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Le "Jeremstargate" expliqué à mes parents

L'affaire gagne de l'ampleur, alors qu'une deuxième plainte a été déposée à l'encontre du blogueur.

Article rédigé par franceinfo, Juliette Campion
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Jeremstar, alias Jérémy Gisclon, est devenu en trois ans un phénomène d'internet, suivi par des millions de fans. (JOEL SAGET / AFP)

Papa, maman, 

Je vois à votre mail paniqué que vous ne comprenez pas grand-chose à cette "histoire de Babybel, de baignoire et de soirées très arrosées". Je vous comprends, vous avez dû prendre du retard. Forcément, n'étant pas franchement des habitués de Twitter, vous avez raté le début du "Jeremstargate". C'est là, sur ce réseau social, que l'affaire a débuté, lundi 15 janvier.

Mais depuis, adieu les hashtags – ou plutôt les mots-dièses, en bon français. L'affaire n'est plus virtuelle : elle se dirige vers les tribunaux. Avec, au cœur de toute cette histoire, ce fameux Jeremstar, qui a construit sa notoriété sur les ragots et les scandales entourant les starlettes de la téléréalité. Allez, accrochez-vous, dans cinq minutes vous aurez tout compris.

Mais qui est donc ce "Jeremstar" ?

Vous le connaissez à peine, mais sachez que Jeremstar était pourtant la personnalité la plus recherchée sur Google en 2016. Surtout connu au départ pour avoir fait la bise à Paris Hilton ou pour avoir raconté sa vie dans "Tellement vrai", l'émission de confession trash de NRJ12, il est devenu une star des réseaux sociaux. Jérémy Gisclon, c'est son vrai nom, a près de deux millions d'abonnés sur Twitter. A 31 ans, ce serait même, d'après son site internet, le numéro un des "snapchateurs" en France. Vous savez, Snapchat, ce réseau social où on peut s'envoyer des photos et des vidéos avec des oreilles de chien ou des langues arc-en-ciel. Croyez-le ou non mais rien que sur cette plateforme, Jeremstar assure pouvoir gagner jusqu'à 80 000 euros par jour. Tout ça grâce à de juteux partenariats avec des marques.

Car Jeremstar ne s'en cache pas : c'est un businessman. Son fonds de commerce ? Les révélations plus ou moins scandaleuses sur les candidats de  téléréalité grâce à ses sites Jeremstar.fr et Gossip.fr. Ce "parasite médiatique", comme il se définit lui-même, est aussi très suivi sur sa chaîne YouTube, où il met littéralement à nu les candidats de "Secret Story", "La Villa des cœurs brisés", "Les Princes de l'amour" et consorts... Mais si, vous savez, ces émissions qui passent sur W9, NT1 ou NRJ12 ! Sa baignoire est devenue un passage obligé pour eux, ses interviews faisant "plus de vues que les émissions dont il parle", souligne Libération. Jugez plutôt.

"Je huuuuuuuuuuuuuurle." Pardon, je divague un peu, je commence à parler comme lui. Vous vous dites qu'il est plutôt direct, ce type ? Voire carrément vulgaire ? C'est justement pour ses blagues osées et "son ton souvent méprisant, voire misogyne", d'après Libération, qu'il est apprécié par ses jeunes fans, des filles en majorité, qui suivent ses faits et gestes.

Mais depuis septembre 2017, Jeremstar a quitté sa baignoire. Vous l'avez peut-être vu sur C8, dans l'émission de Thierry Ardisson, "Les Terriens du dimanche". Imaginez : le spécialiste de la téléréalité sur le même plateau que Franz-Olivier Giesbert, le patron du Point, votre hebdo préféré. Ça le change des candidats des "Anges" ! Autant dire que tout semblait lui sourire, jusqu'à il y a quelques jours...

Voilà ce que l'on lui reproche

C'est de Twitter qu'est partie la première salve des accusations. Et là, papa et maman, il faut vous concentrer un peu parce que, vous allez, voir, tout est allé très vite. Jeremstar aurait volé un "scoop" à un certain "Aqababe", un blogueur de 19 ans, lui aussi adepte de Snapchat. "Un jour, je découvre que Jeremstar a repris une de mes infos exclusives sur des candidats des 'Anges 10', sans me citer, raconte ce dernier à L'Obs. J'essaie de contacter Jérémy, qui m'ignore, et me bloque. Je me suis senti humilié."

Sa vengeance ne se fait pas attendre : lundi 15 janvier, Aqababe publie sur Snapchat une vidéo de Jeremstar en train de se masturber. Mais il ne s'arrête pas là. Le "snapchatteur" menace de révéler des choses sur un proche de ce dernier : "Babybel". Non, pas le fromage. C'est un pseudonyme, inventé par Jeremstar. "Babybel", c'est un de ses amis, Pascal Cardonna, employé de France Bleu dans le sud de la France.

"C'était du bluff, je ne savais pas grand-chose en fait", assure aujourd'hui Aqababe. Mais il reçoit "des vidéos, des documents" censés montrer des échanges scabreux entre ce fameux "Babybel", un quinquagénaire, et de jeunes hommes, pour certains mineurs, leur proposant des rapports sexuels de manière plutôt insistante. Certains messages laissent penser qu'il se serait servi de Jeremstar comme appât, pour les approcher. Aqababe décide alors d'en publier une partie. Et les internautes ressortent de vieilles vidéos de Jeremstar et de Babybel. Des séquences... un peu ambiguës, disons.

