Paris 2024 : vasque olympique, anneaux sur la tour Eiffel et statues d'héroïnes françaises seront-ils bientôt inscrits au patrimoine culturel de la capitale ?

L'idée de conserver certaines installations et œuvres liées aux Jeux fait de plus en plus l'unanimité. Retour sur les scénarios déjà envisagés pour ces éventuelles additions olympiques et culturelles.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
La vasque de la flamme olympique au centre du Grand Bassin Rond du jardin des Tuileries, proche de la Pyramide du Louvre, le 28 juillet 2024, à Paris. (STEPHANE ALLAMAN/SIPA / SIPA)

Quels objets hérités des Jeux de Paris pourraient enrichir le patrimoine déjà somptueux de la ville lumière ? Les Parisiens, ses visiteurs et le monde entier s'extasient sur la vasque olympique en apesanteur depuis l'ouverture des Olympiades. Beaucoup ne se lassent pas de la voir se hisser dans le ciel parisien, image désormais immortalisée par un timbre postal, et voudraient la garder. 

La maire de la capitale, Anne Hidalgo, partage l'enthousiasme général de ses concitoyens. Elle n'est pas la seule responsable politique à le souhaiter, tout comme la vasque n'est pas le seul objet lié aux JO qui intéresse. L'attention se porte également sur les anneaux olympiques fixés sur la tour Eiffel ou les dix figures féminines découvertes lors du tableau "Sororité" de la cérémonie d'ouverture. Le débat est lancé et plusieurs hypothèses ont déjà été émises par l'édile de Paris. Franceinfo Culture fait le point sur ce que l'on sait. 

Pour la vasque olympique 

La vasque olympique, que les médaillés olympiques Marie-José Pérec et Teddy Riner ont embrasée le 26 juillet 2024 à 23h24 à l'issue de l'époustouflante cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, a pris ses quartiers au jardin des Tuileries. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que Paris est enchanté par une montgolfière installée dans cet espace parisien, qui a toujours été le lieu idéal pour les accueillir comme le rappelle l'INA. "Je pense qu'il y a une forme d'évidence à ce qu'un ballon se trouve (aux Tuileries)", a indiqué Mathieu Lehanneur, qui a imaginé l'objet, samedi 28 juillet sur RMC Sports. L'anneau-flamme de 7 m de diamètre est porté par un ballon doré haut de 30 m. Après de minutieuses vérifications de la météo, elle s'envole chaque soir à 60 m du sol.

Interrogée sur la possibilité de la garder, Anne Hidalgo a indiqué au 20H du 7 août de France 2 que la décision n'était pas de son ressort. Toutefois, elle a entrepris les démarches nécessaires auprès du président de la République, Emmanuel Macron, car le site qui abrite la vasque appartient à l'État. Elle lui a "immédiatement écrit". Dans l'émission "Quels Jeux !" sur France 2, le 30 juillet, Anne Hidalgo indiquait déjà son intention de proposer au président de la République de "travailler ensemble" sur "un certain nombre d'objets d'héritage de ces Jeux (concernant) notre patrimoine commun".

Sur le plateau du 20H, elle a de nouveau répété qu'elle était "vraiment très partante pour qu'on conserve ce symbole des Jeux à cet endroit-là parce qu'ailleurs, ça n'aurait pas la même signification". Réponse implicite au plan B proposé par Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France. Si cette dernière est évidemment pour le maintien de la vasque aux Tuileries, elle l'imagine tout aussi bien dans le parc de la Villette dans le XIXe arrondissement de Paris. "Je pense que sa place est aux Tuileries. Maintenant, s'il faut la déplacer, on trouvera bien un endroit", a déclaré la présidente de région sur France Inter le 5 août. "À la Villette, peut-être", a-t-elle encore ajouté. 

Pour l'heure, la demande de la maire de Paris est à l'étude. "On va regarder tout ça en temps voulu avec évidemment les analyses techniques, de faisabilité, de perspective aussi parce qu'il faut préserver les vues historiques de Paris, a indiqué le chef de l'État le 2 août, rapporte l'AFP. "Peut-être que la vasque aussi fera partie de l'héritage. Je ne sais pas vous dire aujourd'hui", a-t-il ajouté. "Tout ce qu'on peut faire pour garder la ville plus belle dans la durée est quelque chose auquel il faut qu'on réfléchisse."

L'anneau-flamme, qui embellit actuellement le ciel parisien, est composé de "40 projecteurs d'une puissance lumineuse équivalente à 4 millions de lumens et 200 buses de brumisation haute pression" qui produisent 'une flamme' sans combustible, faite d'eau et de lumière", peut-on lire sur le site du fournisseur français d'énergie EDF. Le dispositif qui permet à cette "flamme 100% électrique" d'exister consomme 3 m3 d'eau par heure lorsque la vasque est en vol. Une consommation qui passe à 2 m3 au sol.

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S'il est également partisan du maintien de la vasque, Mathieu Lehanneur a rappelé un principe de réalité dans un échange récent avec Le Parisien : "Si (la vasque) reste, elle ne peut pas garder la flamme puisqu'il faut que la flamme olympique s'éteigne", rituel immuable depuis des siècles. En notant que les premiers à avoir évoqué l'idée de la conserver sont ses visiteurs, le designer a souligné que le dispositif n'a jamais été pensé pour rester même si cela est "techniquement" possible en adaptant "deux ou trois choses".

