Les acteurs de "Dopesick" racontent la série choc sur la crise des opiacés aux États-Unis
La série "Dopesick", diffusée sur Disney+ à partir du 12 novembre, raconte l'histoire vraie d'un laboratoire américain qui a volontairement mis sur le marché l'OxyContin, un médicament antidouleur qui a entraîné des addictions et des centaines de milliers de surdoses mortelles. Les acteurs de la série se sont confiés à franceinfo.
Dopesick est une série américaine diffusée à partir du 12 novembre dans le catalogue Star de Disney+. Il s'agit d'une adaptation du livre-enquête Dopesick: Dealers, Doctors, and the Drug Company that Addicted America de Beth Macy. La série en huit épisodes raconte l'histoire vraie du lancement de l'OxyContin aux États-Unis. Ce médicament, lancé par le laboratoire Purdue Pharma en 1996, est à l'origine de la vague de morts par overdose (93 000 décès par overdose aux États-Unis en 2020) qui touche actuellement le pays. La prescription massive d'oxycodone, la molécule à la base du médicament, a des conséquences sanitaires dramatiques. Purdue Pharma a détourné le domaine initial d'application de ce médicament (réservé aux malades du cancer en phase terminale) pour le vendre comme un antidouleur classique. Mais l'oxycodone, un opioïde deux fois plus puissant que la morphine, provoque vite une forte addiction chez les personnes qui en prennent et le surdosage conduit souvent à la mort.
La série écrite par Danny Strong et réalisée par Barry Levinson suit plusieurs personnages et se déroule dans une communauté minière en Virginie où Pharma Purdue vend cyniquement son antidouleur aux mineurs qui souffrent de multiples accidents du travail. À l'écran, se croisent les trajectoires de Richard Sackler (Michael Stuhlbarg), l'héritier de la famille à la tête de Pharma Purdue, le docteur Samuel Finnix (Michael Keaton) qui exerce en Virginie, Billy Cutler (William Poulter), un commercial au service de Pharma Purdue, et Betsy Mallum (Kaitlyn Dever), une jeune femme mineur qui devient vite accro à l'oxycodone.
Les trois premiers épisodes de la série, que Franceinfo a pu voir en avant-première, dépeignent dans une ambiance sombre le machiavélisme absolu de Purdue Pharma, qui envoie une équipe de centaines de commerciaux sur le terrain pour vendre son médicament, et cache les effets secondaires de l'OxyContin à travers une campagne de publicité mensongère. Très bien documentée, la série développe un sentiment de révolte chez le téléspectateur qui voit les injustices s'enchaîner et les vies volées, à la façon du film Dark Waters sur le scandale du téflon. Le réalisateur Danny Strong et les acteurs Kaitlyn Dever et William Poulter racontent à Franceinfo le choc que provoque Dopesick en pleine crise des opiacés aux États-Unis.
"Tout est vrai dans cette série"
Pour rendre très crédible sa fiction, le scénariste Danny Strong avec lequel nous avons discuté en appel vidéo, raconte s'être "beaucoup documenté avant de passer au processus de création". Ce qui l'a convaincu que le scandale sanitaire pourrait être très télégénique est le cocktail d'éléments qui se croisent dans cette affaire. "C'est un challenge unique de raconter cette histoire où il y a des crimes, l'intervention de la DEA (l'agence fédérale américaine chargée de la lutte contre le trafic de drogue), le combat d'un procureur. Quand on commence à creuser le sujet, c’était comme un gouffre sans fin. Je trouvais ça ahurissant. J’étais stupéfait d’apprendre ce que ce labo pharmaceutique avait fait, et je ne comprenais pas comment il avait pu continuer pendant des années, malgré les scandales et les enquêtes. Quand je me suis intéressé à sa communication mensongère, à ses manipulations et au lobbying auquel il s’était livré, ça m’a bouleversé. J’y pensais constamment. C’est là que je me suis dit qu’il fallait absolument faire quelque chose, révéler toute l’ampleur du scandale dans une œuvre qui serait largement diffusée".
La crise des opiacés est bien connue aux États-Unis où des centaines de milliers de foyers ont été touchés par ce drame. Il y a désormais annuellement plus de morts par surdose que par armes à feu dans le pays. Mais en lisant le scénario, les acteurs ont pris connaissance d'un cynisme qu'ils n'avaient pas imaginé. Pharma Purdue a en effet échappé à des dizaines de procès en réglant des litiges à l'amiable. En 2007, à l'issue d'un procès, le gouvernement fédéral américain avait tout de même réussi à faire condamner le laboratoire à une amende 635 millions d'euros pour publicité mensongère. "Je connaissais l'oxycodone, mais j'ai été choqué de comprendre comment cela avait commencé et d'en savoir plus sur le procès autour de ça avec les mensonges et les manipulations. J'étais très surpris en lisant le script du premier épisode", témoigne pour nous l'actrice Kaitlyn Dever. Des propos qui font écho à ceux de l'acteur William Poulter. "J'avais entendu parler vaguement de l'oxycodone. Mais je ne savais rien des détails de l'affaire de Purdue", nous dit-il.
Une façon d'aider les Américains à se libérer de l'oxycodone
En étalant au grand jour les détails des mensonges de Purdue Pharma, le scénariste Danny Strong espère changer le regard sur les personnes accros à ce type de médicament. "La série vise à mieux comprendre cette crise et aussi à lutter contre les stéréotypes. Certaines personnes accros à ces médicaments sont parfois qualifiées de junkies, alors quelles sont les victimes d'un système", commente-t-il.
Pour Kaytlyn Dever, Dopesick va permettre d'ouvrir le dialogue. Après avoir endossé devant la caméra le rôle d'une jeune femme qui se drogue à l'oxycodone pour garder son job, elle a discuté hors-champ avec des amis à elle tombés dans le piège de l'OxyContin et de ses dérivés. "J'ai parlé avec des amis à moi qui se sont vu prescrire de l'oxycodone. C'est toujours un gros problème aux États-Unis. Dopesick va mettre les projecteurs sur cette affaire. Je pense que c'est une série qui va aider les gens qui se débattent avec cette addiction".
"Peut-être que la série va permettre de changer la législation par rapport à ce type de médicament"
William Poulteracteur
Au visionnage de la fiction de Disney+ le plus dérangeant est d'apprendre que l'OxyContain et les autres médicaments à base d'oxycodone n'ont toujours pas été interdits malgré le fait qu'ils sont à l'origine de milliers de décès évitables. L'ex-président Donald Trump avait envisagé de mettre fin à leur commercialisation en 2016, mais finalement rien n'avait été fait. "Peut-être que la série va permettre de changer la législation par rapport à ce type de médicament", juge l'acteur William Poulter. Lui-même joue un commercial qui démarche les médecins pour vendre la molécule. Il est une marionnette de Purdue Pharma. "C'est quelqu'un qui tombe dans le système, il est manipulé et veut montrer qu'il peut vendre le plus de médicaments possibles aux médecins. Le développement des personnages est vraiment intéressant dans la série. Je ne peux pas spoiler ce qui va se passer dans les prochains épisodes pour mon personnage, mais je peux dire qu'il évolue de manière intéressante".
"Dopesick" sera diffusé sur la plateforme de streaming Disney+ à partir du 12 novembre.
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