Paris 2024 : en cette année olympique, les arts racontent le sport de l'Antiquité à nos jours

À l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, une programmation culturelle éclectique sera proposée aux Français et visiteurs du monde entier.
Article rédigé par Alexandre Plumet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Les anneaux olympiques sur la façade de l'Hôtel de ville de Paris. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)

L'année 2024 est placée sous le signe du sport, "mais aussi de la culture", se réjouit Dominique Hervieu, présidente de la culture des Jeux olympiques 2024. Investissant de nombreuses villes et institutions diverses, cent ans après les Jeux parisiens de 1924, la culture dialoguera avec le sport et fera des allers-retours entre l'Antiquité et l'époque moderne. Près de 2 500 projets culturels, répartis dans 700 communes françaises, se disputeront l'attention des 16 millions de visiteurs attendus cet été. Du discret club sportif à l'imposant musée du Louvre, les acteurs promettent un "dialogue entre les deux disciplines a priori éloignées". Si des installations inédites et expérimentales sont attendues, elles s'inscriront toutefois dans "l'esprit classique des Jeux" recherché par Pierre de Coubertin : "l'alliance du muscle et de l'esprit".

De la photographie à l'opéra en passant par le hip-hop, la bande dessinée ou la sculpture, "cette année, tous les arts s'uniront aux sports", prévient Dominique Hervieu. "Les artistes ont beaucoup à dire sur la pratique sportive, la complexité du corps, le sens de l'effort. C'est le seul événement mondial à la fois culturel et sportif", indique la présidente de l'Olympiade culturelle. Un terme qui réunit toute la programmation artistique depuis les Jeux olympiques de Barcelone en 1992.

Paris, Marseille, Rennes...

La programmation, dont une grande partie se déroulera durant les mois d'avril, mai et juin, promet d'être éclectique. À Paris, principale ville hôte des épreuves sportives, la mode sera mise à l'honneur au musée des Arts décoratifs, qui présentera l’évolution du vêtement sportif. Le Palais de la Porte Dorée s'attardera quant à lui sur les enjeux géopolitiques de l'olympisme.

Le musée du Luxembourg retracera de son côté le rôle du design dans les progrès du sport, tandis que l'histoire visuelle de la discipline sera présentée par le musée Marmottan Monet. Le Louvre fera aussi un bond dans l'histoire olympique en revenant sur la création des premiers Jeux modernes comme nouvelle version adaptée de la Grèce antique.

Le cratère d'Euphronios est un calice représentant Héraclès et Antée présent dans les collections du Louvre. (RMN-GRAND PALAIS MUSEE DU LOUVRE / STEPHANE MARECHALLE)

Des expositions seront également visibles partout en France. À Marseille, le Musée d'art contemporain analysera les évolutions des épreuves du pentathlon, de l'Antiquité à nos jours. À Rennes, le Fonds régional d'art contemporain mettra en avant le métier de photographe sportif avec des clichés capturés par Raymond Depardon.

Les femmes médaillées olympiques seront aussi mises à l'honneur au Musée national du sport à Nice, de leur quasi-exclusion des Jeux à leur lutte pour la parité. À Strasbourg, la littérature sera de son côté au centre de l'Olympiade culturelle avec l'organisation de marathons d'écriture et de lecture.

Des expériences inédites

Cette Olympiade est une "véritable opportunité" pour les expositions et les artistes labellisés. "C'est une expérience. Ils ont la liberté de créer et la possibilité de faire des pas de côté", précise Dominique Hervieu, anciennement responsable de la biennale et Maison de la danse de Lyon. À cette occasion, les institutions et artistes inventent des "expériences inédites" : Le public pourra par exemple danser sur des statues géantes ou participer à des chasses au trésor organisées par les musées nationaux, dont Le Louvre, Orsay et le Quai Branly. "Les participants seront invités à trouver, grâce à des indices, des œuvres liées aux sports dans les galeries des musées. Une grande première", se réjouit la directrice de la culture des Jeux. "C’est pour les musées l’occasion de faire entrer l’expérience du corps."

La présidente avoue : "Ça a été un engouement inattendu pour moi. J'ai été surprise par cette telle profusion, cette envie de s'impliquer". Et ce, autant de la part des institutions que des artistes et du public. Ce dernier ne sera pas mis de côté. "Une grande parade s'organise d'Aubervilliers à Pantin depuis deux ans. Près de 1 200 jeunes issus des écoles, collèges et lycées environnants défileront dans les rues", s'impatiente Dominique Hervieu. "Au château de Versailles, le public pourra également participer à des épreuves culturelles liées aux arts visuels, à la musique et à la littérature". Une organisation qui n'est pas sans rappeler les origines des "Jeux olympiques culturels", tenus entre 1912 et 1948.

