Les Archives du monde du travail, mémoire de notre vie sociale, veulent s'ouvrir au grand public
Deux tours triomphantes en briques rouges marquent l'entrée de l'ancienne filature Motte-Bossut, fleuron de l'âge industriel du Nord, fermée en 1981.
Douze ans plus tard, ce "château de l'industrie" est choisi pour héberger les Archives du monde du travail, projet initié sous la présidence de François Mitterrand.
48 kilomètres de documents provenant des entreprises, syndicats ou associations
"Au début des années 80, la France connaît une désindustrialisation extrêmement importante, les usines ferment les unes après les autres et se pose la question de la sauvegarde du patrimoine de toutes ces entreprises qui constitue une part de la mémoire de la France", explique la directrice de ces Archives, Anne Lebel. La région est choisie pour les héberger "en raison de son riche passé industriel et de son patrimoine qui marque encore le territoire". Cinq autres centres devaient être créés en France, mais seul celui de Roubaix a finalement ouvert.Archives de la Compagnie générale de Suez, de la Société des mines d'Antiches, de la Compagnie financière Ottomane, des "Coop" ou de la filature de laine Delmasure : au total, 48 kilomètres de documents provenant d'entreprises grandes et petites, de syndicats ou d'associations sont méticuleusement classés dans les "magasins" de "l'usine monstre". On y déniche des publicités, règlements intérieurs, factures, contrats, prospectus et photographies, datant parfois de plus de 200 ans. "Un document est intéressant à conserver lorsqu'il nous permet de retracer l'histoire de l'entreprise", commente la directrice.
Les pépites des Archives
Parmi les pépites de la collection : le fonds Rothschild, consulté par "de nombreux étrangers", affirme Raphaël Baumard, conservateur du patrimoine. Il comporte notamment une série de correspondances du 19e et 20e siècles avec ses clients. "J'ai l'honneur de vous remettre avec la présente un chèque de 27 dollars que je vous prie de vouloir bien encaisser au crédit de mon compte", écrit par exemple à la banque le philosophe Henri Bergson le 15 mars 1915.Les visiteurs sont presque exclusivement des généalogistes, venant notamment consulter les dossiers individuels des mineurs, et des chercheurs. Et de simples curieux ? "Pas encore, mais c'est l'un de nos objectifs, nous voulons élargir notre public", indique la directrice. "Nous avons des fonds extrêmement riches et variés, mais nous ne sommes pas connus, nos archives sont sous exploitées", regrette cette responsable, nommée l'été dernier.
Simplification de l'outil de recherche
Pour y remédier, l'institut, qui dépend du ministère de la Culture, mène une "refonte du site internet avec une mise en ligne des documents numérisés permettant à tout le monde d'avoir accès aux fonds" et développe "un outil de recherche simplifié", détaille Raphaël Baumard.Pour l'heure, "quatre-cinq" érudits fréquentent chaque jour le centre situé au coeur de Roubaix. A l'image de Selma, venue de Paris explorer les archives des chemins de fer de l'Ouest pour sa thèse. Un corpus "indispensable" qu'elle manie, comme un trésor dans la très studieuse salle de lecture. Quelque 1.400 mètres de la collection sont ainsi dédiés aux compagnies des chemins de fer. "J'ai pris soixante fois le train n°46 qui passe le matin vers Paris : soixante fois, ce train est passé avec du retard", peut-on ainsi lire sur une plainte d'un usager à la compagnie de chemin de fer Paris-Strasbourg.
Autre "joyau" des Archives : un impressionnant registre comptable de la société de fromage de Roquefort. Avec ses 1.500 pages, ses 73 centimètres de hauteur et ses 76 kg, "nous n'avons pas pu le scanner : il aurait brisé la table de numérisation", sourit Raphaël Baumard.
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