"Notre-Dame est le témoin de nos premiers baisers" : vous nous avez raconté votre relation particulière avec la cathédrale
Histoires d'amour, d'enfance ou de convalescence... Notre-Dame évoque un grand nombre de souvenirs chez plusieurs de nos internautes. Ils nous racontent comment Notre-Dame a marqué leur vie.
De New York à Tokyo en passant par Rome ou Rio de Janeiro, l'incendie de Notre-Dame de Paris a provoqué une vive émotion. Une émotion évidemment partagée en France et par les auditeurs, lecteurs et téléspectateurs de franceinfo. Pour comprendre et illustrer cet émoi, franceinfo a demandé à ses internautes de raconter la relation particulière qui les liait à la cathédrale ravagée par les flammes lundi 15 avril. Voici notre sélection de vos souvenirs.
Une histoire d'amour manquée
Il y a quarante ans, Pascal Fontaine venait d’avoir 17 ans et deux événements majeurs se sont déroulés dans sa vie. Il a perdu sa mère et est tombé amoureux pour la première fois d’une fille de sa classe. Pendant un court séjour à Paris, les deux lycéens sont allés visiter la cathédrale. "Emporté par l’émotion et la grandeur du lieu, j’ai osé pour la première fois prendre sa main. Un grand moment gravé pour toujours", se souvient-il. Depuis, ils ont construit leur vie chacun de leur côté, tout en gardant contact.
Lundi 15 avri, Pascal a appris la nouvelle de l’incendie qui a détruit la flèche et la totalité de la toiture dans un bus bondé, en République dominicaine. Et son premier réflexe a été de prévenir son amour d’enfance par un message. "Je suis en pleurs", lui a-t-elle répondu. "Je n’ai pas osé lui demander si c’était uniquement pour la perte du patrimoine", confie-t-il.
L'inoubliable visite des combles
Pendant cinq ans, Hugo de Suau venait servir les messes toutes les semaines à Notre-Dame. Il a assisté à tous les temps forts de la religion catholique : messe chrismale, ordinations sacerdotales. Il était aussi présent lorsque les cloches ont sonné le glas pour l’hommage aux victimes des attentats de 2015.
Il se souvient surtout des visites dans les parties supérieures de la cathédrale, les combles, la flèche, les tours. "Il a fallu une journée entière pour tout visiter", confie le privilégié, qui a pu faire cette visite plusieurs fois avec le maître des cérémonies qui l’encadrait, Jean-Pierre Cartier. "Lorsque nous marchions sur la passerelle aménagée au Moyen-Age, Jean-Pierre nous disait 'Un clerc par planche !'" Aujourd’hui, il se dit "marqué de voir tout ça partir en fumée".
Des révisions pour le bac sur le toit des tours
Certains épluchent les annales du baccalauréat dans leur chambre. Alain Dubois-Guichard, lui, a fait une partie de ses révisions sur le toit d’une des tours de Notre-Dame de Paris. Dans les années 1970, cet adolescent, qui vit à Cachan (Val-de-Marne), est scolarisé au prestigieux lycée Henri-IV, à Paris. En 1973, il est en terminale. Son Bac D, il le prépare notamment sur un toit en zinc d’une tour car "ils sont très plats, il y a du calme et du soleil", raconte-t-il à franceinfo. "C’était très facile de monter dans les tours, assure l’homme aujourd’hui âgé de 65 ans. Je n’avais pas beaucoup d’argent mais pour monter, ce n’était vraiment pas cher."
Mais sa relation à Notre-Dame n’était pas que studieuse. Elle était également musicale. "Quand j’étais au lycée, comme j’étais plutôt bricoleur, j’allais au BHV, j’allais acheter des trucs pour faire des maquettes, des choses comme ça, expose cet ingénieur en électronique à la retraite. Sur le chemin, je passais devant Notre-Dame et j’entendais de l’orgue. Comme je suis un peu musicien, je rentrais, je m’asseyais et je restais un quart d’heure ou une demi-heure", décrit celui qui n’a pas spécialement d’affinités pour la musique liturgique.
L’incendie lui a "noué l’estomac" : "Je savais que j’étais attaché à ce monument, mais pas à ce point-là. Tant qu’on n'y touchait pas, je ne me rendais pas compte. C’est une curieuse sensation, c’est comme si un bout de mon passé était mis aux ordures."
