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Qui se cache derrière les retraits in extremis d'objets nazis dans des ventes aux enchères ?

Des objets nazis proposés aux enchères retirés au dernier moment : le même déroulé s'est répété dernièrement, dans plusieurs villes de France. À la suite, à chaque fois, de l'appel d'un mystérieux interlocuteur.

Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue - Édité par Noémie Bonnin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Un objet nazi, saisi en Argentine en octobre 2019, récupéré par la suite par le musée de l'Holocauste. (CLAUDIO SANTISTEBAN / MAXPPP)

À Pamiers, Albi, Soisson, Blois, le Puy-en-Velay... C'est à chaque fois le même scénario : des objets nazis, mis à la vente aux enchères, sont retirés au tout dernier moment. Au Puy-en-Velay par exemple, la vente de ces articles nazis à des collectionneurs devait avoir lieu lundi 18 janvier. Il s’agit d'une cinquantaine d'objets, sur un total de 700 lots : des insignes nazis, quelques armes blanches, des casques SS. Ces objets appartiennent à la fille d’un chasseur-parachutiste, qui les avait collectés en souvenir.

Sauf que, lundi dernier, le commissaire-priseur, Philippe Cazal, reçoit un appel masqué, d’un homme qui se fait appeler "Axel" et se présente comme un avocat parisien. Le ton est accusatoire et menaçant, assure le professionnel : "J'ai eu un appel d'une personne faisant état qu'il serait bien que je retire ces lots, ce que j'ai fait suite à sa demande." Philippe Cazal précise les propos de l'appel : "Il m'a dit représenter notamment Serge Klarsfled. Et moi, j'ai toujours été admiratif de ce type et puis de sa chasse aux Nazis, donc ça a fait écho chez moi."

"Étant donné qu'on est dans un sujet sensible, j'ai préféré retirer les lots pour éviter tout problème et éviter de choquer les gens. Mais ce sont des objets historiques, d'ailleurs c'était noté, ils ne faisaient pas l'apologie du nazisme."

Philippe Cazal, commissaire-priseur

à franceinfo

Les objets en question sont donc finalement restitués à leur propriétaire, avant la vente. Le commissaire-priseur dit respecter la loi française, qui autorise la vente et la détention d’insignes ou d’emblèmes nazis, mais interdit de les porter ou les exhiber. Philippe Cazal précise que les croix gammées et autres signes nazis visibles sur les objets étaient masqués par une pastille sur le catalogue en ligne.

De nombreux appels mystérieux

D’autres commissaires-priseurs reçoivent ce type de coups de fil. À Blois, un expert est appelé, cette fois, par un certain "Jean-Michel". Ce dernier lui fait comprendre que c'est dans son intérêt d’annuler la vente des objets litigieux. Le commissaire-priseur retire donc 30 objets emblématiques du IIIe Reich, sur 500 lots, qui devaient être proposés aux enchères samedi prochain.

Selon les informations de franceinfo, à Pamiers, la semaine dernière, un dénommé Ghislain appelle la mairie pour indiquer qu’une vente similaire doit se tenir. Informé de cela, le commissaire-priseur retire les objets litigieux par peur de représailles. C'est également pour ça qu'à Albi, le commissaire-priseur, qui n'est pas contacté, retire également, par anticipation, tous les lots concernés.

Un dossier qui intéresse la police

Qui se cache derrière ces appels anonymes ? Une ou plusieurs personnes, une ou des associations, c'est encore un mystère. Un mystère qui intéresse en tout cas les autorités, puisque le commissaire-priseur du Puy-en-Velay dit avoir été interrogé par la police sur l’identité de cet homme.

"Il faut lutter contre cette prolifération."

Serge Klarsfeld

à franceinfo

En tous cas, le célèbre historien et avocat Serge Klarsfeld soutient la démarche de cet anonyme. Pour lui, il faut interdire ce type de vente purement et simplement : "Je suis tout à fait opposé à ces ventes aux enchères d'emblèmes nazis, de croix gammées, ou d'insignes SS, qui sont porteurs d'une idéologie criminelle, qui sont vendus à des gens fascinés par le nazisme." Plutôt que de les vendre, il invite les propriétaires de ces objets à les confier à un musée.

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