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Sepik, un art fabuleux au Quai Branly

Sepik, c'est le nom d'un long fleuve de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le moindre objet usuel des habitants de ses rives est un chef-d'œuvre. Leurs arts fabuleux, derrière lesquels on découvrira rapidement la manifestation des ancêtres, figures centrales de leur culture, sont à découvrir au musée du Quai Branly, qui leur consacre la première grande exposition en France (jusqu'au 31 janvier 2016).
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'art du Sepik au Musée du Quai Branly (du 27 octobre 2015 au 31 janvier 2016)
 (musée du Quai Branly, photo Gautier Deblonde)

Quand les premières œuvres du Sepik sont arrivées en Europe, elles ont fasciné les surréalistes, notamment André Breton, qui en avait plusieurs dans son bureau.
 
Et quand on entre dans l'exposition, accueilli par deux immenses pirogues sculptées à proue en forme de tête de crocodile, on est tout de suite saisi par la puissance de l'art des hommes et des femmes qui peuplent ou plutôt peuplaient les rives du fleuve Sepik. Car la plupart des pièces exposées ont été collectées lors d'expéditions scientifiques allemandes et suisses entre les années 1930 et 1970.
 
Long de 1126 km, le fleuve serpente avant de se jeter dans le Pacifique au nord-est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Crocodiles sculptés, devant une vue du fleuve Sepik, au musée du Quai Branly
 (musée du Quai Branly, photo Gautier Deblonde)


L'importance du fleuve

La vallée du Sepik est habitée depuis plusieurs milliers d'années par des groupes humains aux langues diverses (90 dans la moyenne et la basse vallée, la région couverte par l'exposition) et aux cultures variées, malgré quelques traits communs. Elle est connue des Occidentaux depuis une première incursion allemande en 1886, suivie d'autres expéditions entre 1909 et 1913.
 
L'importance de l'eau est donc rappelée dès l'entrée de l'exposition, avec ces deux pirogues derrière lesquelles défile un film montrant le fleuve. Des pagaies finement sculptées, gigantesques elles aussi, et une nasse tressée qui servait aux femmes pour pêcher complètent le tableau.
 
L'émerveillement se poursuit tout le long du parcours, où chaque pièce, souvent de taille démesurée, est un chef-d'œuvre de sculpture, de motifs animaux ou abstraits ciselés, de formes d'une grande diversité. Plus de 230 œuvres provenant des collections de 18 musées européens sont réunies et exposées avec des cartels détaillés et passionnants.
Vasque-foyer en terre cuite, détail, du village de Palimbei (ethnie Iatmul)
 (musée du Quai Branly, photo Claude Germain)


Autour d'un village imaginaire

Elles racontent l'organisation sociale et les mythes des peuples du Sepik. Car, si leurs cultures varient, il y a des constantes : l'importance, comme dans de nombreuses sociétés, des ancêtres fondateurs. Et tous les villages ont la même organisation spatiale, à l'image de l'organisation sociale qui repose sur une séparation stricte des hommes et des femmes. Il y a un espace public, qui est celui des maisons familiales, regroupant parfois plusieurs groupes de parents. Et il y a les maisons des hommes, souvent au centre du village, où seuls les hommes ont le droit d'entrer et où a lieu l'initiation des jeunes garçons.
 
L'exposition est organisée autour d'un village imaginaire, avec ses différents espaces.
Celui des femmes et des enfants où même les objets usuels, souvent fabriqués par celles-ci, sont ornés, comme des appuie-tête en bois gravé, des plats coniques fabriqués en colombins de terre, des sacs et des paniers tressés.
 
