Pourquoi la visite d'Emmanuel Macron à Vichy est "hautement symbolique et politique"
Le président de la République s'arrêtera, mercredi, notamment devant deux stèles mémorielles dans cette ville au lourd passé.
Officiellement, Emmanuel Macron poursuit, mercredi 8 décembre, à Vichy (Allier) une visite entamée la veille dans plusieurs villes du département et du Cher. Le président de la République doit faire le point "sur les différents projets en cours de déploiement dans la ville soutenus par l'Etat : redynamisation du centre-ville, développement du thermalisme, inscription au patrimoine de l'Unesco…" Il échangera ensuite avec une cinquantaine d'associations de la ville pour "saluer l'engagement fort" des bénévoles "alors que 2021 marque les 120 ans de la loi sur la liberté d'association", selon la présidence.
Une visite à Vichy, pour un chef d'Etat, n'est cependant jamais anodine. L'Elysée a d'ailleurs laissé passer plusieurs invitations de la ville avant de donner son accord à la venue d'Emmanuel Macron. "C'est lourd de sens", glisse à franceinfo Tal Bruttmann, historien spécialiste de la Shoah et du régime de Vichy. Valéry Giscard d'Estaing y était passé en coup de vent en 1978 pour parler aménagement du territoire. Seul le général de Gaulle avait prononcé un discours en 1959 sur le parvis de l'hôtel de ville qu'il avait conclu par un "vive Vichy", "pour montrer qu'il n'y a plus aucun ostracisme vis-à-vis de la ville", dixit le maire LR de la commune, Frédéric Aguilera, à France 3 Auvergne-Rhône-Alpes. Car la cité thermale abrite un lourd passé. C'est en effet à Vichy qu'en juillet 1940 Philippe Pétain décida d'installer le gouvernement français, alors que Paris avait été envahi par les Allemands. L'expression "régime de Vichy" est depuis utilisée pour se référer à cette période.
"Le régime de Vichy", une expression rejetée localement
Une expression jugée problématique par Frédéric Aguilera. "Je demande au sommet de l'Etat d'éviter l'utilisation de l'expression 'régime de Vichy', explique-t-il au Parisien. Une formule qui stigmatise toute une ville et qui laisse penser que les actes de Pétain relèvent de Vichy et non de la France." Il est rejoint dans son combat par la députée LREM de la circonscription, Bénédicte Peyrol.
"Les Vichyssois se sentent stigmatisés par l'expression 'régime de Vichy' qui n'est pas appropriée. Il faudrait parler de 'régime de Pétain'. On a ce fardeau de l'histoire qui pèse sur nous."
Bénédicte Peyrol, députée LREM de l'Allierà franceinfo
Un non-sens pour l'historien Tal Bruttmann : "C'est une vieille lune de la ville de Vichy mais on ne refait pas l'histoire, même si cela gêne d'un point de vue touristique ! Les documents sont marqués comme étant faits à Vichy, c'était le siège du gouvernement de Pétain." Le maire de la ville devrait pourtant bien évoquer cette délicate question avec Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat y répondra-t-il ? "S'il y a question..." nous répond l'entourage du président.
Une réponse à Eric Zemmour ?
La visite du chef de l'Etat sera forcément scrutée dans le contexte de cette campagne présidentielle marquée par les références au passé. Certains ne manqueront pas d'y voir une réponse à Eric Zemmour qui a fait polémique en déclarant que Philippe Pétain avait protégé les juifs français, alors même que son gouvernement a mené une politique antisémite qui a conduit aux camps de la mort des milliers de juifs français et étrangers.
"C'est un geste hautement symbolique et politique face à Eric Zemmour. Il en fait son adversaire principal sur le terrain."
Tal Bruttmann, historienà franceinfo
"Le geste ne s'inscrit pas dans une démarche mémorielle mais politique car on est dans la séquence présidentielle", insiste encore Tal Bruttmann. "Rien que cette visite à Vichy, c'est un positionnement par rapport à Zemmour, cela prendra forcément un écho très particulier et puissant dans ce contexte-là", appuie la députée Bénédicte Peyrol.
Emmanuel Macron devrait également joindre les gestes à la parole. Selon les informations de franceinfo, il ajoutera à son programme officiel dans la ville des moments mémoriels. Il marquera ainsi un arrêt devant la plaque honorant la mémoire des Juifs déportés, devant l'hôtel du Parc, et devant celle en l'honneur des 80 parlementaires opposés au maréchal Pétain, située à l'Opéra de Vichy. "En s'arrêtant devant cette stèle, le président viendra aussi reconnaître qu'il y a eu autre chose à Vichy que seulement le maréchal Pétain, qu'il y a eu aussi des résistants", conclut Bénédicte Peyrol.
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