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Notre-Dame de Paris "métamorphosée" : "Les délais semblent pouvoir être tenus", assure un historien alors qu'Emmanuel Macron va visiter le chantier

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Article rédigé par franceinfo
Radio France
"Notre-Dame va enfin nous être présentée avec un rapport lumière-couleur qui est celui qui était voulu par ses bâtisseurs, en tout cas celui qui avait été retrouvé par Viollet-le-Duc au XIXᵉ siècle", se réjouit l'historien Mathieu Lours.

"Les délais semblent pouvoir être tenus", a déclaré lundi 9 janvier sur franceinfo Mathieu Lours, historien spécialiste des cathédrales et de Notre-Dame de Paris, alors que le président Emmanuel Macron visitera dans la soirée le chantier de reconstruction de l'édifice, endommagé par un terrible incendie le 15 avril 2019. Il décrit une "cathédrale métamorphosée", où "la pierre est prise en sandwich entre le bois et le métal". Selon l'historien, l'odeur de brûlé a laissé la place aux "odeurs de chantier, celles de l'espoir et de la renaissance du monument". L'un des plus gros défis sera la reconstruction de la flèche et des voûtes. "Le trou dans la voûte est toujours là, mais il y a un grand cintre en bois qui va être utilisé pour reconstruire la voûte et la flèche", détaille-t-il.

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franceinfo : Quand on pousse les portes de la cathédrale, que voit-on aujourd'hui ?

Mathieu Lours : On voit d'abord une cathédrale métamorphosée par tout le dispositif qui a été mis en place pour la consolider. Il y a toujours une forêt d'échafaudages à l'intérieur de la nef, des cintres en bois, des charpentes en bois qui soutiennent les arcs-boutants. On a l'impression que la pierre est prise en sandwich entre le bois et le métal, et c'est vraiment saisissant.

Si on grimpe au-dessus du monument, que voit-on ?

Plus on grimpe, plus on voit toutes les strates du monument, et on arrive à la plateforme qui touche quasiment le niveau des voûtes, et c'est très émouvant parce qu'il n'y avait pas eu d'échafaudage à Notre-Dame de Paris depuis 1864. On peut voir les voûtes, on les touche, on voit les traces de polychromie, toutes les couleurs vives qui ornent les clés de voûte. C'est assez fantastique d'avoir cette vision sur le monument.

Les statues sont-elles toujours là ?

Les statues qui étaient abîmées ont été déposées, elles sont ‘soignées’ au nord de la cathédrale. Celles qui sont en revanche intactes ont été laissées en place. Le statuaire des portails, par exemple, est toujours là.

Est-ce que l'odeur du brûlé est toujours présente ?

On est assez loin de l'aspect très saisissant que pouvait avoir Notre-Dame au lendemain de l'incendie.

"Aujourd'hui, c'est plutôt des odeurs de chantier, des odeurs qui sont celles de l'espoir et de la renaissance d'un monument."

Mathieu Lours, historien spécialiste des cathédrales

à franceinfo

Qu'est-ce qui est le plus difficile à faire dans cette reconstruction ?

C'est d'arriver à faire travailler en même temps les métiers de la pierre et du bois, ce qu'on savait très bien faire à l'époque des chantiers de cathédrales. On n'a pas perdu la main, parce qu'après la Première Guerre mondiale, on a reconstruit des églises qui étaient dans un état bien pire, mais réussir à coordonner tous les artisans est un défi. Généralement, on a plutôt une tranche de travaux sur lesquels on a de la charpente, une tranche de travaux sur lesquels on a du bois, là, on a tout en même temps.

Vous dites que Notre-Dame retrouve ses couleurs aujourd'hui, cela veut dire quoi ?

Ça veut dire que Notre-Dame va enfin nous être présentée avec un rapport lumière-couleur qui est celui qui était voulu par ses bâtisseurs, en tout cas celui qui avait été retrouvé par Viollet-le-Duc au XIXᵉ siècle. Il y avait une quête de la lumière à Notre-Dame. On a essayé de la transformer dès sa construction, en élargissant les fenêtres, on a reconstruit les rosaces 25 ans après son achèvement, on voulait de la lumière pour jouer sur des murs qui avaient un ton ocre très clair. Notre-Dame, telle qu'on la connaissait à la veille de l'incendie, était encrassée. C'était une cathédrale qui avait besoin d'être nettoyée, et on va la retrouver comme ça.

Peinture sur un pilier de la nef de Notre-Dame-de-Paris, où la pierre, nettoyée, retrouve sa blondeur d'antan; le 12 décembre 2022. (REMI BRANCATO / RADIOFRANCE)

Est-ce que le passionné que vous êtes a appris des choses pendant cette rénovation ?

Énormément, et notamment une certaine humilité vis-à-vis du monument : c'est le monument qui commande. Il n'y a pas deux cathédrales semblables, dans l'épaisseur des voûtes, le choix fait pour les supports, pour les contreforts. C'est vraiment un édifice qui rentre dans le type cathédral, mais qui a ses spécificités.

Il va falloir aussi reconstruire la flèche de 96 mètres de haut, édifiée par Viollet-le-Duc. Le choix d'une reconstruction à l'identique a été fait. Où en sommes-nous ?

Le trou dans la voûte est toujours là, mais il y a un grand cintre en bois qui va être utilisé pour reconstruire la voûte et la flèche. Au Moyen-âge, on construisait généralement d'abord la charpente, puis les voûtes. Mais les techniques actuelles permettent de travailler à la fois à la charpente et à la voûte. Donc les deux vont repousser à peu près en même temps, pendant l'année 2023 et le début 2024. Les délais semblent pouvoir être tenus, notamment l'idée d'une cérémonie le 8 décembre 2024, le jour de la fête de la Vierge.

Tout sera terminé à ce moment-là ?

À ce moment-là, vu les budgets et vu la somme qui a été mobilisée grâce à la générosité des donateurs, on peut supposer que le gros du travail sera terminé. Après, je dirais que le temps de la remise en service, le temps de la finition sera peut-être un temps un peu différent. Mais en tout cas, le délai global est en passe d'être tenu et encore une fois, les monuments ont leur surprise.

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