Un espoir pour son mari malade
Notre-Dame est un peu devenue leur deuxième maison d’espoir. "Dans des situations où la vie est en jeu, on se rattrape à ce qu’on peut", confie Manuela Marques. Elle passait tous les jours devant la cathédrale pour rejoindre l’Hôtel-Dieu, l'hôpital où se trouvait son mari, entre la vie et la mort après une mauvaise bronchite. "Les médecins lui donnaient quinze jours", se rappelle Manuela. C’était en 2008, elle a passé quinze jours pendant lesquels elle déposait à chaque fois un cierge dans la cathédrale qui se trouve juste en face de l'établissement. "C’était notre lieu de recueil, de prières, d’apaisement", explique-t-elle.
Le jour de l’opération, elle et ses filles ont déposé un cierge en se disant : "Allez, s’il s’en sort, dès qu’il mettra les pieds dehors, il viendra déposer le sien." Son mari a survécu et à sa sortie de l’hôpital, il est allé déposer le cierge dans la cathédrale, comme prévu.
Le premier rendez-vous avec son futur mari
Sophie Lesthelle a rencontré l’homme qui allait devenir son mari le 21 juin 1988 lors du concert de Pink Floyd sur l'esplanade du château de Versailles. Il faisait son service militaire en région parisienne, elle était étudiante à Caen (Calvados). Ils échangent leurs adresses, correspondent quelques semaines et parviennent à se rencontrer le 7 août. "Le lieu de rendez-vous, pour des provinciaux que nous étions, était si évident... En plein centre de Paris, le parvis de Notre-Dame était facile à localiser et tellement grandiose pour un premier rendez-vous", explique-t-elle.
"Depuis ce jour, nous ne nous sommes plus quittés, même si les circonstances ont fait que nous étions souvent loin l'un de l'autre, souligne-t-elle. Au cours des trente années qui ont suivi, à chaque fois que nous allions à Paris, une sorte de rituel de pèlerinage s'organisait, parfois même sans trop le vouloir, et nos pas nous menaient au gré de nos balades vers ce magnifique joyau," poursuit Sophie Lesthelle.
Notre-Dame fait partie de notre belle histoire d'amour, car elle fut le témoin de nos retrouvailles, de nos premiers baisers, de nos premiers enlacements.
Sophie Lesthelleà franceinfo
Lundi, Sophie Lesthelle a pleuré en voyant les flammes ravager la cathédrale. Elle était alors avec son mari. "Nous nous tenions si fort nos mains, comme si notre belle histoire allait elle aussi s'arrêter si les tours se mettaient à vaciller", dit-elle. La soirée a été longue pour le couple. "Lorsqu'il est apparu que les pompiers avaient sauvé Notre-Dame, alors seulement nous avons pu aller nous coucher, rassurés que nous étions sur le sort de notre vieille amie, malade, meurtrie, mais toujours debout…"
L'artisan du coffre-fort de la couronne d’épines
Roger-Joseph Bonhomme, 69 ans, a été un voisin de Notre-Dame. "J’ai été accueilli chez les parents de ma fiancée. Nous avons habité chez eux de 1965 à 1969. Ils habitaient 14 rue du Cloître-Notre-Dame, raconte-t-il à franceinfo. Il s’agit de l’une des rues qui longent la cathédrale. De nos fenêtres, on voyait les tours, on voyait tout", insiste-t-il. Fin mars 1969, ils se marient dans la cathédrale, qui était la paroisse de sa fiancée. "Nous avons été pris en photo des milliers de fois par des touristes le jour de notre mariage, des Anglais, des Américains… commente-t-il. Et encore, ce n’était pas le tourisme de masse de maintenant."
L’homme, aujourd’hui à la retraite, a été serrurier-ferronnier et il a brièvement travaillé pour Notre-Dame. Sa mission : construire un coffre pour la précieuse couronne d’épines de Jésus (ou Sainte-Couronne). "J’ai fabriqué toute cette structure en acier dans laquelle on avait réservé une partie coffre-fort, en partie basse, détaille-t-il. Puis un souffleur de verre a fait un habillage autour de cette structure avec du verre coloré, c’était magnifique." L’ensemble permettait aux personnes qui s’occupaient de la couronne d’épines de la sortir le matin, "la poser en exposition au-dessus du coffre-fort – qui était invisible – et de la ranger en sécurité le soir".
L’attachement de Roger-Joseph à Notre-Dame est donc multiple. Pas étonnant que son "souhait le plus cher" soit que "cette beauté retrouve son éclat le plus rapidement possible".
Les quatre saisons de Notre-Dame
Chaque matin, Sarah Tordjman empruntait le pont de l’Archevêché pour rejoindre le lycée Henri-IV, de l’autre côté du 4e arrondissement de Paris, où elle habite. C’est un des ponts qui donnent sur l’arrière de la cathédrale, où l’on apercevait bien la flèche qui s’est effondrée lors de l’incendie survenu lundi 15 avril.
