Le Paris insolite. Dans les pas de l'alchimiste du 14e siècle Nicolas Flamel, à la recherche de la pierre philosophale
Après nous être entretenus avec un vampirologue, nous poursuivons notre visite du Paris insolite par l'alchimie, entre sciences, arts et folklore. Notre éclaireur est Paul, guide-conférencier à Paris et passionné de cette étrange discipline.
Vous souvenez-vous de l’alchimiste Nicolas Flamel, inventeur de la pierre philosophale ? La question est posée aux fans d’Harry Potter. Mais contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce personnage n’est pas sorti de l’imagination foisonnante de l'écrivaine J.K Rowling. Cet alchimiste a véritablement existé et possédait même plusieurs demeures à Paris, dont une toujours visible aujourd'hui. La capitale française regorge de références alchimiques notamment dans son architecture. Nous dévcouvrons leurs trois lieux emblématiques : la fontaine Saint-Michel, la maison de Nicolas Flamel et la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Pour les découvrir, Paul nous a servi de guide. Diplômé d’histoire à l'instar de toute sa famille, l'homme d’une trentaine d’années travaille pour My Urban Experience, entreprise touristique spécialisée dans les visites insolites. Depuis l'enfance, il est fasciné par l’alchimie. "Les mythes et les légendes m’ont toujours émerveillé", confie-t-il. "Très jeune je m'intéressais déjà à une culture proche du fantastique comme la musique Black Metal".
Mais au fait, qu’est-ce que l’alchimie ? "Son concept évolue en fonction des périodes", explique Paul. "Certains la considèrent comme l’ancêtre de la chimie. Les alchimistes pensaient que les métaux avaient des propriétés comme on peut croire aujourd’hui que le plante et les pierres en ont. Cette définition sera remise en cause et jugée comme un peu folklorique à cause de scientifiques comme Antoine Lavoisier ou Pascal et l’apparition du tableau périodique". Plus tard, au 19e siècle, l'alchimie évolue encore et prend une forme plus spirituelle : "Elle était associée au savoir, à la connaissance, à la méditation. Aujourd'hui, elle peut même être une philosophie ou une religion".
S’il ne se considère pas comme alchimiste, n’adhérant pas complètement à toutes les doctrines de la discipline, Paul l'historien a beaucoup lu sur ce sujet. "J’aime essayer de comprendre le monde dans lequel je suis. L’écrivain alchimiste René Guénon et ses analyses symbolistes m’ont beaucoup marqué. Aussi, j’ai grandi à Paris donc c’est une ville que je connais par cœur et que j’aime déchiffrer".
La fontaine Saint-Michel
Paul commence sa visite par l’immense fontaine qui trône au milieu de la place Saint-Michel. En dehors de l’axe de lecture biblique, avec la représentation d'une bataille entre l’archange Saint-Michel et le diable, entre le céleste et le terrestre, il y a aussi, paraît-il, toute une interprétation alchimique à faire : "On y retrouve les quatre éléments : l’eau avec la fontaine, la terre avec la pierre, le feu avec l’épée ardente que tient Saint-Michel et l’air avec les ailes de l’archange", commente notre guide."On peut y voir aussi un combat intérieur entre l'ignorance qui nous tire vers le bas, à la manière du diable accroché à son rocher et la connaissance qui nous attire en haut, nous élève spirituellement, avec les quatre statues représentant les vertus situées au-dessus de l'ange".
La fontaine Saint-Michel est plus récente qu'elle n'y paraît. Elle a été construite en 1860 par l’architecte Gabriel Davioud. "Il fait partie des grands artisans du Nouveau Paris. Il était issu de la bourgeoisie parisienne et a donc été initié à l’alchimie. Le 19e siècle était vraiment l’âge d’or de l’alchimie et de l’ésotérisme".