Dans L'Equipe, dans un entretien publié le 9 août, il précise encore sa pensée. "Si on ne peut pas garder la flamme, est-ce qu'on ne peut pas juste garder un souvenir vibrant qui resterait dans nos esprits plutôt qu'une relique qui prendrait la pluie ?". Il imagine "un entre-deux : la flamme n'est plus là mais on maintient un jeu de lumières, qu'elle puisse continuer à décoller de temps en temps mais pas tous les soirs". Paris aurait donc son deuxième ballon après celui du parc André Citroën situé dans le XVe arrondissement.

Pour les anneaux accrochés à la tour Eiffel

Les anneaux géants de l'olympisme sont baptisés les "Spectaculars" et "on pouvait difficilement faire plus spectaculaire que la tour Eiffel", se réjouissait Tony Estanguet, président de Paris 2024, à leur installation. Les cinq anneaux de l'emblème olympique ont été fixés dans la nuit du 6 au 7 juin par les équipes du groupe siderurgique ArcelorMittal. Quatre grues et une trentaine de personnes ont été nécessaires pour accrocher à la Dame de fer les "Spectaculars". À Paris, elles font 29 m de large, 13 m de haut et pèsent environ 30 tonnes. Chaque anneau a un diamètre de 9 m.

La maire de Paris aimerait "beaucoup" aussi garder les anneaux sur la tour Eiffel mais "il faut qu'on regarde techniquement si c'est possible ou pas parce qu'ils sont accrochés". Ce sont "plusieurs tonnes de métal", a-t-elle indiqué dans "Quels Jeux !". 

À chaque édition, les anneaux olympiques prennent place dans un lieu iconique de la ville hôte : le Tower Bridge à Londres en 2012, le parc de Madureira à Rio en 2016, la baie d'Odaiba à Tokyo en 2020. Si Paris gardait ses anneaux, elle s'inscrirait dans les pas de la ville d'Innsbruck qui avait accueilli les Jeux en 1964. La démarche serait une première en soixante ans.

Pour les dix "Femmes en or" de la cérémonie d'ouverture

Les "Femmes en or"*, soit dix statues de personnalités féminines marquantes de l'histoire de France, ont été dévoilées dans le tableau numéro 6 baptisé "Sororité" lors de la cérémonie d'ouverture des JO. Déployées au niveau du pont Alexandre-III, hérité de l'Exposition universelle et situé à proximité de l'Assemblée nationale, ces statues constituent "symboliquement" une réponse aux représentations d'hommes qui ornent le bâtiment du Parlement. L'organisation française des Jeux soulignait que 260 statues occupaient l'espace public parisien contre une quarantaine pour les femmes.

C'est un sujet "moins compliqué", selon Anne Hidalgo dans ce volet patrimonial de l'héritage des Jeux. D'abord parce que ces figurines ont été de facto offertes à Paris. Ensuite parce l'élue sait exactement ce qu'elle souhaite : en faire des statues "qui puissent être placées le long de la rue de la Chapelle", dans ce quartier du XVIIIe arrondissement de Paris rénové à l'occasion des Jeux. Ses habitants verraient alors régulièrement les portraits d'Olympe de Gouges, rédactrice de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791, de la rameuse Alice Milliat qui a organisé les Jeux mondiaux féminins ou encore de Paulette Nardal, femme de lettres martiniquaise et marraine de la Négritude. Anne Hidalgo est déjà en contact avec Éric Lejoindre, le maire de l'arrondissement, a-t-elle fait savoir dans l'émission "Quels Jeux ! ".

Pour les autres trésors olympiques

L'héritage culturel des Jeux, ce sera aussi la statue réalisée par la sculptrice américaine Alison Saar. Les Parisiens en profitent déjà depuis le 23 juin. Son installation est le résultat d'une tradition olympique entre la ville qui reçoit les Jeux et celle qui lui succède. C'est Los Angeles, où réside Alison Saar, qui accueille les JO en 2028. De même, 14 affiches inspirées par les Jeux, réalisées par sept artistes dans le cadre de l'Olympiade culturelle ont été créées. Elles feront l'objet d'une exposition itinérante en France.

*La liste des dix "Femmes en or"

Olympe de Gouges (1748-1793), rédactrice de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791
Alice Milliat (1884-1957), rameuse et sportive française, à l'origine des premiers Jeux mondiaux féminins en 1922
Gisèle Halimi (1927-2020), avocate, militante et femme politique franco-tunisienne, figure emblématique du féminisme et de l'anticolonialisme
Simone de Beauvoir (1908-1986), philosophe, écrivaine, figure emblématique du féminisme et auteure de l'un de ses livres majeurs, Le Deuxième sexe
Paulette Nardal (1896-1985), intellectuelle, journaliste et écrivaine martiniquaise, figure méconnue du mouvement de la Négritude
Jeanne Barret (1740-1807), première femme à avoir fait le tour du monde
Louise Michel (1830-1905), anarchiste et héroïne de la Commune de Paris de 1871
Christine de Pisan (1364-1431), l'une des premières femmes de lettres professionnelles qui a défendu la cause des femmes
Alice Guy (1873-1968), l'une des premières réalisatrices, scénaristes et productrices de films au monde
Simone Veil (1927-2017), survivante de la Shoah, femme politique et fervente défenseure des droits des femmes

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