"Made in Algeria" au MuCEM, l'histoire de l'Algérie par la cartographie
"Il y a une forme d'inconscient collectif qui a du mal à surmonter une histoire coloniale", estime auprès de l'AFP Zahia Rahmani, co-commissaire de l'exposition au MuCEM avec Jean-Yves Sarazin. "Il a fallu qu'on se dise +pourquoi ne pas faire un travail sur cette histoire coloniale ?+ avec ce qu'on appelle des faits cartographiques."
Leur "désir" pour cette exposition : "Partager un pays sur lequel il n'y a jamais eu d'exposition, l'Algérie."
"Les cartes parlent d'elles-mêmes"
"On présente des cartes, et ces cartes parlent d'elles-mêmes. (...) Il faut construire une représentation d'un territoire pour pouvoir le coloniser", poursuit Zahia Rahmani.À la cartographie pure sont associées de nombreuses représentations de l'Algérie : toiles, affiches ou encore carnets de récit, voire photos et vidéos pour les périodes plus récentes.
Made in Algeria est bâtie autour de quatre périodes, pré-coloniale avant 1830, avec une prééminence des visions maritimes et côtières, la conquête et la colonisation, qui a vu l'essor de la cartographie, notamment militaire, la fin de la période coloniale et son "excès d'imagerie" et enfin la période contemporaine avec des oeuvres d'artistes d'aujourd'hui, peintures et photographies.
"Les artistes ont subjectivé le territoire"
Tout au long du parcours, "on montre bien comment les artistes ont subjectivé le territoire en faisant des peintures montrant des étendues illimitées, inhabitées et vastes", détaille Zahia Rahmani. À cet égard, la "vue générale de l'itinéraire suivi par la colonne expéditionnaire depuis Constantine jusqu'à Alger", réalisée en 1841, une toile de 2 m sur 2,50 m de Siméon Fort, expose, avec son "traitement surréaliste de l'espace", cette immensité fantasmée.La cartographie, qui décrit essentiellement les côtes avant le XVIIIe siècle, s'enfonce dans le territoire en même temps que le corps expéditionnaire français, qui débarque sur la presqu'île de Sidi-Ferruch en 1830. Ce débarquement lui-même "donne lieu à de nombreuses productions: vues et plans d'Alger, cartes des environs de la ville, croquis des surfaces par les colonnes de l'armée d'Afrique", notent les concepteurs, "les blancs de la carte disparaissent au gré des reconnaissances et des relevés d'informations nécessaires à la fois au développement de la carte et à la poursuite de la conquête".
Des tableaux restaurés pour l'exposition
Quant aux peintures, la plupart "n'avaient pas quitté le château de Versailles depuis un siècle ! Elles ont été restaurées pour l'exposition", explique Zahia Rahmani. De la période coloniale ressortent les affiches de ventes de terres agricoles ou cet "avis aux ouvriers" placardé en 1848 en France pour chercher des candidats à la colonisation.L'exposition est également l'occasion de découvrir des œuvres contemporaines, à l'instar des portraits photographiques de Mohamed Kouaci "pour la première fois exposés en France".
L'exposition, qui dure jusqu'au 2 mai, "raconte une vision, tour à tour guerrière et marchande, poétique et politique, empreinte d'orientalisme", a jugé la ministre de la Culture Fleur Pellerin, qui l'a inaugurée avec son homologue algérien Azzedine Mihoubi.
La ministre s'est réjouie du "dialogue jamais aussi solide ni aussi intense" entre les deux pays, qui "ont choisi de le densifier par nos coopérations culturelles, en particulier dans le secteur du livre, du cinéma, de l'audiovisuel et du patrimoine". Azzedine Mihoubi s'est également réjoui de cette coopération. Et n'a pas exclu que l'exposition puisse se tenir en Algérie : "Il y a des oeuvres qui méritent d'être vues par le public algérien."
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