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Restitutions d'œuvres au Bénin et au Sénégal : le Sénat donne son feu vert mais critique la méthode

Le Sénat a voté pour la restitution de biens culturels au Sénégal et au Bénin mais souhaite la création d'un conseil qui réfléchirait à la question.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Trois grandes statues de l'ancien royaume du Dahomey (Bénin), au musée du Quai Branly (23 novembre 2018) (CHRISTOPHE PETIT TESSON / EPA / Newscom / MAXPPP)

Le Sénat à majorité de droite a donné mercredi 4 novembre à l'unanimité, après l'Assemblée nationale, son feu vert à la restitution de biens culturels au Sénégal et au Bénin, malgré des critiques sur "la méthode", pointée comme "un fait du prince".

Pour "mieux encadrer scientifiquement", dans le futur, ce type de procédures, le Sénat a introduit dans le projet de loi la création d'un "Conseil national chargé de réfléchir aux questions de circulation et de retour de biens culturels extra-européens". Cette initiative a toutefois peu de chances de prospérer dans la navette parlementaire, le gouvernement y étant opposé.

Le projet de loi répond à une volonté de refonder les relations culturelles avec l'Afrique exprimée par le président Emmanuel Macron en novembre 2017 à Ouagadougou. Le transfert au Bénin porte sur 26 pièces du "Trésor de Béhanzin" provenant du pillage du palais d'Abomey en 1892. Elles sont aujourd'hui au musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris.

Des "lieux de mémoire" pour Roselyne Bachelot

Le Sénégal doit récupérer un sabre et son fourreau attribués à El Hadj Omar Tall, grande figure militaire et religieuse ouest-africaine du XIXe siècle. Détenu par le Musée de l'Armée à Paris, ce sabre est exposé à Dakar dans le cadre d'un prêt de longue durée.

Ces oeuvres sont "devenues de véritables lieux de mémoire", a affirmé la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, tandis que plusieurs orateurs soulignaient leur "forte charge symbolique". Selon Claudine Lepage (PS), "elles peuvent jouer un rôle majeur" pour permettre à la jeunesse "de retisser le lien avec son Histoire et de renforcer son identité".

Le projet de loi "ne remet nullement en cause le principe d'inaliénabilité" des collections des musées nationaux français, a assuré la ministre. La restitution "n'est pas un acte de repentance, mais un acte d'amitié et de confiance" envers le Bénin et le Sénégal, a-t-elle encore dit.

Le Sénat "contre le fait du prince"


Pour la rapporteure Catherine Morin-Desailly (centriste), "la démarche est fondée d'un point de vue éthique". "Ce qui est en cause, c'est la méthode", par laquelle "la décision politique a prévalu sur toutes les formes de débat", a-t-elle ajouté.

"Cette loi d'exception en appellera d'autres au rythme des demandes qui vont se multiplier", a regretté Max Brisson (LR), appelant à définir un cadre. Selon Pierre Ouzoulias (CRCE à majorité communiste), "la forme juridique adaptée aurait dû être un traité international". Il "aurait eu l'avantage de préciser les engagements de la France, au titre de l'aide au développement", pour le transport des oeuvres ou la construction des installations qui vont les accueillir.

A l'issue d'un débat sémantique, le Sénat a substitué aux termes "restitution" et "remettre", utilisés dans le texte initial, les termes "retour" et "transférer".

Pour Me Yves-Bernard Debie, avocat spécialisé représentant les syndicats du Marché de l'art, "le Sénat met fin ainsi à la doctrine de la restitution" et "l'esprit même de la loi a changé". "Il n'est désormais plus question de repentance ou de réparation. Par la création d'un Conseil national de réflexion visant à éclairer" le processus, "le Sénat érige un rempart contre le fait du prince", s'est félicité l'avocat.

Interrogé par l'AFP lors du vote à l'Assemblée nationale le mois dernier, Me Debie avait reproché à Emmanuel Macron d'être "le fossoyeur du principe d'inaliénabilité avec des conséquences terribles", ouvrant la voie à d'autres lois d'exception autorisant d'autres restitutions.

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