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"On a été surpris de découvrir que le mammouth faisait de très longs voyages", détaille un chercheur

Des scientifiques ont retracé le parcours d'un mammouth laineux qui vivait il y a 17 000 ans en Alaska, et se sont aperçu qu'il pouvait parcourir plusieurs centaines de kilomètres dès l'âge de 15 ans. 

Article rédigé par franceinfo
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Réplique d'un mammouth dans un parc de Nordhausen (Allemagne), le 30 mars 2016.  (MARTIN SCHUTT / DPA)

Une étude publiée ce vendredi dans la revue Science, consacrée au mammouth, révèle que, malgré sa carrure, ce mammifère était un grand marcheur. Des chercheurs ont retracé le parcours d’un mammouth laineux, qui a vécu 28 ans, il y a environ 17 000 ans en Alaska. L’un d’eux, Clément Bataille, explique sur franceinfo vendredi 13 août qu’ils ont pu retracer son parcours grâce à ses défenses. Il se dit également "surpris" d’avoir découvert qu’il se déplaçait énormément, réalisant de "très longs voyages, de 600 ou 700 km" dès l'âge de 15 ans. Egalement professeur adjoint au département des sciences de la terre et de l’environnement à l’Université d’Ottawa, il fait le parallèle entre le réchauffement climatique, et le risque d’extinction d’espèces aujourd’hui, notamment les éléphants.

"On a vu que son aire de répartition sur l'ensemble de sa vie, c'était quasiment l'ensemble de l'Alaska."

Clément Bataille

à franceinfo

franceinfo : Est-ce la première fois qu'on arrive à suivre, de façon si précise, le parcours d'un mammouth sur Terre ?

Clément Bataille : Oui. On ne connaissait quasiment rien de la mobilité des mammouths. Donc c’est même la première fois qu'on en sait quelque chose sur leur mobilité. Pour retracer le parcours qu’a effectué ce mammouth, on a utilisé ses défenses, qui sont un tissu qui grandit de manière continue et donc ça enregistre des signatures chimiques qui sont dans le paysage, soit dans l'eau, soit dans les roches. Et donc, cela peut nous permettre ensuite, avec des cartes, de retracer où le mammouth se déplace.

Selon votre étude, il a parcouru, en 28 ans de vie, une distance équivalente à deux fois le tour de la Terre. Cela a été une surprise ?

On a été assez surpris de découvrir que c'est un animal qui se déplaçait énormément. Nous, on s'attendait à ce qu'il se déplace simplement à une échelle locale. Au début de sa vie, il restait, pendant plusieurs mois voire années, dans des endroits où il aimait bien aller, des vallées de rivières ou de fleuves. Et puis à partir de ses 15 ans, il a fait de très longs voyages de 600 ou 700 km pour s'en aller dans des zones complètement différentes. Notre hypothèse pour ça, c'est que comme c’était un mâle, et c'est quelque chose qui arrive aussi avec les éléphants, il a été envoyé hors du troupeau. Et puis, comme il devenait mature sexuellement, il a commencé à se déplacer beaucoup plus loin pour aller de troupeau en troupeau. Une autre hypothèse possible serait également que, comme on est dans le Nord, dans l'Arctique, il fait extrêmement froid. Les conditions de ressources sont difficiles. Donc c’est peut-être tout simplement que l'individu s'échappe d'un endroit où il fait trop sec.

"On voit ça en ce moment avec les éléphants."

Clément Bataille

à franceinfo

Vos recherches peuvent-elles être mises en parallèle avec la situation climatique d'aujourd'hui, quand certains évoquent un risque majeur pour la planète et un risque d'extinction pour de nombreuses espèces ?

Oui. Plusieurs espèces de mégafaune, en particulier les mammouths, ont disparu il y a 12 000 ans, au moment de la période interglaciaire, où il y a eu un énorme changement climatique. Certaines espèces ont disparu mais d'autres pas. Par exemple, les loups et les caribous sont restés vivants, en revanche les mammouths et les bisons ont disparu, donc on s'est demandé si la mobilité avait vraiment une influence sur le fait que ces animaux ont été éteints. Parmi les hypothèses de l'extinction du mammouth, il y a le fait que peut-être, le climat a changé très rapidement et donc il y a eu beaucoup plus de forêts en Alaska, ce qui aurait limité ses mouvements. Dans ce cas, ça devient beaucoup plus difficile d'avoir cette diversité de ressources et même cette diversité au niveau de la reproduction. Et c’est vrai qu’on voit ça en ce moment avec les éléphants. Les sécheresses au niveau de la savane ont rendu les éléphants beaucoup plus mobiles, donc, bien sûr, il y a un lien très fort entre le climat et la survie des espèces. Il y a aussi une possibilité d'avoir une influence sur la migration des caribous, la migration d'espèces assez majestueuses, ou même d’autres qu’on connaît moins bien, et qui pourraient aussi disparaître.

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