Jean-Marie Le Pen, président du Front national, était là.
Marine Le Pen, quant à elle, a salué "une figure marquante du paysage intellectuel et juridique". "On pouvait ne pas partager tous les combats de Robert Badinter, mais [c'était un] homme de convictions", a ajouté la leader d'extrême droite dans un message sur X. En 2015, Robert Badinter avait déclaré que, malgré l'arrivée de Marine Le Pen à la tête du FN à la place de son père, le parti n'avait "pas changé d'âme" : "C'est toujours le même rejet de l'autre, l'hostilité à l'étranger." "Le FN rompt avec les valeurs républicaines", avait-il insisté deux ans plus tard.
"Le seul avocat que tous les avocats aimaient", saluent ses pairs
Devenu avocat "par hasard", comme il l'a dit lui-même, inscrit au barreau de Paris dès l'âge de 21 ans, Robert Badinter garde l'image d'un homme brillant parmi ses pairs et fait figure de modèle pour les nouvelles générations. Autre grand avocat défenseur des droits de l'homme, Henri Leclerc s'est souvenu, sur franceinfo, de son discours enflammé pour défendre l'abolition de la peine de mort, prononcé le 17 septembre 1981, "où il arrache les voix qui restaient". "La non-condamnation à mort de Patrick Henry est un chef-d'œuvre de la profession. C'est l'Arc de triomphe de la profession", selon lui. Les deux hommes avaient été les avocats de deux lieutenants du gangster Jacques Mesrine dans les années 1970.
"Toute la communauté judiciaire partage le deuil de cet humaniste", témoigne Cécile Mamelin, vice-présidente de l'Union syndicale des magistrats, sur franceinfo. Robert Badinter est "le seul avocat que tous les avocats aimaient", plaisante Richard Sédillot, avocat et spécialiste des questions sur la peine de mort auprès de l'ancien ministre de la Justice de François Mitterrand. "C'était aussi une figure politique qui savait prendre de la hauteur", a-t-il salué sur franceinfo, rappelant les autres combats menés par Robert Badinter, notamment "contre le racisme, contre l'antisémitisme, contre l'homophobie".
Le premier président et le procureur général de la Cour de cassation ont également écrit dans un communiqué qu'ils ont "appris avec émotion le décès de Robert Badinter, ancien avocat, garde des Sceaux et président du Conseil constitutionnel". "Avec l'ensemble de la communauté judiciaire, ils rendent hommage à l’œuvre considérable accomplie par ce grand défenseur de la justice et des droits de l’Homme",
Des "combats" qu'il portait encore "bien vivants", rappellent des associations
Le président d'Amnesty International France, Jean-Claude Samouiller, a, lui aussi, vanté "la mémoire de cet infatigable militant pour les droits humains en général, et plus particulièrement pour l’abolition de la peine capitale, qui aura été le combat de sa vie". "Robert Badinter est mort, mais son combat contre la peine de mort est bien vivant", a poursuivi le président de l'association de défense des droits humains. Au delà de la peine de mort, Claude Samouiller salue les avancées portées par l'ancien ministre sur le "droit des mineurs isolés en prison, les conditions de détention, la lutte contre la discrimination des homosexuels".
Le 4 août 1982, l'homosexualité a été dépénalisée en France grâce à Robert Badinter. "On lui doit ce combat-là. C'est avec le cœur lourd et reconnaissant aussi que nous apprenons la mort de Robert Badinter", a confié sur franceinfo Joël Deumier, coprésident de SOS Homophobie. "Malgré les avancées majeures qui ont été permises par Robert Badinter, on constate qu'aujourd'hui il y a toujours cette persistance de la haine anti-LGBT. Mais on rend bien sûr hommage à tout ce qu'il a fait pour les personnes homosexuelles et les personnes LGBT", a souligné Joël Deumier.
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