Du coup, Jeremstar, qu'on voit habituellement partout, devient subitement silencieux. Il dépose finalement plainte, mardi 16 janvier, et une enquête est ouverte le lendemain pour "atteinte à l'intimité de la vie privée". Jeremstar publie également un long communiqué sur Twitter. Il dément tout : "On m'accuse d'être à la tête d'un réseau de prostitution de mineurs. Je nie." Et il lâche aussi, à demi-mot, Pascal Cardonna.

Son ancien ami dénonce lui des "attaques diffamatoires et mensongères". Il ajoute : "Il ne faut pas confondre homosexualité et pédophilie ! Derrière cet amalgame ignoble, il y a des relents nauséabonds voués a assurer du sensationnel et du buzz!" Pas de quoi calmer la polémique.

Et les accusations ne s'arrêtent pas là...  

Car une semaine plus tard, de nouveaux témoignages sortent dans la presse. Lundi 22 janvier, un jeune homme nommé Annoir annonce une plainte pour "viol aggravé sur mineur, corruption sur mineur, atteinte sexuelle sur mineur, recours à la prostitution de mineur" le tout "sous aggravation de faits commis en bande organisée". Il vise donc Pascal Cardonna mais aussi Jeremstar, qu'il accuse de complicité. Là, je ne vous le cache pas, ça devient clairement glauque, à en croire les détails relayés par L'Obs.

Annoir raconte qu'il avait 15 ans lorsqu'un copain l'aurait convié à une soirée dans la villa de "Babybel", à Nîmes : "Tu veux venir à une soirée super cool ? Il y aura Jeremstar !" "Voir Jérémy en vrai ?" : impossible de refuser. Mais au fur et à mesure de la soirée, l'alcool coulant à flots, Pascal Cardonna se serait "fait plus pressant", lui demandant explicitement d'avoir une relation sexuelle avec lui.

Dans la nuit du 16 au 17 février 2016, je ne sais pas ce qui s’est passé, je me suis réveillé dans sa chambre, il était en train de me faire une fellation. Je me suis défendu, je suis parti, en état de choc.

Annoir

à "L'Obs"

Annoir pense avoir été drogué. Dans sa plainte, le jeune homme dit que Jeremstar était présent lors de cette soirée : "Pascal Cardonna n'a eu de cesse d'user de la présence complice de Jéremy Gisclon pour imposer à Annoir S. de nombreux attouchements sexuels et l'inciter, de manière répétée et insistante, à prendre part à une activité sexuelle avec lui." Evidemment, Babybel nie. Il veut d'ailleurs porter plainte contre Annoir. "Il est effectivement venu chez moi, mais il ne s'est rien passé de ce qui est sorti", réplique-t-il dans un communiqué.

Mais le jeune homme n'est pas le seul à l'accuser. Un autre, Jason, assure avoir eu une relation sexuelle tarifée avec lui en 2011, alors qu'il avait 14 ans, révèle Libération dans la foulée. Est-ce qu'il était consentant ? "Oui, si tant est qu'on puisse être consentant à 14 ans." A propos des soirées de Pascal Cardonna, Jason affirme que ce dernier "avait toujours une cible, soit qu’il avait amenée, soit qu’il choisissait parmi les garçons qu’il nous demandait d’inviter". 

Résultat, Jeremstar publie un nouveau communiqué : "Pascal Cardonna n'est pas moi. (...) Je me désolidarise totalement de Pascal Cardonna."

L'affaire n'est pas terminée... Loin de là !

Pourquoi on en parle autant ? Parce que les faits, s'ils sont avérés, sont très graves. Mais aussi parce que Jeremstar est un personnage aussi connu que clivant. Lorsque l'affaire a commencé, plus de 300 000 messages ont été postés en 48 heures, d'après Visibrain. Le soir du mardi 16 janvier, le "Jeremstargate" était le sujet le plus discuté en France sur Twitter, entre insultes et messages de soutien des "Jeremstarlettes". Forcément, avec tout ça, les médias traditionnels se sont emparés de l'affaire. Y compris franceinfo.fr, votre site internet préféré.

Visiblement, ça n'est pas près de s'arrêter. A en croire Annoir, le premier accusateur de Pascal Cardonna et Jeremstar, il y a fort à parier que l'affaire ne s'arrête pas là : "Il y aura d’autres plaintes, environ une dizaine, peut-être une vingtaine", affirmait-il à Libération. Et Aqababe continue d'alimenter la polémique : sur son compte Instagram, il s'est filmé en direct, lundi 22 janvier, pour dénoncer des "pressions psychologiques à son encontre". Il assure toutefois dans cette vidéo qu'il suspend sa présence sur les réseaux sociaux "jusqu'aux tribunaux".

Voilà chers parents. J'imagine que cette affaire vous laisse une image quelque peu dégradée de la jeunesse et notamment des réseaux sociaux. Mais on peut aussi considérer qu'ils ont permis de libérer la parole de certains, qui ne se seraient peut-être jamais exprimés sinon... Attendons maintenant que la justice se prononce pour tirer des conclusions.

Je vous enverrai quand même un petit "snap" de temps à autre... 

La bise !

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