"Je ne suis pas catholique, mais c’est une très belle œuvre, à chaque fois j’avais le rituel de la prendre en photo", explique-t-elle. Sous la neige, au lever du soleil, dans le brouillard, sous un grand soleil... Autant de photos que Sarah a capturé et gardé précieusement, dont voici une compilation.
Un étrange jeu de balles à la cathédrale
Un grand terrain de jeu. Pour Thierry Lamouroux, Notre-Dame était l’endroit où il venait s’amuser avec ses copains lorsqu’il était adolescent. Cet enfant du quartier, né à l’Hôtel-Dieu, y a passé des après-midi entiers à s'essouffler dans les escaliers qui mènent aux tours.
Dans les années 1970, il s’amusait avec une bande de copains à faire rebondir des balles "ultra-rebondissantes" du haut de la tour nord de Notre-Dame. Par une petite porte de la rue du Cloître-Notre-Dame, ils montaient à six et lançaient deux ou trois balles pendant qu’une autre équipe les réceptionnaient au sol. "Nos balles rebondissaient jusqu’au 1er étage, se souvient Thierry. Les copains du bas les récupéraient puis prenaient le chemin de la montée pendant qu’on descendait. Les deux équipes se croisaient dans les escaliers, où les croisements étaient compliqués."
Au moment où l’incendie s’est déclaré, Thierry se trouvait dans un bus qui longeait l’Institut du monde arabe "à portée de vue de la cathédrale". En repensant à ses copains et à leurs jeux, il "frémit encore de [son] inconscience. On ignorait ce qu’il aurait pu se passer si les balles étaient tombées sur des voitures... Ou pire, des passants !"
Sur le chemin de la Sorbonne
"J’habite à Paris, je suis de Paris, j’ai toujours vécu ici. Notre-Dame, c’est incontournable, tranche Elisa Humann. J'y suis allée très jeune avec ma grand-mère, vers 5-6 ans, et j'y suis retournée avec l'école et le collège au moins deux fois", raconte-t-elle à franceinfo. Elisa Humann est devenue étudiante et la cathédrale a continué à faire partie de ses trajets. "J'y allais souvent lorsque j'étais à la Sorbonne. Lorsque je sortais de la fac, je descendais la rue Saint-Jacques et la rue du Petit-Pont pour prendre le métro vers la station Cité, relate celle qui est aujourd’hui étudiante en journalisme. Il m’arrivait de rentrer dans la cathédrale. J'adorais marcher à l'intérieur pour admirer les vitraux et aussi y déposer un cierge. Je déposais un cierge pour des proches disparus il y a quelques années, ou pour un événement joyeux comme une naissance, ou pour un examen à venir."
La nouvelle de l’incendie l’a sidérée. "J'ai été choquée de voir ces flammes et cette fumée. Avec tout ce qui s’est passé à Paris ces dernières années, je me suis dit : 'Mais c’est épouvantable, que s’est-il passé ?' J'ai pensé tout de suite à un acte volontaire, mais ce n'est pas le cas, semble-t-il. La chute de la flèche m'a vraiment émue, cela m’a fait mal au cœur", ajoute l’étudiante, qui n’avait jamais imaginé un tel scénario pour Notre-Dame.
Ils ont été "punis" par Dieu dans la cathédrale
Ils s’en amusent encore aujourd’hui. Il y a vingt ans, Philippe Stalins, qui travaille dans le secteur ferroviaire, recevait des clients américains à Paris. Comme à chaque fois, il propose une visite dans la capitale avant de les accompagner à l’aéroport. Cette fois-ci, à la demande des clients, c’est à la cathédrale Notre-Dame qu’il les conduit.
Alors qu’il attendait devant le parvis, Philippe les a vu sortir en courant : "On nous a volé nos portefeuilles et nos passeports !" crient-ils en s’engouffrant dans la voiture. Les clients américains devaient repartir quelques heures plus tard pour les Etats-Unis. "Mais ils semblaient contrariés pour autre chose", explique Philippe. "On a été punis, Philippe, après le dîner, hier soir, on est allés au Crazy Horse Saloon", confessent-ils. "Ils ne voulaient pas que leurs femmes l’apprennent", se souvient Philippe. Grâce à un ami à l’ambassade des Etats-Unis, ils ont pu rentrer dans leur pays sans leurs papiers d'identité, en laissant leur petit secret en France. "Ils n’en ont jamais voulu à Paris, ni aux pickpockets", assure Philippe.
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