Cinq questions sur l'entrée payante à Notre-Dame de Paris proposée par Rachida Dati

La cathédrale doit rouvrir le 7 décembre, après cinq ans d'une reconstruction colossale à la suite de l'incendie qui l'a ravagée en 2019. La ministre de la Culture propose de rendre l'entrée payante.
Article rédigé par franceinfo
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De nombreux touristes et parisiens se rendent tous les jours à proximité du chantier de reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 8 mars 2024. (VINCENT VOEGTLIN / MAXPPP)

Un prix qui serait "symbolique". Dans un entretien donné jeudi 23 octobre au quotidien Le Figaro, la ministre de la Culture Rachida Dati propose de faire payer 5 euros l'entrée de Notre-Dame de Paris. La cathédrale parisienne doit rouvrir le 7 décembre, après cinq ans d'une reconstruction colossale à la suite de l'incendie qui l'a ravagée en 2019.

1 Qui serait concerné par cette entrée payante ?

Dans son interview au Figaro publiée jeudi, Rachida Dati indique que le "tarif symbolique" de 5 euros concernerait "toutes les visites touristiques". Le lendemain, la ministre a précisé sa position sur les événements religieux au sein de l'édifice. "Les messes, les offices doivent bien sûr demeurer libres d’accès et gratuites, mais chaque visiteur culturel devrait contribuer à préserver notre patrimoine", a-t-elle écrit sur X, répondant à un tweet de Valérie Pecresse. La présidente de la région Ile-de-France avait salué sa proposition, mais demandé de ne pas faire payer "les fidèles".

2 À quoi servirait l'argent récolté ?

Pour la ministre de la Culture, cette entrée payante rapporterait "75 millions d'euros par an". Cela correspond à 15 millions de visiteurs annuels, un niveau de fréquentation qui est envisagé par le Diocèse après la réouverture. Cet argent permettrait de financer "un grand plan de sauvegarde du patrimoine religieux", selon Rachida Dati : "Notre-Dame de Paris sauverait toutes les églises de Paris et de France. Ce serait un magnifique symbole."

L'État est propriétaire de près de 90 cathédrales catholiques. En France, 5 000 édifices religieux - sur environ 50 000 lieux de culte recensés - sont dans un état qui fait craindre pour leur pérennité et nécessite une intervention urgente, avait rappelé Emmanuel Macron lors du lancement d'une souscription nationale en septembre 2023. Cette souscription doit permettre de "mobiliser 200 millions d'euros sur quatre ans" afin d'aider les petites communes, de moins de 10 000 habitants (et de moins de 20 000 habitants en outre-mer), à préserver leurs édifices religieux. En un an, près de 12 millions d'euros ont été récoltés. 

3 Cette entrée payante est-elle réalisable ?

Cette proposition risque de se heurter à la législation en vigueur en France. La loi de 1905, concernant la séparation des Églises et de l'État, dispose que l'accès aux églises et cathédrales, classées aux monuments historiques comme Notre-Dame de Paris, doit rester "gratuit". À l'article 17 de la loi, il y est écrit que "la visite des édifices et l'exposition des objets mobiliers classés seront publiques : elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance."

La ministre a en tout cas l'appui du ministre de l'Intérieur, qui est chargé des cultes. "C'est une proposition que je soutiens", a déclaré Bruno Retailleau jeudi matin sur France Inter. Le ministre juge la mesure utile "si ça doit, pour 5 euros, sauver un patrimoine religieux auquel on peut être attaché, que l'on croit au ciel ou qu'on n'y croit pas" car "tout simplement, c'est le paysage français".

"Ça n'a pas de réalité", a déploré sur franceinfo Alexandre Gady, historien du patrimoine. "Vous imaginez ce que ça signifie de mettre un ticket d'entrée ? Ça veut dire qu'il faut mettre des caisses et du personnel qui valide les tickets. Tout ça, ça ne vient pas comme ça. Vraiment, c'est une idée qui est loin du patrimoine", a-t-il poursuivi. "Vous avez des solutions qui sont depuis des années, voire des décennies, recommandées par les spécialistes", notamment celle d'"augmenter la taxe de séjour de quelques dizaines de centimes", a-t-il souligné.

4 Quelle est la position de l'Église sur cette question ?

Il n'y a pas eu encore de réaction officielle de la part de l'Église, mais ce n'est pas la première fois que cette question de faire payer l'entrée des lieux de cultes catholiques apparaît. En 2017, Stéphane Bern, animateur de télévision chargé d'une mission pour la sauvegarde du patrimoine par Emmanuel Macron, avait également défendu l'idée de faire payer une entrée, même symbolique, afin d'en financer la restauration.

La Conférence des évêques de France s'y était opposée, estimant que l'accès à ces lieux de prière "doit être libre". "On pourrait imaginer, certes, de changer la loi [de 1905]. Mais, compte tenu du caractère délicat d'un texte qui régit les rapports entre le culte et l'État, cela semble peu probable", estime Didier Rykner, patron de La Tribune de l'Art dans un article posté sur le site jeudi.

5 Comment cela se passe-t-il chez nos voisins ?

Pour justifier cette entrée payante de 5 euros, Rachida Dati affirme dans Le Figaro que "partout en Europe, l'accès aux édifices religieux les plus remarquables est payant". Cette pratique est en effet très courante en Allemagne ou en Italie, notamment à la basilique Saint-Marc de Venise réputée pour ses chefs-d'œuvre en mosaïques sur fond doré. Au Royaume-Uni, touristes doivent payer pour entrer dans les cathédrales et grandes églises anglicanes, rappelait La Croix. Par exemple, la visite touristique de la cathédrale Saint-Paul à Londres avec accès au dôme est payante et coût aux alentours de 30 livres (36 euros).

En Espagne, la non-gratuité des cathédrales est devenue la règle dans presque tout le pays. Le système est cependant toujours très contesté. Les autorités ecclésiastiques rappellent que cet argent permet de financer l’entretien et la rénovation de ces bâtiments. Car contrairement à la France, l’Église espagnole est propriétaire de tous les monuments historiques religieux et s’occupe donc de l’entretien. Mais il reste difficile de savoir si ce système est lucratif, puisque l’Église ne publie pas les chiffres officiels.

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