Notre-Dame de Paris : un nouvel écrin pour la couronne d'épines du Christ

Un nouveau reliquaire commandé par l'archevêque de Paris a été installé dans la cathédrale. Conçu par le designer Sylvain Dubuisson, il avait d'abord été présenté dans les Ateliers Saint-Jacques, à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, où il était en cours de finition.
Article rédigé par Valérie Gaget
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
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La châsse-reliquaire de la couronne d'épines installée à Notre-Dame de Paris. (EDOUARD ELIAS)

La cathédrale Notre-Dame de Paris accueille un nouveau reliquaire destiné à conserver la précieuse couronne du Christ, trésor de la chrétienté. Ce meuble contemporain était encore en pièces détachées lorsqu'il a été présenté à la presse, le 6 novembre 2024, dans les Ateliers Saint-Jacques et la Fondation de Coubertin installés à Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines), avant d'être livré à la cathédrale le 19 novembre.

Pour bien comprendre de quoi il s'agit, il faut remonter à la nuit du 15 au 16 avril 2019 pendant l'incendie de Notre-Dame. Dans la cathédrale, des pompiers luttent contre le feu au péril de leur vie et tentent aussi de sauver les objets les plus précieux. L'un d'eux a une valeur inestimable : la couronne d'épines qui, selon la tradition chrétienne, fut posée sur la tête de Jésus pendant la Passion, juste avant sa crucifixion. Épargnée par les flammes, c'est à la Mairie de Paris, dans le coffre d'Anne Hidalgo, qu'elle aurait trouvé refuge cette nuit-là.

La Sainte Couronne d'épines portée par Jésus lors de sa passion à la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 21 mars 2014. (P DELISS / GODONG)

Le père Guillaume Normand, vice-recteur de la cathédrale, rappelle qu'"il a fallu casser le reliquaire qui était l'habillage d'un coffre sécurisé. Il a ensuite fallu trouver le code pour ouvrir ce coffre et récupérer la couronne", une scène que reconstitue Jean-Jacques Annaud dans le film Notre-Dame brûle en 2022. Le vice-recteur explique que cette couronne posée sur la tête du Christ est "un signe d'humiliation" et que "son existence nous est attestée par les Évangiles, c'est-à-dire par les récits qui nous parlent de la vie de Jésus".

Historiquement, la couronne a d'abord été conservée à Constantinople [Istanbul aujourd'hui] avant d'être achetée à prix d'or par le roi Saint Louis en 1239. "Elle est en France depuis le XIIIe siècle, indique-t-il, et personne d'autre n'en revendique la possession. C'est un objet très singulier, unique." Selon le clerc, "ce sont les éléments physiques, tangibles et matériels qui nous rappellent que, ce que Jésus a vécu, ce n'est pas simplement une histoire dans un livre que l'on feuillette (...) ce sont des événements historiques qui se sont vraiment passés".

Qu'est-ce qu'une châsse reliquaire ?

D'abord conservée à la Sainte-Chapelle, joyau architectural bâti pour l'accueillir sur l'Ile de la Cité, la couronne est gardée dans la cathédrale Notre-Dame depuis le XIXe siècle. Dans la métallerie des Ateliers Saint-Jacques, le père Normand présente ce qui sera son nouvel écrin : une châsse reliquaire. "Un nom un peu compliqué, reconnaît-il, qui vient d'un mot latin signifiant coffre. Le mot relique vient d'un mot qui parle des restes. C'est donc un coffre qui conserve ce qu'il reste de la Passion de Jésus."

Il ajoute que le reliquaire abritera la couronne "mais également un clou qui a servi pour la crucifixion de Jésus et un morceau du bois de la croix". Ces deux derniers vestiges ne seront pas visibles, à la différence de la couronne qui "trônera" en majesté au cœur de la châsse. Chacune de ces trois reliques est protégée par un reliquaire en verre duquel elle ne sera jamais extraite pour des raisons de conservation. Depuis 1923, les chevaliers du Saint-Sépulcre ont la garde des reliques de la Passion lorsqu'elles sont présentées aux fidèles dans la cathédrale. Les plus fervents veulent les toucher, les embrasser. Pour éviter les gestes déplacés, quatre chevaliers les entourent en permanence.