La rue et la maison Nicolas Flamel
Ce personnage devenu légendaire serait né entre 1330 et 1340 et aurait vécu plus de 80 ans. Un âge record dans un siècle frappé par la peste noire, la guerre de Cent Ans et par plusieurs famines. "On a fait de Flamel un alchimiste parce qu’il casse les codes de l’époque !", s'exclame notre guide. L'homme qui travaillait en tant que copiste de livres a effectivement su développer un vrai business à Paris. Pour la suite de notre balade dans Paris, Paul nous emmène dans une rue non loin de Notre-Dame, qui a pris son nom, et où il a commencé sa carrière. "C’était une espèce d’entrepreneur, il a senti le bon filon et il est devenu libraire. Les livres à cette époque étaient un produit de luxe, réservé au clergé ou aux juges. Il les a démocratisés auprès de la bourgeoisie", nous dit Paul.
Nicolas Flamel se marie ensuite à dame Pernelle, veuve à deux reprises, qui possédait une dot conséquente. Fortuné, le couple investit dans l’immobilier et finit par posséder l’ensemble de la rue. "A la fin de sa vie, Nicolas Flamel est connu de tous. Il est même considéré comme un saint. Pour l’époque il est incroyable : il a plus de 80 ans, il a énormément d’argent et en plus de ça il est bon chrétien. Des légendes à son sujet n’ont pas tardé à se multiplier", explique notre guide.
À quelques pas de là, rue de Montmorency, se trouve un centre d’accueil qu’il a fait construire pour venir en aide aux pauvres. "C’est la plus vieille façade de Paris, elle date de 1407" commente Paul. "On sait que c’est la maison de Nicolas Flamel parce qu’il y a ses initiales inscrites dans la pierre". Au-dessus de la porte une consigne à respecter pour entrer est gravée en latin, traduite pour nous par l'historien : "Nous hommes et femmes laboureurs, demeurant au porche de cette maison créée en l’an de grâce 1407, sommes tenus chacun en droit de dire chaque jour une Notre Père et un Ave Maria en priant dieu que sa grâce nous pardonne, pauvres pêcheur, amen". Au rez-de-chaussée de cette bâtisse haute de trois étages, se trouvait une échoppe devenue aujourd’hui un restaurant gastronomique, le Nicolas Flamel.
La cathédrale Notre-Dame de Paris
Surprenant mais vrai, Notre-Dame garde aussi sa part de mystère et cache des symboles alchimiques. Construite en 182 ans, la cathédrale parisienne a été modifiée à plusieurs reprises notamment par l’architecte (et alchimiste, oui oui) Eugène Viollet-le-Duc dans les années 1840. "C’était un grand amateur de Victor Hugo", raconte Paul, amusé. "Il a voulu faire de Notre-Dame une cathédrale un peu magique, comme elle l’était dans le roman".
Si la cathédrale est aujourd'hui un des monuments les plus visités d'Europe, ce n'est pas pour son trésor alchimique, peu connu des touristes. Pour le trouver, il faut regarder sur le trumeau de la porte du Jugement dernier où se trouve une statue du Christ. En dessous de celle-ci, un petit médaillon à l'image de la déesse phrygienne Cybèle est logé dans la pierre. La tête dans les nuages, avec l’ancien et le nouveau testament dans la main, elle est assise derrière l’échelle de Jacob. "Cybèle représente l’alchimie, la nouvelle alliance, la nouvelle divinité", commente le guide. "Autour d’elle, il y a la représentation des enseignements classiques. Si le chemin des vertus est l’escalier pour atteindre le paradis, la déesse Cybèle serait l’ascenseur : le principe de l’alchimie est de laisser tomber le dogme, la messe. Plutôt que de prier, d’implorer le Christ, on nous dit d'avoir plutôt recours à la connaissance. Ce médaillon, c'est la pierre philosophale". Une drôle de leçon à tirer de cette œuvre sculptée pourtant sur la façade d'un lieu de culte.
Sur le toit de la cathédrale, Eugène Viollet-le-Duc a également dissimulé une statue d’un vieil homme barbu, un chapeau pointu sur la tête, communément nommé "l’Alchimiste"…
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.