Le tambour à fente, gros cylindre horizontal impressionnant, parfois gigantesque, qu'on frappe avec un ou deux maillets également finement ornés, sert à transmettre des messages.
Tambour à fente de la vallée du Sepik collecté en mai 1899.
 (Bâle, Museum der Kulturen, photo Claude Germain)


Des crochets extraordinaires

Chaque femme a un foyer en terre cuite, en forme de pot, dans lequel elle cuisine. Un énorme récipient portant une drôle de tête de cochon sert à stocker le sagou, fécule extraite d'une variété de palmier et aliment de base des peuples du Sepik.
 
Les "malu", grandes planches en bois sculpté, restent mystérieuses pour les chercheurs. Elles étaient disposées dans les maisons comme des paravents et auraient fait partie de la dot des femmes.
 
Autres pièces extraordinaires, les crochets qui servaient à suspendre des paniers contenant les aliments pour les mettre à l'abri des bêtes. Il s'agit en réalité de sculptures, aux formes parfois très complexes. Elles peuvent représenter un ancêtre, comme cette figure de jeune femme enceinte.
Masques de la vallée du Sepik au Quai Branly
 (musée du Quai Branly, photo Gautier Deblonde)


La maison des hommes, associée à l'ancêtre

Chaque village comporte une ou plusieurs maisons des hommes, associées au corps de la femme-ancêtre ou à l'esprit de l'ancêtre masculin. Des photos de 1913 nous montrent la construction d'une de ces maisons.
 
Lieu de réunion et de débat entre hommes, la maison des hommes sert aussi aux rituels. Tandis que l'extérieur est orné de masques, parfois des vanneries aux formes proéminentes, représentant l'ancêtre, à l'intérieur on conserve de nombreux objets rituels, d'instruments de musique, de crânes d'ennemis vaincus. Des figures ancestrales étaient accrochées au poteau central pour recevoir des offrandes. D'étonnantes figures féminines les jambes écartées représentent des ancêtres importants.
 
Pièce remarquable, la figure de Betman-Gambi, un ancêtre ressuscité par sa femme qui a gardé un grand trou dans le ventre, là où le lézard qu'elle a engendré l'a transpercé. A côté, une figure encore plus incroyable, en forme de reptile et d'oiseau et à tête humaine, très allongée et ornée de plumes.
Statuette de la vallée du Sepik
 (musée du Quai Branly, photo Thierry Ollivier, Michel Urtado)

Des flûtes monumentales et de grands tambours à fente

Toute une section est consacrée à la musique, une musique par laquelle s'exprime la voix des ancêtres, avec des extraits sonores datant des années 1960 à 1980, et des instruments : des flûtes traversières monumentales, qui se jouaient en duo, ou des flûtes en bambou portant des masques. Une étonnante planche à percussion et un sifflet gravé. Pour les cérémonies, les grands tambours à fente se jouaient aussi à deux.
 
C'est lors de l'initiation que les jeunes apprenaient à jouer de ces instruments. Elle marquait leur passage du monde des femmes vers le monde des hommes. Elle est évoquée par des photos anciennes où un jeune initié au corps scarifié se fait raser la tête.
 
Les spectaculaires masques Awan aux longues jupes en franges de rotin étaient des éléments centraux des rituels. Ornés de deux têtes superposées, ils expriment la dualité des êtres, hommes ou animaux qui peuvent changer de forme. Les ancêtres, omniprésents dans la vie quotidienne, se métamorphosent constamment et peuvent prendre les traits du conteur, qui parle en son nom. La chasse et la guerre sont des jeux complexes entre les esprits protecteurs des animaux et les ancêtres des uns et des autres.
 
Ce sont les liens étroits entre les habitants de la vallée et les esprits de leurs ancêtres que l'exposition, passionnante de bout en bout, entend révéler.
 
Sepik, Arts de Papouasie-Nouvelle-Guinée, Musée du Quai Branly, 37 quai Branly, 75007 Paris
Mardi, mercredi et dimanche : 11h -19h
Jeudi, vendredi et samedi : 11h-21h
Tarifs : 9€ / 7€
Du 27 octobre 2015 au 31 janvier 2016

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