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Né il y a cent ans, César Manrique a fait de Lanzarote une œuvre d'art

L'artiste César Manrique (1919-1992) a transformé l'île de Lanzarote, située dans l'archipel des Canaries, en œuvre à ciel ouvert et inspiré un modèle touristique loin du béton d'autres régions d'Espagne.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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La Fondation César Manrique, à Lanzarote, dans les îles Canaries (PAUL MARNEF / ISOPIX / SIPA / ISOPIX)

Contrairement à la côte méditerranéenne, à Lanzarote, on trouve peu de béton, pas de panneaux publicitaires aux bords des routes, mais plutôt des maisons traditionnelles, basses, blanchies à la chaux. Cette île de l'archipel des Canaries compte 150.000 habitants et reçoit trois millions de touristes par an. En quelques années, l'artiste César Manrique (1919-1992), dont on fête le centenaire, a transformé Lanzarote en œuvre à ciel ouvert et inspiré un modèle éloigné du béton d'autres sites touristiques d'Espagne.

À Lanzarote, territoire aride, on trouve facilement des champs de lave noire et des jardins de cendres volcaniques.

Outre sa nature volcanique, Lanzarote doit beaucoup son exception culturelle à la sensibilité de César Manrique, peintre et sculpteur, enfant du pays revenu en 1966 à Lanzarote, après une carrière à Madrid et New York, pour y exprimer son "art total". "J'ai toujours voulu revenir, parce que je savais qu'il y avait sur mon île une série de paysages qui n'étaient pas normaux", a un jour déclaré cet artiste qui avait selon son frère Carlos, 94 ans, le "don de tout observer".

"La relation entre art et nature constitue l'ADN de Manrique"

De retour à Lanzarote, Manrique achète 20.000 m2 de terrain autour de cinq bulles formées dans une coulée de lave. Il creuse à la dynamite des couloirs pour les relier et les transforme en salons avec bancs, sol et murs blanchis à la chaux. Il construit au-dessus un étage donnant sur les volcans et les champs de lave. Cette maison de l'artiste, mort dans un accident de la route, accueille aujourd'hui le siège de sa Fondation.

"La relation entre art et nature constitue l'ADN de Manrique", dont l'œuvre est marquée par une sobriété fidèle à l'architecture locale, résume Fernando Gómez Aguilera, directeur de cette Fondation qui célèbre jusqu'à avril 2020 le centenaire de la naissance de l'artiste. "Le luxe vient de la nature, ce n'est pas un luxe ostentatoire."

À Lanzarote, Manrique a pu compter sur la complicité de Pepín Ramírez, ami d'enfance et président de l'autorité locale qui lui a fourni la main-d'œuvre indispensable à la réalisation des travaux et a eu surtout le courage de développer l'offre artistique avant les infrastructures. "C'était un pari politique, il a inversé la priorité et ils ont gagné la partie", analyse Gomez Aguilera.

Los Jameos del Agua, l'un des projets dessinés par César Manrique à Lanzarote (23 avril 2019) (JAVIER FUENTES / EFE / MaxPPP)
Le chef-d'œuvre de Manrique, Los Jameos del Agua, est un centre d'art et de tourisme bâti dans un tunnel de lave avec restaurant, piscine et auditorium. Et au milieu, un étang où vit une espèce endémique de crabe. Manrique a aussi laissé à la postérité El Mirador del Río, un restaurant situé sur une falaise surplombant l'Atlantique, le Jardin des cactus ou encore le restaurant El Diablo, avec une vue à 360° sur les champs de lave du parc de Timanfaya.

"Conscience environnementale et esthétique"

Dans le même temps, l'artiste faisait un effort de pédagogie auprès des habitants de l'île. "Il allait dans les villages, parlait aux paysans et leur disait : ta maison est belle, prends-en soin, ne la laisse pas tomber en ruine, c'est une bonne architecture", explique Toñín Ramos, l'un de ses collaborateurs.

Et "cette conscience environnementale, qui est aussi une conscience esthétique, s'est enracinée", abonde Marcial Martín, ancien directeur du réseau de centres d'art, de culture et de tourisme (CACT) conçus par Manrique.

Le Mirador del Rio, site de Lanzarote sur lequel César Manrique a dessiné un restaurant en 1974 (MANUEL COHEN / AFP)
Après des siècles de pauvreté, Lanzarote a pris dans les années 1970 et 1980 un virage, passant de la pêche et l'agriculture de subsistance au tourisme qui pèse désormais 80% de son économie. "Il avait l'intuition que s'il n'y avait pas de contrôle, la croissance allait être un désastre" comme "à Tenerife et Grande Canarie", explique le musicien et peintre Ildefonso Aguilar, collaborateur de Manrique.

Le modèle pensé par Manrique s'est à peu près pérennisé mais il y a "une standardisation qui fait de la peine" dans les zones touristiques, regrette Marcial Martín, qui déplore aussi qu'il n'y ait pas eu "d'œuvre originale" depuis la mort de Manrique. Et met en garde sur la fragilité de l'écosystème de Lanzarote : "Pour peu qu'on l'abîme, il deviendrait très difficile voire impossible de le restaurer. Nous devons en prendre soin."

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