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Quand Saint-Martin-de-Ré était l'antichambre des bagnes

L’île de Ré n’a pas toujours été qu’un très beau lieu de vacances prisé des touristes et des stars. A la fin du 19e siècle, elle devint l’unique point de regroupement des condamnés en partance pour les colonies pénitentiaires de Guyane et de Nouvelle-Calédonie. Une histoire qui se révèle au travers d’une nouvelle exposition permanente proposée au Musée Ernest Cognacq à Saint-Martin-de-Ré.
Article rédigé par Chrystel Chabert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des condamnés de Sain-Martin-en Ré, en attente d'embraquement vers la Guyane ou la Nouvelle-Calédonie
 (PHOTOPQR/MAXPPP)

Ce n’est pas un hasard si Saint-Martin-de-Ré est devenue "l’antichambre des bagnes" comme l'annonce le titre de cette exposition. La ville possèdait une citadelle Vauban construite en 1681 et qui servit ponctuellement de prison à partir du XVIIIe siècle.

Sous Napoléon III, deux décrets successifs créèrent la transportation des condamnés aux travaux forcés (une peine créée en France en 1560) dans les colonies. A partir de 1873, Sain-Martin-de-Ré devient l’unique dépôt de condamnés destinés aux colonies pénitentiaires de Guyane et de Nouvelle-Calédonie. 
 
L’exposition retrace cette histoire en deux étapes : la période de détention au sein de la citadelle de Saint-Martin-de-Ré qui pouvait durer plusieurs mois puis le départ et la vie au bagne.

Reportage : P. Lahaye / D. Gomez / M. Coudrin

Cette exposition donne l’occasion de découvrir les conditions de  vie quotidienne des condamnés au bagne. A Saint-Martin-de-Ré, il y avait les récidivistes de délits mineurs, "les relégués" et les condamnés de Cour d’assises, "les transportés". Les premiers avaient le droit de parler lors des promenades et de fumer quand les seconds étaient privés de ces petits «luxes ».

Cette détention pouvait durer plusieurs mois avant le départ. Sa préparation apportait quelques améliorations : davantage de nourriture, de promenades et de repos pour préparer les organismes au choc climatique.
Carte postale montrant le départ de forçats pour la Guyane à partir de l'Ile-de-Ré
 (PHOTOPQR/MAXPPP)
 Une hécatombe humaine

Car une fois arrivés sur place, en Guyane et Nouvelle-Calédonie, ces hommes (et ces femmes, 2000 entre 1886 et 1907) devaient survivre à des travaux harassants (8h par jour, 6 jours sur 7), surtout ceux qui étaient répartis sur les camps forestiers et à la construction des routes ; mais également à la sous-alimentation, aux épidémies et aux fièvres. De 1852 à 1866, sur 18 025 transportés en Guyane, 7035 sont morts, poussant le gouvernement à interrompre les envois de condamnés de 1867 à 1888 vers cette destination et privilégiant la Nouvelle-Calédonie.
 
Le journaliste Albert Londres raconta cette vie en enfer : « La question serait de savoir si l’on veut faire une route ou si l’on veut faire crever des individus. Si c’est pour faire crever des individus, ne changez rien ! Tout va bien ! Si c’est pour faire une route… ».
  (France 3 Culturebox (capture vidéo))

La prise de conscience


C’est d’ailleurs grâce à la publication de ses articles en 1923 que le grand public découvrit la réalité de ce qui se passait outre-mer. Armée du Salut, Ligue des droits de l’homme, magistrats et élus se mobilisèrent pour faire pression sur les pouvoirs publics. En juin 1938, le président Albert Lebrun signa la fin des travaux forcés. Malgré tout, un dernier convoi de relégués partira en novembre 1938. Ils ne seront rapatriés en France qu’en 1953 !
 
Aujourd’hui, Saint-Martin-de-Ré reste liée à cette histoire : sa citadelle et sa caserne servent de prison, la plus importante maison centrale de France depuis 1970 avec 450 détenus, tous condamnés pour de longues peines.

"Saint-Martin-de-Ré, antichambre des bagnes"
Musée Ernest Cognacq
Saint-Martin-de-Ré
Fermé le mardi
Tarifs : de 2,50 à 4 euros 
tél : 05.46.09.21.22 

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