Plongée dans le monde des chamanes d'Equateur au Quai Branly
Dans les civilisations de l'Equateur précolombien, l'espace cosmique est divisé entre le monde céleste, l'inframonde peuplé de défunts, d'esprits, d'êtres mythiques, et entre les deux, le monde terrestre, celui des êtres humains et des animaux. La terre nourricière fournit les choses nécessaires à la vie et les peuples indigènes conçoivent le monde comme un tout, qui doit être maintenu en équilibre grâce au respect de tout ce qui vit.
Le musée du Quai Branly nous invite dans ces cultures à travers le chamane, figure centrale, sorte de médiateur entre les trois mondes, et l'art de la céramique particulièrement développée en Equateur. Ici essentiellement des pièces, statuettes, vaisselle, masques, provenant de la côte et de haute Amazonie, à un moment, entre 500 avant et 500 après J-C, où le chamanisme atteint son expression maximale. Le pouvoir évocateur de ces terres cuites est extraordinaire, elles nous racontent un autre monde dans lequel elles nous transportent littéralement, avec l'aide de cartels explicatifs détaillés et pédagogiques.
Le jeûne, la méditation et les plantes pour pénétrer le monde des esprits
Le chamane était choisi dès son enfance : s'il n'était pas né avec un don, il le découvrait dans des rêves ou au cours d'une expérience forte. Ses connaissances étaient le fruit de l'expérience, il étudiait les plantes, observait les astres et les saisons et concevait des calendriers en terre divisés en fonction des solstices et des équinoxes.Il va exercer ses pouvoirs surnaturels lors de cérémonies rituelles pour réclamer la pluie, la préservation des récoltes, pour l'initiation de membres de la communauté ou de guérison d'un malade, par le biais d'une communication avec les esprits.
Le chamane se préparait par de longues périodes de jeûne et des séances de méditation qui lui permettaient d'affiner ses sens et d'entrer dans des états de consciences modifiés. Des figurines le montrent dans différentes postures de méditation, à côté d'appuie-tête et de sièges de pouvoir. Diverses plantes hallucinogènes aident à atteindre ces états de conscience.
Des animaux extraordinaires
Des personnages vomissant sont représentés sur des bouteilles ou des récipients cérémoniels, car, avant les cérémonies, le chamane se faisait aussi vomir pour purifier son corps et, toujours, altérer la conscience.Comme le montrent des figurines, le chamane s'habille et s'orne pour les cérémonies : s'il veut appeler à la pluie, par exemple, il va se couvrir de coquillages dont le son rappelle celui de l'eau. Pour les récoltes, il va porter des oiseaux et des fruits.
Autre élément rituel important, la musique, qui permet, elle aussi, d'entrer dans le monde des esprits : chaque type de son, produit par un instrument différent provoque une vision particulière.
Certains animaux sont associés à des divinités et font l'objet de représentations extraordinaires. Le jaguar incarne le feu, la fertilité de la terre, la tempête. Ce grand messager des esprits évolue la nuit, il évoque donc l'inframonde, tout comme la chauve-souris, animal nocturne par excellence. L'aigle-harpie symbolise la vision, la faculté de voir au-delà de la réalité, tandis que le serpent, avec ses mues, est associé à la transformation, la résurrection, la fertilité masculine.
Le chamane, homme éveillé
Des statuettes en forme de chimères hybrides extraordinaires prennent les traits d'un félin, d'un serpent et d'un aigle pour symboliser le chamane, homme éveillé.Le chamane, lors des rites, va se transformer en un de ces animaux puissants ou de ces figures mythiques et être investi des pouvoirs qui leur sont attribués.
A côté des céramiques est exposée une série de photos des Indiens Shuar d'Equateur, entre les années 1900 et 1930. Des tenues traditionnelles aux vêtements et coupes de cheveux imposés par les prêtres, un enfant en train de prier montrent comment les missionnaires ont voulu imposer aux indigènes leur vision du monde.
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