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La folle histoire de la statue géante de Lénine, enterrée dans une forêt puis exposée à Berlin
Enterrée depuis la Réunification, la tête d'une gigantesque statue de Lénine qui ornait jadis une place de Berlin-Est va de nouveau être exposée au public. Le retour de ce crâne d'1m70 de haut et de 3,5 tonnes se heurte à des problèmes politiques et... écologiques : enterré depuis plusieurs mois dans une forêt, il hébergeait, en guise de cervelle, des lézards d'une espèce protégée.
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La scène a marqué les spectateurs du film "Good Bye Lénine " (2003), l'un des plus grands succès du cinéma allemand récent : un gigantesque buste du leader de la Révolution d'octobre qui vole, suspendu à un hélicoptère, au-dessus des immeubles de la Karl-Marx-Allee, ancienne avenue témoin de Berlin-Est.
Les monuments politiques s'exposent
A la fin de l'été, Lénine - en tout cas sa tête - retraversera la capitale allemande... en semi-remorque. Et cette fois, ce ne sera pas pour les besoins d'une fiction. Ce crâne géant d'1,70 m de haut et 3,5 tonnes va intégrer une exposition permanente consacrée aux monuments politiques de Berlin mis au rebut au gré des changements de régimes et qui, à leur manière, racontent la tumultueuse histoire allemande."Lénine était dès le début prévu comme faisant partie de l'exposition que nous voulions monter car il s'agit d'une statue particulière, rien que par sa taille", a expliqué à l'AFP Andrea Theissen, conservatrice de la citadelle de Spandau, dans la partie ouest de Berlin, où aura lieu l'exposition qui doit s'ouvrir en septembre.
En pièces détachées dans une forêt
L'ensemble du monument de granit rose ukrainien réalisé par Nikolai Tomski, président de l'Académie soviétique des Arts, et qui figurait un Lénine en pied sur fond de drapeau rouge, mesurait 19 mètres de haut. La statue a ensuite pris la dimension d'un "symbole" car son destin, après la chute du Mur, a été "au coeur de protestations citoyennes et de débats au Parlement de Berlin", explique Mme Theissen.Inauguré devant plusieurs dizaines de milliers de personnes, le 19 avril 1970, trois jours avant le 100e anniversaire de la naissance de Lénine , le monument est resté 31 ans sur une place portant le nom du révolutionnaire. Jusqu'à ce que le vote d'une assemblée de quartier, validé par le premier maire de Berlin réunifié, le conservateur Eberhard Diepgen, n'ordonne son démontage à l'automne 1991. Mais aucune destruction n'est alors décidée et le monument en quelque 120 pièces détachées trouve mystérieusement refuge dans une zone forestière protégée à l'extrême sud-est de la ville.
Une tête déterrée de justesse
Aujourd'hui, plus personne ne sait qui a pris la décision de l'abandonner là. "A l'époque, on ne s'est pas franchement beaucoup occupé de cela, on avait tout simplement d'autres problèmes à gérer", affirme Petra Rohland, chargée de la communication de Berlin sur ce dossier.Tout comme les autres morceaux, la tête est enterrée. Et en dépit d'un accord de principe initial avec les organisateurs de l'exposition, elle a failli le rester : en août 2014, le Sénat de Berlin a en effet affirmé ne plus savoir avec précision où se trouvait la tête, estimant en outre que la déterrer coûterait trop cher.
Un documentaire sur la statue retrouvée
"C'est là que j'ai contacté le Berliner Zeitung (un des principaux journaux berlinois) et que je leur ai dit : "je sais où elle est", rigole Rick Minnich, documentariste américain installé à Berlin qui, avec un ami allemand, avait déterré la tête à coups de pelle, au début des années 90, et filmé la scène, encore visible aujourd'hui sur Youtube. "L'été dernier, quelqu'un a pris la décision que la tête ne serait pas déterrée et c'est l'énorme réaction de la presse à ce moment-là qui a fait peser une très lourde pression sur le gouvernement local pour le pousser à respecter la promesse qu'il avait faite", affirme-t-il à l'AFP.Du côté de la ville de Berlin, on reconnaît à demi-mot des atermoiements. "A la question: ce sujet est-il également sensible politiquement, je crois qu'on doit répondre oui", affirme ainsi Mme Rohland. "Nous sommes 25 ans après la chute du Mur et nous avons naturellement réfléchi: est-ce un signe judicieux de promener Lénine à travers la ville et de l'exposer dans un musée ?"
Communisme versus écologie
Le sérieux de l'approche choisie par les organisateurs de l'exposition a finalement convaincu la ville. Mais le retour de Lénine s'est heurté à un autre obstacle, inattendu. En janvier, une élue locale verte a averti que le petit vallon forestier où reposent les restes de la statue était devenu au fil du temps le territoire du lézard des souches, une espèce menacée... ce qui a aussitôt suscité la mobilisation des organisations de protection de la nature, très puissantes en Allemagne, et engendré un nouveau retard.Finalement, un accord a été trouvé: depuis mars qui marque la fin de l'hibernation des bestioles et jusqu'à fin août, un biologiste mandaté par la ville procède à leur évacuation minutieuse. Ensuite, la tête sortira de terre et trouvera sa place dans l'exposition, où aucune mise en scène particulière n'est prévue.
"Nous montrons les monuments tels qu'ils ont été retrouvés sur place", explique Mme Theissen. "Et pour Lénine , il ne s'agit pas de le montrer comme une figure héroïque. Ce que nous prévoyons, c'est de le présenter aussi gisant qu'il l'était dans la terre".
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