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Dothraki, na'vi et klingon : les langues imaginaires ont conquis Hollywood

Une méthode d'apprentissage du dothraki, langue de la puissante tribu de cavaliers de la série "Game of Thrones", est désormais disponible à la vente. Et ce n'est pas la seule langue fictive inventée pour les besoins de la télé et du cinéma.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Jason Momoa incarne Khal Drogo, le chef des Dothrakis, dans la série "Game of Thrones". (HBO)

C'est un petit jeu d'enfant devenu un véritable métier. La création de langues imaginaires ne se résume plus à schtroumpfer les mots d'une phrase ou à en inverser les lettres comme dans la zorglangue de Spirou et Fantasio. Des linguistes de haute volée ont élevé l'amusant exercice au rang d'art, en inventant des langues construites, riches de milliers de mots, avec leur logique, leur syntaxe, leurs verbes irréguliers et parfois leur propre alphabet.

Les fans de la saga Le Seigneur des Anneaux connaissent le mélodieux sindarin des Elfes gris, les millions de spectateurs d'Avatar ont pu découvrir le na'vi, parlé sur la planète Pandora, et une vingtaine de personnes au monde maîtrisent le klingon, inventé pour Star Trek. Désormais, vous pouvez aussi apprendre le dothraki, langue de la puissante tribu de cavaliers emmenée par la Khaleesi, dans la série Game of Thrones, grâce à une méthode mise en vente mardi 7 octobre.

Des "Shadoks" à "Game of Thrones"

Les Shadoks de la télévision française des années 1960 parlaient déjà une langue fictive, composée de quatre sons. La Syldavie, pays inventé par Hergé pour quelques albums de Tintin, avait aussi sa propre langue. Mais la pratique a bien évolué. Ni mortes, ni réellement vivantes, comme l'explique Slate, les nouvelles langues de fiction sortent de l'imagination de linguistes spécialisés, les conlangers, en anglais. Des professionnels qui s'intéressent autant à l'évolution de l'anglais qu'aux dialectes russes, aux langues swahilies (utilisées principalement en Afrique de l'Est) ou à l'araméen (présent surtout au Proche-Orient), ce qui leur permet d'enrichir les langages qu'ils inventent.

Le véritable pionnier s'appelle J.R.R. Tolkien, auteur du Seigneur des Anneaux et créateur de la langue sindarin, qui a largement contribué au succès de la saga. L'adaptation de la trilogie au cinéma "a tout changé", explique David Peterson, inventeur du dothraki, à Arte.tv. Cet érudit, qui apprend le japonais et sait lire des hiéroglyphes, est encore inconnu de la plupart des spectateurs. Pourtant, ce conlanger de 33 ans est désormais adulé des fans hardcore de Game of Thrones (et des férus de linguistique, probablement moins nombreux). En témoigne le succès de sa session "Ask me anything" sur Reddit (en anglais), pendant laquelle il a répondu aux questions de centaines d'internautes.

Le dothraki pour les nuls

A Hollywood aussi, David Peterson est très convoité. Il est "peut-être le premier conlanger professionnel", écrit le Boston Globe (en anglais). En plus de Game of Thrones, il a créé la langue des Elfes noirs de Thor : le Monde des ténèbres et supervisé la création de la méthode d'apprentissage du dothraki, constituée d'"un cours en ligne, une application pour iPad, un livre, des tutos", détaille l'intéressé sur Le Plus du Nouvel Obs.

Difficile d'évaluer les revenus de David Peterson et sa poignée de confrères. Mais un long dossier du Hollywood Reporter (en anglais) consacré aux salaires des professionnels du cinéma américain permet d'estimer ses gains à un minimum de 100 000 euros par film, ce que touche un "répétiteur linguistique", qui aide les acteurs à trouver la voix et les intonations de leur personnage.

Tu fais quoi ce week-end ? Un Monopoly en klingon

Les producteurs de cinéma l'ont bien compris : les langues fictives renforcent le réalisme des mondes imaginaires dans lesquels ils veulent entraîner les spectateurs. "Ne pas entendre [les aliens] parler avec l'accent de Brooklyn ou employer l'argot de la Californie du Sud aide à vous transporter dans ce monde, explique Lawrence M. Schoen, directeur de l'Institut de langue klingon, à Wired (en anglais). Et je pense qu'Hollywood a compris que c'était efficace et bien moins coûteux que les images de synthèse." Il sait de quoi il parle : le klingon de Star Trek est la première langue fictive à avoir conquis une large communauté de fans, une manne pour les studios.

Un véritable business entoure d'ailleurs le klingon, inventé par l'acteur James Doohan et développé par Marc Okrand. La langue a ses propres produits dérivés, comme un jeu de Monopoly et même une bière, la Klingon Warnog. Pourtant, la plupart des fans n'en connaissent que quelques mots et, en général, une seule phrase, apprise par cœur : "Heghlu'meH QaQ jajvam", qui signifie "aujourd'hui est un bon jour pour mourir", probablement très appropriée lors d'une partie de Monopoly.

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