De l’Antiquité aux Jeux modernes

"La culture et le sport ont toujours eu des liens étroits qui remontent même jusqu'à l'Antiquité", explique Sylvain Bouchet, historien spécialiste de l'olympisme. Certains Jeux panhelléniques, des fêtes religieuses organisées sous la forme de concours en Grèce, disposaient déjà d'une dimension culturelle visible. Tel est le cas des Jeux situés à Delphes, Corinthe et Némée. "En revanche, rien était prévu à Olympie, où seules des compétitions d'athlétisme étaient organisées", précise l'historien, auteur d'une thèse primée sur les cérémonies d'ouverture des Jeux olympiques, intitulée La mise en scène est de Pierre de Coubertin. Toutefois, à Olympie, de nombreux artistes étaient présents puisque ce moment faisait office de vitrine pour leur art et savoir. Le poète Isocrate, le philosophe Pythagore, le sculpteur Praxitèle... "Être présent, c’était la garantie de devenir célèbre."

Croquis original des pictogrammes olympiques par Pierre de Coubertin de 1913, graphite et gouache sur carte. (COLLECTION PRIVÉE)

C'est en 1906, lors d'une conférence donnée à la Comédie-Française par Pierre de Coubertin, qui a rétabli les Jeux olympiques en 1894, que les arts s'inscrivent au programme officiel. Le baron affiche clairement sa volonté : "Il s’agit d’unir à nouveau, par les liens d’un légitime mariage, d’anciens divorcés : le muscle et l’esprit". Autrement dit : le Pentathlon des muses est né. Les arts et le sport seront célébrés et récompensés au même titre.

Médaillé de ses propres Jeux

Ces compétitions artistiques ont concerné cinq disciplines : architecture, littérature, musique, peinture et sculpture. Lors de la première édition tenue aux Jeux olympiques de Stockholm, "l'absence d'artistes s'est fait ressentir", note Sylvain Bouchet, qui fait part d'une anecdote : "Face au faible taux de participation, Pierre de Coubertin décide de s'inscrire anonymement au concours de littérature. C'est ainsi qu'il propose Ode au sport, un poème en prose de neuf strophes qui, sans l'imaginer, remporte le Premier prix". Pierre de Coubertin est alors devenu médaillé d'or de ses propres Jeux.

"C'est à travers le portrait des médaillés que l'on se rend compte des liens étroits entre le sport et la culture", explique Stéphane Gachet, auteur du livre JO d'été : tous les médaillés français de 1896 à nos jours, publié en novembre dernier chez Talent Sport. Le spécialiste des Jeux olympiques remarque plusieurs profils parmi les 1 266 lauréats : "Dans le cadre du pentathlon, il y a évidemment les artistes qui brillent dans leur propre discipline". Le sculpteur français Paul Landowski, à qui l’on doit la statue du Christ rédempteur à Rio de Janeiro, a remporté par exemple une médaille d'or en sculpture pour sa statue Le Boxeur (Jeux olympiques d'Amsterdam, 1928). Aussi, la peintre franco-suisse Ève de Polanska a remporté une médaille d'argent pour sa peinture L'Élan (Jeux olympiques d'Anvers, 1920).

Paris 1924, édition prestigieuse

"Mais les artistes s’illustrent aussi dans les disciplines sportives", poursuit Stéphane Gachet. C’est le cas de Georges Victor-Hugo, petit-fils du célèbre poète et romancier. Ce peintre de profession a remporté une médaille olympique en voile. Robert de Montesquiou, homme de lettres, a, lui aussi, gagné une médaille sportive en tant que cavalier. D’autres s’illustrent par une double victoire, dans le sport et dans les arts. C'est le cas de l’écrivain français Charles-Anthoine Gonnet : médaillé de bronze en littérature et d'argent en rugby (Jeux olympiques de Paris, 1924).

Parmi toutes ces éditions des Jeux olympiques culturels, c'est celle de Paris, en 1924, qui marquera les esprits. "Les organisateurs ont mis le paquet", analyse l'historien Sylvain Bouchet, un siècle plus tard. "C'est surtout la composition des jurys qui est prestigieuse et qui montre l'intérêt porté aux arts" : Igor Stravinsky, Maurice Ravel, Paul Dukas, Gabriel Fauré pour la musique. Paul Valéry, Jean Giraudoux et Paul Claudel pour la littérature. Si aujourd'hui les artistes et œuvres ne sont plus célébrées comme avant, exit les médailles et les jurys, "certains sports allient parfaitement les deux disciplines : patinage artistique, break dance, gymnastique, natation synchronisée...", liste Stéphane Gachet. "Les artistes sont sportifs au même titre que les sportifs sont artistes."

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