Restitution d'œuvres volées par les nazis : "Ce sont de longues années d'enquête" explique le chef de la mission de recherche
L'Assemblée nationale a voté mardi un projet de loi prévoyant la restitution de 15 œuvres d'art aux ayants droit de familles juives spoliées par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. La ministre de la Culture Roselyne Bachelot a salué un texte "historique", qui doit être adopté au Sénat le 15 février.
Sur environ 100 000 œuvres spoliées par les nazis en France, "60 000 à peu près ont été retrouvées", affirme mercredi 26 janvier sur franceinfo David Zivie, chef de la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 du ministère de la Culture. L'Assemblée nationale a voté mardi 25 janvier à l'unanimité un projet de loi validant la restitution de 15 œuvres d'art aux ayants droit de familles juives spoliées par les nazis, dont un tableau de Gustav Klimt et Marc Chagall.
franceinfo : Il a fallu de longues années pour restituer ces 15 œuvres, retrouver les ayant-droits et héritiers ?
David Zivie : Ces œuvres étaient conservées au musée d'Orsay, au musée du Louvre, au château de Compiègne et au Musée national d'art moderne et déposés au Musée d'art et d'histoire du judaïsme. Ce sont de longues années d'enquête. Ce sont des enquêtes menées par des chercheurs pour le compte des familles, il s'agit aussi de demandes faites par les familles. Les recherches sont parfois en effet assez longues, le dossier du Klimt a alimenté les recherches pendant de très longues années en Autriche, puis en France.
Ce tableau de Klimt : quelle est son histoire ?
Une histoire assez longue et évidemment tragique. Il appartenait à un collectionneur, Victor Zuckerkandl d'une grande famille juive à Vienne, très ouverte sur les arts, mécène et très proche des artistes et de Klimt. Ce tableau appartenait à ce collectionneur et à sa nièce Nora qui, en 1938, quelques mois après l'Anschluss, a été contrainte de le vendre à quelqu'un qu'elle connaissait, un Autrichien devenu un nazi militant, pour une très faible valeur. Elle-même a été déportée avec son mari et son fils. Le tableau a circulé sur le marché de l'art jusqu'aux années 1970, avant d'être acheté par l'Etat pour le futur musée d'Orsay en 1980. À ce moment-là, on a fait des recherches en Autriche et en France pour comprendre s'il s'agissait du tableau volé. Et il est restitué bientôt à ses ayants droit, essentiellement ses petits neveux et d'autres membres de la famille.
Vous pouvez agir seul avec votre commission ?
Nous travaillons au ministère de la Culture avec un service de l'Etat qui s'appelle la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations. Nous répondons aux demandes des familles qui continuent d'arriver. Et on voit qu'il y a un intérêt. Il y a des questionnements et des interrogations toujours aujourd'hui de la part des arrières petits-enfants. Il y a des demandes [de réparation individuelle]. Le fait d'en parler soulève parfois des souvenirs enfouis dans les familles, il faut parfois plusieurs générations. Il y a aussi un travail fait par le ministère de la Culture, les musées, l'administration, pour passer en revue un certain nombre d'œuvres et essayer de comprendre celles qui ont un parcours flou, comprendre qui était propriétaire et quand c'est le cas, quand il y a eu spoliation, aller vers les familles pour une restitution.
Sait-on combien d'œuvre ont été spoliées par les nazis ?
On a parlé des œuvres qui sont dans des musées, qui sont entrés de différentes façons dans les musées, et qui ne sont pas encore identifiées comme spoliées. Ça, on ne sait pas combien il peut y en avoir, parce que le travail a commencé il y a assez peu de temps. Et puis, il y a les œuvres qui sont en effet ailleurs, quelque part sur le marché de l'art, chez des gens. Et il y en a beaucoup qui ont été détruites. C'est difficile de dire combien, elles sont. On sait qu'en France, à peu près 100 000 œuvres ont été volées ou vendues sous la contrainte. 60 000 à peu près ont été retrouvées. Il y en a plusieurs dizaines de milliers potentiellement, juste pour la France, qui n'ont pas été retrouvées, qui passent de temps en temps sur le marché, et qui continueront à réapparaitre longtemps encore.
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