Pascal Remy, directeur de la métallerie des Ateliers Saint-Jacques, montre à l'aide d'une réplique à quel endroit sera placée la couronne d'épines du Christ dans la châsse reliquaire, le 6 novembre 2024, à Saint-Rémy-lès-Chevreuse. (VALERIE GAGET / FRANCEINFO CULTURE)

Le meuble contemporain conçu par Sylvain Dubuisson avec Tiphaine Maire mesure 3,65 mètres de haut sur 2,85 mètres de large. Il est composé de plus d'un millier de pièces. Dans un bloc de marbre de Carrare, les tailleurs de pierre des Ateliers Saint-Jacques ont ciselé un autel marqué d'une croix et couvert de petites bougies à LED. Au-dessus, sur une structure en bois de cèdre, une grande auréole couverte de 396 pavés de verre sera fixée.

Le maître verrier Olivier Juteau et sa compagne Catherine Denoyelle finissent d'attacher ces cabochons sur un grand disque avec de micro-vis qui seront masquées par une résille en laiton. "C'est un travail entièrement manuel réalisé avec une vieille presse à verre du XIXe siècle avec un moule assez simple et un poinçon en forme de croix qui pénètre dans le verre et qui laisse son empreinte en se retirant." Il assure que "le fait qu'ils soient tous légèrement différents génère une vibration qui ne se serait pas produite avec des pavés d'origine industrielle."

Le designer Sylvain Dubuisson avec Catherine Denoyelle qui finit de fixer les pavés de verre réalisés avec Olivier Juteau pour la châsse reliquaire de Notre-Dame de Paris, le 6 novembre 2024. (VALERIE GAGET / FRANCEINFO CULTURE)

Au centre de l'auréole, une demi-sphère en acier inoxydable, ornée d'un bleu profond assorti à la voûte et aux vitraux de Notre-Dame, abritera la couronne d'épine. Cette niche, éclairée avec de la fibre optique pour éviter tout risque d'incendie, accueillera la couronne à l'occasion de certaines célébrations.

Le designer a aussi imaginé des panneaux de bois ajourés, incrustés de 360 épines dorées à l'or fin, pour sertir cette niche et sa grande auréole, en référence au martyre de Jésus. Les jours où la couronne ne sera pas visible, les fidèles pourront toucher au dos du reliquaire un disque de bronze, coulé par la Fonderie de Coubertin qui représente à sa juste taille la petite couronne, mais de façon stylisée.

Une épine pour se souvenir

Sylvain Dubuisson a chaleureusement remercié ceux qu'il appelle "ses compagnons" des Ateliers Saint-Jacques. En seulement sept mois, ils ont conçu puis fabriqué cette œuvre d'art complexe en mariant les savoir-faire des anciens et les technologies modernes du dessin et de la conception assistés par ordinateur.

Le 4 novembre, chacun des 160 collaborateurs des Ateliers et de la Fonderie de Coubertin a été invité à poser une épine sur l'ouvrage, geste symbolique marquant leur participation à la renaissance de Notre-Dame.

Les dessins de Fabien Dubuisson et de Tiphaine Maire représentant la nouvelle châsse reliquaire conçue pour la cathédrale Notre-Dame de Paris, présentés le 6 novembre 2024 dans la métallerie des Ateliers Saint-Jacques, à Saint-Rémy-lès-Chevreuse. (VALERIE GAGET / FRANCEINFO CULTURE)

La châsse reliquaire ne sera pas visible depuis l'entrée de la cathédrale. Pour l'admirer, les visiteurs devront se rendre dans la chapelle située la plus à l'est. Un recoin un peu secret pour cet objet de culte légendaire qui a traversé les siècles et attire des fidèles venus du monde entier.

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